(Billet 1043) - A quoi sert la RAM ?
En principe, une compagnie aérienne est faite pour transporter des personnes et des biens, d’un endroit à un autre, dans de bonnes conditions, idéalement. Mais une compagnie aérienne nationale doit aussi refléter l’image du pays, car elle est le premier contact d’un étranger avec ce pays avant d’y poser les pieds, et elle doit aussi servir le pays, qui à son tour s’en sert. Mais tout cela, ce sont de grands principes, pas toujours respectés.
Notre transporteur national dispose d’une flotte appréciable de plus d’une cinquantaine d’avions, dont plusieurs 787, quelques dizaines de 737 et d’autres. Le transporteur national prévoit de quadrupler cette flotte, pour arriver à 200 avions en 2037. C’est tellement gros et tellement loin qu’on aura certainement oublié, d’ici là.
Notre RAM nationale, comme ses « consœurs » des autres pays, a connu des moments durs, très durs, durant la crise Covid lors de laquelle, on s’en souvient, ses appareils étaient cloués au sol, que ses charges fixes étaient toujours fixes et que la seule variable était la nature et la gravité de la banqueroute ; un plan social plus tard, une aide publique de plus et voilà la compagnie sauvée du crash, mais ce n’était pas suffisant. La RAM, comme les autres, s’est rattrapée sur les tarifs.
On peut convenir de tout cela, comme du fait que la RAM est une compagnie qui ne badine pas avec la sécurité, mais il y a des limites. Car il ne faut pas oublier que l’entreprise, en plus d’être un emblème national, est un outil placé entre les mains de l’Etat, au service de sa communauté à l’étranger. Le sujet revient chaque année, au sujet de ces très nombreuses familles vivant au Canada, aux Etats-Unis où dans des lieux desservis directement par la RAM et pour lesquelles la RAM applique des tarifs tout simplement prohibitifs.
Que dit la RAM à ce sujet, pour sa défense ? Que tout a augmenté, que l’énergie coûte cher, que les frais d’entretiens sont élevés, que la masse salariale alourdit les comptes de l’entreprise… et elle a raison. Que disent les familles rencontrant des difficultés à rentrer au pays ? Que pour une famille de quatre personnes, le prix des billets aller-retour représente un budget hors-budget et que pour la même somme, il est possible de passes des vacances en famille, loin du Maroc. Et ces familles ont raison.
Les deux parties ont donc raison mais c’est le Maroc qui perd une partie de la nouvelle génération de Marocains du monde et ce sont ces jeunes expatriés qui ne connaîtront que peu, ou pas leur pays d’origine. On suppose que l’Etat subventionne assez mais qu’il ne
peut aller plus loin. Et pourtant ! Ce n’est pas dans la facilité que les affaires publiques se gèrent.
Et que dire de l’accompagnement d’événements qui, pour être privés, n’en sont pas moins nationaux ? Rencontres, colloques, forums et autres conférences sont organisés dans les grandes villes du Nord ou dans celles du Sud, à Fès et à Essaouira, et dans tous les cas, les organisateurs se plaignent de ne pouvoir assurer la présence d’invités étrangers car les billets d’avion coûtent cher et la RAM pas collaborative… sauf en cas d’instructions bien évidemment. Comment organiser une conférence internationale à Dakhla, y inviter des investisseurs, des journalistes, des universitaires, des entrepreneurs, si la RAM refuse d’accorder des facilités aux organisateurs ? C’est son droit certes de refuser, mais il existe une différence entre le droit et le devoir.
Le Maroc est engagé dans une lutte d’influence, pour en gagner, pour faire porter sa voix dans le monde, pour faire entendre ses arguments sur tant de sujets (migrations, façade atlantique, africanisme, Sahel, sécurité, environnement et développement durable...). Pour cela il faut de l’argent et jusque-là, le Maroc n’a jamais été freiné dans ses élans promotionnels pour des questions d’argent, il faut juste de la volonté.
Et que dire aussi de l’accueil dans les avions, de la qualité des repas y servis ? Restons charitables et n’insistons pas sur ces « collations » quasiment jetées aux passagers, sans un sourire des personnels qui sourient généralement peu, et évoquant vaguement de la nourriture « mahlaba ».
Et enfin, que dire de la communication, quand les vols sont en retard ou retardés, et que les passagers, à l’heure de l’information continue et exhaustive, se trouvent démunis, désemparés ? Dans ces cas, les centres d’appels se content de répondre aux appels, et la politesse des opérateurs n’a d’égale que leur inefficacité à informer, puisqu’eux-mêmes ne le sont pas.
Encore une fois, le Maroc qui aspire à l’émergence ne s’y pas encore engagé. Oui, c’est une chose de le proclamer, c’en est une autre de s’y inscrire résolument. Regardons les compagnies des émergents qui s’en donnent les moyens, qui œuvrent à mettre en place la meilleure qualité de service, qui font leur promotion là où il faut, qui consentent de gros moyens ou en demandent à leurs Etats pour couvrir ou accompagner des événements nationaux et proposer de bons tarifs à leurs communautés expatriées…
La Royal Air Maroc est une grande compagnie, avec une grande histoire et un grand potentiel, de bons pilotes et d’encore plus bonnes perspectives en Europe, en Afrique, au national. Mais il n’est pas sûr que son management soit à la hauteur de tous les enjeux.
Aziz Boucetta