(Billet 985) – La moralisation de la vie publique et sportive a-t-elle, enfin, commencé ?
Ce que les responsables marocains en à peu près tout et d’à peu près tout doivent désormais comprendre et surtout assimiler et intégrer est que le Maroc s’est hissé à un rang mondial dans bien des domaines. Cela implique que ce qu’ils font ne leur appartient plus, mais étant sous les projecteurs du monde, ce que fait ou entreprend le Maroc concerne tout le monde, outre bien évidemment l’opinion publique nationale. Il en est ainsi du football, par exemple.
Perdre sur un terrain de foot en Côte d’Ivoire contre l’Afrique du Sud n’est pas un problème, cela demeure une question sportive et technique et le résultat est plus émotionnel qu’autre chose. Mais se perdre dans les méandres des turpitudes de certains dirigeants du football, alors que le monde et l’Afrique nous observent et nous scruteront, en 2025 et en 2030, c’est autrement plus grave. Les écuries d’Augias doivent être curées, et mieux vaut commencer aujourd’hui car cela risque de prendre du temps, vu les réalités que nous connaissons, ou que nous subodorons… ainsi que vu les effectifs des élus véreux ou des responsables ripoux, ou les deux.
Quand le roi du Maroc adresse un courrier au parlement à l’occasion de son 60ème anniversaire, lui demandant de « moraliser la vie parlementaire par l’adoption d’un code de déontologie qui soit juridiquement contraignant pour les deux chambres de l’institution législative », ce n’est pas fortuit. En effet, tant de ces créatures à la recherche d’un parapluie se sont trouvées celui de l’enceinte parlementaire. Et cela fait désordre.
Alors la machine à moraliser s’est mise en branle, et cette machine porte un nom, c’est Dame Justice, armée de son glaive qui, après une longue période d’immobilité voire d’indifférence, s’est mis à bouger et à s’abattre sur les uns et les autres, coupables de turpitudes diverses. Le président d’un grand club casablancais est en détention préventive pour sa possible implication dans une affaire de trafic international de stupéfiants ; il est député PAM, et est incarcéré avec un autre député, lui aussi PAM. Et depuis quelques heures, l’ancien président d’un autre grand club casablancais est entendu par la BNPJ pour une affaire de corruption, en compagnie d’un ancien élu local et national de Bouznika.
En lien avec le sport, essentiellement et même exclusivement le football, l’actuel président du Raja de Casablanca Mohamed Boudrika s’est dissimulé aux regards de tous. Ses proches disent qu’il est en soins quelque part sur la planète, et nous lui souhaitons un prompt et total rétablissement, seulement voilà… les mauvaises langues doutent de cette thèse. L’homme, dans sa vie de tous les jours, est questeur de la Chambre des représentants, président d’arrondissement à Casablanca, membre du Bureau politique du RNI et président du Raja. Excusez du
peu… il appartient donc à Rachid Talbi Alami, Nabila Rmili, Aziz Akhannouch et au Bureau du Raja, au nom de la moralisation réclamée par le roi, de dire clairement où se trouve ce personnage emblématique/problématique. S’il est malade, prompt rétablissement, mais dans le cas contraire, scrutons ce que fera le glaive.
Dame Justice s’est donc décidée à y aller et comme nous sommes dans le sport, elle a décidé de reprendre à son compte la devise olympique : « Plus vite, plus haut, plus fort », plus vite en procédures, plus haut en volonté et plus fort en sanctions. Le Maroc veut devenir irré-pro-chable ! Fort bien, mais alors il faut vraiment nettoyer, et donc ratisser large.
Notre football national ne doit plus laisser de prise à aucune irrégularité et à aucun soupçon. Notre football, suffisamment riche, ne doit plus tolérer que sur le territoire national, des plateformes de paris interdites ou restreintes un peu partout dans le monde (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Guinée, Portugal…) continuent d’aspirer l’argent des populations, au détriment de l’entreprise publique MDJS et surtout au détriment des ressources pour les caisses de l’Etat. Au grand préjudice de notre image internationale.
Et, à propos d’argent, puisque tout tourne autour de l’argent, le président de la fédération royale marocaine de football, Fouzi Lekjaâ, est aussi ministre délégué au Budget. Cet homme, bénéficiant de la confiance du chef de l’Etat (qui lui a remis une très haute décoration et lui a confié la charge de présider le comité d’organisation du Mondial 2030) et du chef du gouvernement (qui l’a proposé comme ministre), jouit de l’estime de tous (ou presque). Il ne doit accepter ni tolérer qu’autour de lui, à la fédération, puissent prospérer des créatures douteuses. Ce qui est le cas, et ne doit plus l’être.
Préparer l’organisation de deux grandes compétitions, continentale et mondiale, ce n’est pas seulement construire des stades, ou même soigner le civisme et la représentation locale… c’est aussi sanctionner les corrompus, c’est surtout écarter les véreux, et c’est avant tout assainir ce qui le doit être, tout ce qui doit l’être. Cela doit commencer maintenant, et comme c’est semble-t-il le cas et que l’appétit vient en mangeant, cela ne doit pas s’interrompre en si bon chemin…
Que nos dirigeants en prennent conscience car on a vu cet intérêt du monde pour le Maroc à Qatar, de l’Afrique et de l’Europe pour le Maroc en Côte d’Ivoire, ce qui donne une idée de ce que sera « la surveillance » du Maroc pour son organisation et son accueil de la CAN et du Mondial. L’opinion publique vivrait mal de voir l’image de son pays écornée par une grosse poignée de types pour une très grosse poignée de dollars.
Aziz Boucetta