(Billet 1053) – Gaza, le crime et les complicités

(Billet 1053) – Gaza, le crime et les complicités

Pendant que les regards du monde sont portés sur tant d’événements qui se produisent dans le monde, et alors que la plupart des médias occidentaux en profitent pour occulter les horreurs continues qui se déroulent à Gaza, prenons le temps de lire ce qui est rapporté par notre confrère Courrier International, analysons les possibles complicités et surtout ne nous laissons pas distraire par l’actualité internationale et n’oublions pas ces enfants, ces femmes, ces civils massacrés chaque heure, chaque jour à Gaza.

Après avoir donc terrorisé, entre autres personnes, les journalistes, l’armée israélienne peut continuer ses massacres à huis-clos. Les dirigeants savent et se taisent, les fonctionnaires de l’ONU se taisent aussi, ou meurent dans le silence et l’indifférence de ceux en charge de l’ « ordre international », les ONG de défense de droits savent aussi mais préfèrent se concentrer sur le 7 octobre, avec deux ou trois petites phrases sur l’après 7 octobre pour donner le change… Mais il reste, par « bonheur », certains médias qui décident de révéler la vérité crue, effrayante. Ainsi de Courrier international, qui a publié cette contribution le 28 juillet, intitulée « ’Je m’emmerde, alors je tire’ : les récits glaçants de soldats israéliens revenus de Gaza ». Voici un florilège de ce qui est rapporté par ce périodique.

« Corroborant les déclarations de médecins palestiniens indépendants, [six soldats réservistes aujourd’hui démobilisés] affirment qu’ils étaient autorisés à ouvrir le feu contre des civils palestiniens sans restriction aucune ».

« Les soldats israéliens exécutent des civils palestiniens simplement parce que ces derniers entrent dans une zone que l’armée a unilatéralement et sans avertissement suffisant décrétée comme interdite (…) ; la politique officieuse de Tsahal reste de tirer sur tout ce qui bouge et sur quiconque essaie de franchir des lignes dont le tracé est connu des seuls soldats israéliens ».

« Une politique systématique consistant à incendier des immeubles palestiniens après y avoir séjourné ».

« J’ai moi-même tiré dans tous les sens et sans raison aucune dans la mer, sur des trottoirs, contre des immeubles abandonnés et sur des Palestiniens présents au mauvais moment et au mauvais endroit ». Témoignage d’un soldat sur ce qu’on appelle au sein de l’armée : « je m’emmerde donc je tire ».

« L’’armée ne fixe plus aucune règle d’engagement aux soldats (…), et la quasi-inexistence de directives est également responsable du nombre élevé de soldats tués par des ‘tirs amis’ depuis le 7 octobre 2023 ».

« Tout homme âgé de 16 à 50 ans est soupçonné d’être un terroriste ».

« L’état d’esprit se résume par ‘d’abord tirer, ensuite penser’. Le consensus implicite est que personne ne versera une larme si nous rasons, même sans raison aucune, tout un immeuble palestinien ».

« Tous ces endroits sont jonchés de cadavres que nous laissons à la merci de chiens errants, de veaux abandonnés et de chevaux désemparés. Nous ne voulons pas que ces animaux s’approchent de nous. Mais, du coup, nous voyons souvent des chiens errants se promener avec des morceaux de viande arrachés aux cadavres putréfiés de Palestiniens que nous avons laissés derrière nous après notre passage. Tout pue la mort ». Témoignage d’un soldat israélien.

« Un D9 [bulldozer blindé] accompagné d’un char, vient ramasser les cadavres et les enterre sous...

les décombres, pour que les humanitaires ne les voient pas et pour qu’il n’y ait aucune image de cadavres palestiniens à un stade avancé de décomposition, des cadavres qui sont majoritairement ceux de civils [palestiniens] : des femmes et des enfants, voire des familles entières ». Témoignage d’un soldat israélien.

« Détruire gratuitement un immeuble abritant trois ou quatre familles signifie qu’elles se retrouveront sans abri ».

« Nous avons anéanti tout ce qu’il était possible d’anéantir. Pas par simple nécessité de nous défendre, mais par un pur désir de vengeance et une indifférence totale envers tout ce qui est palestinien. Je n’oublierai jamais à quelle vitesse des quartiers entiers, pleins de vie et presque bucoliques peuvent être réduits en amas de sable ».

Voilà… voilà quelques témoignages de ce que le monde sait aujourd’hui de l’ « armée la plus morale du monde », appuyée par l’ « ordre international porteur des valeurs de l’humanisme ». Pendant ce temps-là, le chef d’Israël, le Premier ministre en instance de mandat d’arrêt de la CPI, paradait à Washington, recevait pas moins de 52 standing ovations des congressistes présents, dont il a insulté les électeurs, les traitant d’ « idiots utiles de l’Iran », sans que leurs élus bronchent, applaudissant l’offense comme des… idiots !

Pendant ce temps-là, toujours, le président israélien qui avait signé un obus destiné à Gaza était reçu en grande pompe à Paris pour célébrer ses athlètes à l’ouverture des Jeux olympiques, et applaudir également son porte-drapeau, qui lui aussi avait signé une bombe qui devait être larguée, aveuglément, sur Gaza.

Si Benyamin Netanyahou, reçu à Washington la semaine dernière et diffusé sur TF1 le 30 mai, fait finalement l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI (qui tarde…), alors cela signifie qu’il est très possiblement coupable de crimes de guerre, peut-être même plus. Dans une affaire pénale, un criminel est condamné à de lourdes peines, et ses complices sont également condamnés. Qui sont les complices de Netanyahou dans ce massacre, dans ce qui est de plus en plus qualifié de génocide ? Tout simplement ceux qui le couvent, le couvrent et l’arment. Selon le Statut de Rome, constitutif de la CPI, « une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un crime relevant de la compétence de la Cour si, (…) en vue de faciliter la commission d’un tel crime, elle apporte son aide, son concours ou toute autre forme d’assistance à la commission ou à la tentative de commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission » (art 25, §3c).

On comprend dès lors mieux pourquoi MM. Biden, Macron, Scholz, Sunak, Trudeau et d’autres encore craignent tant de voir le mandat international délivré contre Netanyahou arriver à son terme, car tout criminel commettant des crimes de grande ampleur nécessite des complices pour les armes, la couverture et la protection. Et c’est sans doute pour cela que Netanyahou, conscient du danger, aspire à étendre le conflit au Liban et ailleurs, mettant ses compatriotes et ses « protecteurs/complices » face au fait accompli.

Mais les opinions occidentales se retournent et leurs classes politiques évoluent. Nous verrons bien de quoi sera fait le proche avenir…

Aziz Boucetta