(Billet 1013) – Que faut-il idéalement attendre d’un remaniement gouvernemental ?
C’est une période toujours spéciale que celle où l’on parle de bilan de mi-mandat et, dans la foulée, de remaniement gouvernemental. C’est le temps des comptes mais aussi celui des règlements de comptes. Entre partis et chefs de partis. La majorité actuelle ne déroge pas à la règle, et c’est dans cette logique qu’elle entame ce mois d’avril, celui du bilan qu’on anticipe triomphal et aussi, possiblement, d’un remaniement qu’on devine laborieux.
A la formation de son gouvernement, en octobre 2021, Aziz Akhannouch avait annoncé la nomination ultérieure de secrétaires d’Etat pour seconder des ministres qui ont un grand nombre de responsabilités. Puis ces ministres ont bon an mal an exercé ces responsabilités sans secrétaires d’Etat et encore moins d’explications de la part du chef du gouvernement qui en est plutôt avare.
Deux et demi plus tard, les choses ont changé et la configuration de ce gouvernement apparaît plus claire ; il s’agit, hors des ministres de souveraineté, d’un gouvernement de technocrates, dont une partie significative a été promptement peinte aux couleurs des partis auxquels ses membres disent appartenir. Les ambitions sont immenses, les milliards pleuvent, les grands chantiers sont lancés, et les contraintes étant prenantes, l’essentiel pour un gouvernement est totalement oublié, en l’occurrence l’indispensable intégrité de la fonction publique, l’incontournable approche politique et les inévitables questions sociétales.
Deux ans et demi après sa formation, il est devenu nécessaire de secouer le cocotier pour injecter du sang neuf, enlever « les peaux mortes » de cet exécutif et le renforcer par de nouveaux profils soigneusement sélectionnés, qui viendraient soit remplacer comme ministres les futurs partants soit seconder comme secrétaires d’Etat les ministres qui échapperaient à l’élagage.
Le remaniement est aussi l’occasion de mettre les choses à plat, pour mieux les revoir et les corriger. Et a ce niveau, il sera utile de réexaminer les profils des ministres pour décider de qui reste et qui part, mais il sera encore plus utile de nettoyer les écuries d’Augias des partis politiques.
Sur le plan individuel, plusieurs noms ont déjà été jetés en pâture à l’opinion publique, comme partants. Il y a là les surchargés de travail ou les égarés dans un gouvernement où ils n’ont pas leur place, et aussi les incompétents ou dépassés, et il y a aussi les débarqués qui devront l’être aussi du gouvernement et bien évidemment, les amis et autres « garde rapprochée » du chef qui devront œuvrer pour le gouvernement davantage que pour son chef ; chacun se reconnaîtra dans cette énonciation
de motifs de départ de l’exécutif.
Et sur le plan individuel toujours, ceux qui vont arriver lors de l’immanquable remaniement à venir devront apporter avoir un peu de sens politique à insuffler à un gouvernement qui en dépourvu. Les élections de 2026 approchent et si le Maroc veut éviter une désaffection électorale, il faudra qu’il restaure la politique dans cette institution politique qu’est un gouvernement. Oh, en 2026, on trouvera toujours le moyen de doper la participation citoyenne, mais on n’échappera pas alors au risque d’illégitimité du gouvernement qui, comme l’actuel, peut être parfaitement légal mais posant problème sur le plan de la légitimité politique et partisane.
Au niveau structurel, il devient urgent de procéder à un grand nettoyage moral et politique. Les trois partis qui forment cette majorité vaguement bleue rencontrent en effet des problèmes tant moraux que politiques. La nouvelle direction du PAM, peu convaincante car collective, devra faire face au grand procès en préparation de deux de ses cadres élus importants et, simultanément, s’imposer pour éviter que cela ne se reproduise, ce qui implique une remise en cause du mode de fonctionnement du parti, consistant à recruter sans préalablement scruter. Le parti de l’Istiqlal montre depuis quelques semaines le mal profond qui le ronge et dont les éruptions/manifestations commencent à surgir au grand jour avec les soupçons de chantage, d’abus dans l’usage des deniers publics et de harcèlement sexuel, sans compter le clanisme triomphant et la « notabilisation » du parti. Le RNI semble plus sûr, mais un de ses cadres importants vient d’être condamné par contumace, ce qui signifie qu’il est en fuite, un autre est condamné pour l’affaire des billets du Qatar et son chef, chef du gouvernement aussi, prête le flanc aux différents avis du conseil de la concurrence pour les raisons qu’on sait.
En réfléchissant à son remaniement, ou en attendant une inspiration venue d’ailleurs, Aziz Akhannouch devra avoir en tête tous ces éléments : restaurer une crédibilité du gouvernement, l’imprégner de davantage de sens politique et œuvrer à le prémunir, avec les partis qui le composent et personnes qui le forment, de toute suspicion d’ordre moral et/ou éthique.
Mais face à la monumentale indifférence qu’affiche M. Akhannouch face à tout cela, peut-on réellement former le vœu de voir se former dans les jours ou semaines qui viennent un gouvernement au diapason des attentes des populations et des ambitions du pays ? Le doute est permis mais une surprise, à défaut d’être probable, est toujours possible.
Aziz Boucetta