(Billet 1048) – Relation France-Maroc : Paris sous pression, Rabat pas pressé
Parmi les dégâts occasionnés à la France par son Président, la diplomatie ; et parmi les dommages engendrés dans le domaine de la politique extérieure, la relation désormais abîmée avec le Maroc. Les deux pays ont connu par le passé des hauts et des bas, mais voici quelques mois, leur relation était au plus bas, et pas seulement au niveau des Etats, qui ne se parlaient quasiment plus, mais également sur le plan humain. Puis cela avait commencé à se régler, une certaine normalité reprenait forme, mais pas comme elle était avant.
Inutile de refaire l’historique des errements d’Emmanuel Macron à l’égard du royaume, tout le monde les connaît et, pour qui douterait encore de cet amateurisme à la tête de l’Etat, il suffit d’observer la situation actuelle de la République... à quelques jours de l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris ! Cela reste néanmoins l’affaire des Français. Pour ce qui concerne le Maroc, une embellie avait commencé à s’esquisser, avec une noria de ministres français se succédant au Maroc, chacun portant ses grands projets et apportant ses petites phrases, cœur en liesse et sourire en bandoulière. De l’autre côté, seul le ministre des Affaires étrangères avait fait le déplacement à Paris ; peut-être quelqu’un d’autre, sans doute, mais sans passer à la postérité.
Il est important de convenir que cette relation Maroc-France est importante, au regard de l’histoire, de la géographie, des luttes communes et des intérêts partagés. Une très forte communauté marocaine habite en France, exerçant tous les métiers, déployant tous les talents, investissant tous les secteurs ; la première communauté estudiantine en France est marocaine et, dans l’autre sens, un nombre croissant de Français ont élu domicile au Maroc et les entreprises du CAC 40 sont toutes présentes dans le royaume ; toutes ? Toutes.
Mais tout cela reflue, aujourd’hui. En cause, l’égarement d’un président qui connaît mal les réalités géopolitiques et les évolutions régionales, qui mesure mal le rôle et la place de son pays dans le monde d’aujourd’hui, et qui s’entoure mal. Mais peut-être est-ce « un mal pour un bien », dans le sens d’une déconstruction de relations fondées sur une certaine logique révolue pour la construction de relations d’un type nouveau, fait de partenariat équilibré et de respect mutuel.
Et maintenant ? Il est évident que la volonté des deux pays, des deux Etats,
des deux sociétés, est de bâtir une relation aussi nouvelle que meilleure que celle qui fut. Cela a pris du temps mais cela est en passe d’advenir, comme en témoignent, au Maroc, les réceptions organisées à l’occasion du 14 juillet. Ainsi, l’an dernier, il n’y avait pour ainsi dire aucun officiel ou entrepreneur ou acteur associatif, à la réception donnée par l’ambassade de France, à l’exception du ministre de l’Agriculture, désigné d’office pour « y aller » et lire un discours convenu et aussitôt oublié.
Cette année, ils sont venus, ils sont tous là, pourrait-on dire, à cette réception, avec même cinq ministres (photo), dont deux Istiqlaliens, et Nasser Bourita, star de la soirée, mais star taiseuse, qui ne s’est pas mêlé à la foule des invités, venant, voyant puis s’éclipsant, goûtant à plein sourire son succès. Les mots prononcés par l’un des artisans de la réconciliation/rapprochement, l’ambassadeur Christophe Lecourtier, sont avenants, apaisants, engageants, allant à la limite de ce qu’un ambassadeur peut dire et de ce qu’il peut, et les autres avec lui, ressentir.
Le reste dépend de Paris. Quel reste ? L’engagement de la France dans cette logique de reconnaissance, totale et explicite ou partielle et progressive, de la totale intégrité territoriale du Maroc, car il faut toujours garder à l’esprit le prisme défini voici deux ans par le roi Mohammed VI... Mais au vu de la situation politique en France aujourd’hui, le scénario d’une avancée diplomatique majeure pour la question du Sahara marocain, dit « Sahara occidental », reste peu envisageable. En effet, quelle que soit la majorité qui se dégagera du b(r)ouillonnement institutionnel actuel en France, elle sera aussi délétère qu’éphémère, car faite d’alliances improbables entre ennemis d’hier et promise à des motions de censure en rafale ; il faudra donc très certainement attendre quelques années, que l’actuel locataire de l’Elysée s’en aille, sauf deux ex machina majeur et par essence aussi inattendu qu’imprévisible.
Globalement, cette relation France-Maroc peut se résumer ainsi : Un Maroc compact et homogène qui en veut et qui pose ses conditions pour aller encore plus vite, plus haut, plus fort – ensemble (sans référence politique française), une France populaire indifférente et une France politique aujourd’hui empêchée et quelque peu tétanisée.
Le Maroc n’est pas pressé et la France est sous pression (pas uniquement pour le Maroc). Il faudra attendre. Attendons.
Aziz Boucetta