(Billet 940) – ONU/Sahara, une autre résolution sans solution
Voter une résolution au Conseil de Sécurité de l’ONU ne veut pas spécialement dire que les cinq permanents qui ont permis ce vote sont résolus à parvenir à une solution définitive à un problème donné. Ainsi de la question du Sahara… la diplomatie marocaine se félicite du vote de chaque résolution sur cette affaire car c’est l’occasion d’affirmer, ou de confirmer, la lente, la très lente inflexion de « la communauté internationale » en faveur de nos positions. Oui, mais jusqu’à quand ?
Disons-le d’emblée, « la communauté internationale », en l’occurrence l’Occident, ne se soucie pas autant qu’elle le prétend du droit international, et même du plus simple bon sens. Pour le droit international, le deux poids deux mesures auquel le monde assiste entre la guerre en Ukraine et le massacre à huis-clos à Gaza est criant, flagrant, affligeant, et se passe de tout commentaire ; Vladimir Poutine (qui est certes loin d’être un saint) est poursuivi par la CPI pour déportation illégale d'enfants ukrainiens, mais nul en Occident ne se soucie de Benyamin Netanyahou, qui lui a donné l’ordre assumé, revendiqué et proclamé de tirer sur une population civile, tuant des milliers d’enfants et autres civils désarmés. Quant au bon sens, « la communauté internationale » ne veut pas voir le rôle de l’Algérie dans la perpétuation de ce conflit artificiel, cette même Algérie qui se dit non concernée par cette question dont elle fait pourtant la priorité absolue de sa diplomatie.
Pour le bon sens, toujours, « la communauté internationale », de renouvellement en renouvellement de la Minurso, feint d’avoir oublié que cette Mission onusienne est depuis longtemps, depuis près de 20 ans, en décalage de ses propres termes. Ne plus évoquer le référendum pour une mission chargée du référendum est plutôt étrange mais renouveler indéfiniment son mandat et maintenir ses militaires sur le sol marocain questionne…
Plus intéressants sont deux faits, directement ou indirectement liés au vote de cette résolution.
1/ Les tirs sur Smara. Cibler une population civile, nuitamment, avec des roquettes pourrait être qualifié de crime de guerre ou, plus simplement, d’acte terroriste ; en effet, utiliser une ceinture d’explosifs, une voiture-bélier ou des roquettes pour cibler, aveuglément, des civils, est un acte terroriste. Il reste à prouver les faits, et nul doute que la police technique et scientifique marocaine le fera ou, connaissant son efficacité l’a déjà fait. Ensuite, comme le dit l’ancien chef de la police dans les camps de Tindouf Mustapha Salma dans un entretien accordé à nos confrères de Medias24, « l’investissement politique de cet acte est plus bénéfique au Maroc qu’une réponse militaire ». Certes, mais seulement dans le cas où « la communauté internationale » veuille bien s’intéresser, et surtout s’inquiéter de cette attaque qui a fait un tué, deux blessés graves, amputés, et un blessé
léger. Mais on sait maintenant ce qu’est cette « communauté internationale »…
2/ La position de la France. Ancienne puissance coloniale, la France connaît bien les origines et les non-dits de la question du Sahara. Jusque-là, elle a joué sur les deux fronts marocain et algérien, avec lesquels elle a des intérêts économiques, commerciaux et géopolitiques. En 2022, Paris avait voté la résolution mais sans fournir d’explication de vote. Un silence pesant et lourd de conséquences… Cette semaine, l’ambassadeur de France a rappelé « le soutien historique, clair et constant » de son pays à la proposition marocaine d’autonomie. Paris dit qu’il faut maintenant avancer ? Vers où, vers quoi ?, On attend de la France qu’elle contribue ainsi à accélérer la solution d’un conflit dont elle sait tout et dont elle détient la clé. Le pays du Verbe et de la diplomatie ne doit pas demeurer dans le verbiage diplomatique, et sa position « constante » ne doit pas devenir stagnante.
Il est également utile de rappeler que lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier, le Maroc était inexplicablement représenté au niveau de son représentant permanent Omar Hilale. Le chef du gouvernement n’avait pas fait le déplacement, et même pas le ministre des Affaires étrangères. Aucune explication n’avait été donnée à ce qui ressemble à une mauvaise humeur marocaine, silencieuse comme à l’accoutumée. On pourrait comprendre l’absence d’Aziz Akhannouch, retenu au pays pour la gestion des conséquences du séisme du 8 septembre à al Haouz, mais que dire de l’absence de Nasser Bourita ?
Et donc, que faire ? Face à la manifeste duplicité de « la communauté internationale », le Maroc agit avec finesse… Faire le jeu de cette communauté, composer avec l’ONU, la laisser « gérer » les choses, hausser le ton ou froncer le sourcil au besoin, mais poursuivre ses politiques de développement au Sahara comme dans les autres régions et éroder pas à pas, petit à petit, l’union de ladite « communauté » autour de cette affaire. Les Etats-Unis ont reconnu la marocanité du Sahara, Israël (l’Etat, pas le gouvernement criminel qui le dirige actuellement) aussi, de même que l’Espagne privilégie l’autonomie marocaine comme seule solution et que l’Allemagne « avance »…
Ainsi, face à cette Minurso, relique du passé et votée du temps de l’URSS, le Maroc « avance » lentement, attendant que ce qui reste de l’ONU prenne une décision ferme, définitive, qui ne saurait être arrêtée qu’à travers une évolution nette et explicite de la position française concernant la marocanité du Sahara.
En un mot, l’ONU tergiverse, la France se tâte, le monde se déchire, la morale internationale et les principes de droit s’effondrent, la crédibilité de l’Occident vole en éclats, et le Maroc construit et développe ses provinces sahariennes. Nous en sommes là, en attendant le prochain renouvellement du mandat de la très inutile Minurso.
Aziz Boucetta