(Billet 860) - Complexe Mohammed V... et ce qui devait arriver arriva
Les amateurs de football en attesteront, dans les grandes villes ou dans des cités plus modestes, un match de foot est souvent porteur de menaces physiques pour celle et ceux qui s’y rendent pour encourager leurs champions. Voici quelques jours, une jeune femme est morte, dans des circonstances qui restent à déterminer. Comment donc, dans le Maroc du 21ème siècle, dans ce Maroc qui veut organiser une Coupe du monde, une personne peut décéder en allant regarder un match de foot ?
Les Casablancais et les Rbatis se souviennent encore de ces actes de hooliganisme qui, un temps, étaient devenus récurrents, et sanglants. Quand des policiers se font violemment agresser par de jeunes supporters (comme hier encore à Casablanca), quand les riverains des stades s’attendent au pire les jours de matchs, grands ou petits, quand les habitants d’une ville évitent de sortir les jours de rencontres de foot, quand les forces de l’ordre sont débordées, quand la Fédération hésite et tergiverse avant de sanctionner des clubs pour leurs publics violents, quand les hooligans pénètrent encore et toujours dans les stades, quand les organismes chargés d’organiser faillent par leurs coupables négligences… quand tout cela se produit, il est alors temps de sévir, et de prendre les mesures et dispositions nécessaires.
En 2016, une grande réunion s’était tenue avec le gotha sécuritaire et sportif du royaume. De grandes décisions avaient été prises, et comme toujours, juste après, ont été précipitamment rangées dans les tiroirs des archives. Il était question d’interdire l’accès des stades aux mineurs non accompagnés et plus, généralement, aux personnes non détentrices de billets. Il était question de digitaliser, de numériser, de sévir au besoin et d’exclure les hooligans fichés. Tout cela semblait autant évident qu’urgent mais il ne l’est pas encore sous nos cieux, pour des raisons inconnues et/ou non avouables.
Ce weekend à Casablanca, les témoins rapportent que des goulots d’étranglement se sont constitués à certaines entrées, avec des gens pourtant porteurs de billets, sûrs de leur bon droit et à ce titre injustement énervés. Et quand des centaines de personnes arrivent aux bords du stade, comment les forces de l’ordre, rompues à ce genre d’exercice, peuvent-elles donc les canaliser ? La réponse est simple : elles ne peuvent pas. Cela donne des bousculades, des suffocations et parfois, cela conduit à des drames
humains.
Et lorsque ce type de drame survient, avec la mort d’un supporter ou d’une supportrice, c’est que le ver est dans le fruit, et que le fruit entame son pourrissement à vitesse accélérée. On ne peut attendre d’en arriver à une tragédie type Heysel pour sévir. Quand quelqu’un meurt, il y a forcément un responsable, et ce responsable doit rendre des comptes, et partir. Qui est responsable de l’organisation des matchs à Casablanca, où la jeune dame a perdu la vie ? La SDL Casa Events, déjà pointée du doigt lors d’autres débordements, semble être au centre des débats, des discussions, et des critiques.
Aujourd’hui, le Maroc ne doit plus connaître ce type de débordement et ne doit plus tolérer autant d’amateurisme dans la gestion de la billetterie, de l’accueil des supporters et de l’ouverture ou fermeture des accès. Aujourd’hui, le pays, demi-finaliste du Mondial de Qatar, dans les conditions que l’on se rappelle, ne peut plus se permettre ces pratiques quasi-criminelles ; il est scruté dans le monde entier, d’autant plus qu’il se porte candidat à l’organisation du Mondial 2030.
Il est faux et précipité de se lancer dans les accusations faciles du type : « Vous voulez organiser un Mondial et vous n’êtes même pas capables de gérer un match de Botola ou continental »… Le Maroc est capable de gérer plus difficile que cela, pour peu qu’il place les personnes qu’il faut aux fonctions qu’il faut et qu’en cas de négligences, il ait la volonté (peut-être le courage) de demander des comptes précis et exhaustifs à ceux qui ont failli. Le Maroc sait faire, mais peut-être qu’il n’a pas encore décidé de faire !
Maintenant que cette jeune femme est décédée, que ce qui devait arriver arriva, et qu’il ait même « tardé » à arriver tant les manquements et l’amateurisme dans la gestion des stades sont alarmants, il est temps de prendre les décisions qui s’imposent, écarter ceux qui ont fauté, demandé des comptes à ceux qui ont sciemment failli, et placer en situation ceux qui savent et qui veulent bien faire les choses.
Un match de football est d’abord une fête, un moment de joie et d’allégresse, de stress aussi mais positif. N’en faisons pas une occasion d’émeutes, d’anarchie, et de mort ! Le Maroc officiel et sportif le peut, il doit juste le vouloir.
Aziz Boucetta