(Billet 853) – The Economist, télés et autres médias… le Maroc doit anticiper et réagir !
« Transféré de nombreuses fois » … Que de fois n’avons-nous pas reçu ce message sur un article ou dossier de presse concernant le Maroc, un reportage ou une « enquête » sur le royaume, sa vie, ses gens, son roi, ses « moins » plus que ses « plus » ? Et généralement, ces productions ne sont pas vraiment à l’avantage du pays. Le dernier en date est cet article du prestigieux magazine britannique « The Economist ». Pas franchement favorable au Maroc.
Mais il y a aussi la presse belge, allemande, espagnole et, bien évidemment, française. On présente globalement le Maroc comme « un pays du Tiers-monde » selon cette ancienne appellation aux très négatives connotations. Sous-développé, autocratique, économiquement faible et technologiquement indigent ; et de fait, nous ne sommes ni vraiment développés, ni même émergents comme le soutient et le martèle à l’envi la doxa officielle inspirée de Coué, ni clairement démocratiques, ni économiquement consistants ni technologiquement éprouvés.
Mais, pour autant, nous sommes incontestablement sur la bonne voie, bien que nous y allions cahin caha sur un chemin plein de cahots. Le Maroc avance, se distingue sur bien des plans, bousculant bien des habitudes, et s’imposant dans un nombre croissant de secteurs. Alors, face à cela, pourquoi les médias internationaux nous éreintent-ils autant, toujours, toujours autant ?
La réponse est simple : parce que nous n’assurons pas le service après-vente ! Et le service après-vente est de sortir de notre enfermement, de nous faire connaître et de faire savoir qui nous sommes, qui nous étions et qui nous aspirons à être, en plus d’expliquer en toute transparence et clarté nos manquements. Las… encore et toujours cette sempiternelle et funeste propension au silence, à la non-communication.
Le Maroc officiel n’a pas encore compris, ou admis, cette très importante vérité voulant que quand un pays souhaite jouer dans la cour des Grands, il s’expose à l’hostilité condescendante desdits Grands mais aussi à l’animosité méfiante et agissante de ses concurrents. Et si on ne répond pas, si on réagit peu ou mal, alors on régresse parce que ce qui est dit sur nous peut se montrer, à terme, ravageur. Pour le tourisme, pour les investissements, pour la réputation.
Alors, pourquoi répond-on aux attaques institutionnelles françaises et/ou européennes et ne réagit-on pas aux banderilles médiatiques anglosaxonnes ou européennes, qui se multiplient et se crispent avec le temps ? Le long article de The Economist n’est pas anodin, et lu par l’élite économique britannique, américaine et plus généralement anglophone, il aura des conséquences sur la réputation du Maroc, présenté globalement comme un royaume des Mille et une nuits, au sens littéral,
avec peu de jours et de clarté ; un royaume sombre, ténébreux, où derrière les murs du palais et les remparts des services sécuritaires, tant de choses se trameraient et de complots seraient ourdis.
Pourquoi et comment un tel article a-t-il pu être rédigé ? Comment et pourquoi n’y a-t-il pas eu de réactions ? Cela devrait être en principe et en premier la tâche de la diplomatie qui, aujourd’hui, ne peut plus se suffire de gérer les relations d’Etat à Etat mais devrait, doit, renforcer ses services de communication, tout autant « soft » que « hard ». Pourquoi ne voit-on pas nos diplomates monter aux créneaux, investir les plateaux télé, nourrir les rédactions d’informations « on » et « off » ? Sans doute la peur. Pourquoi, et bien que le roi l’ait dit dans un de ses derniers discours, ne nous sommes-nous pas encore attelé à organiser, pour demain pouvoir mobiliser, notre communauté de Marocains du monde ? Sans doute l’indifférence.
Le ministère des Affaires étrangères semble occulter cet aspect pourtant crucial de sa mission et qui est la communication publique, médiatique. Dans ce monde changeant où le Maroc aspire à tenir un rôle plus important et donc plus offensif, notre diplomatie manque de mordant, en dépit de cette récurrence des attaques directes, répétées et insidieuses contre l’Etat et le chef de l’Etat. Leur multiplication devrait ou aurait dû alerter nos stratèges et nos communicateurs, et le défaut de réaction ou, mieux, d’anticipation peut être considéré comme un manquement voire une faute professionnelle. La diplomatie de Nasser Bourita montre ses limites, ou s'essouffle …
Et en parallèle à la diplomatie, le Maroc qui étend ses objectifs de puissance au-delà de la traditionnelle et proche Europe gagnerait en efficacité à activer ses nombreux instruments de soft power que sont la communauté des Marocains du monde, les médias publics et la diplomatie parlementaire. La récente, funeste et calamiteuse saillie du président de la Chambre des conseillers sur Sebta et Melilla montre bien que la diplomatie parlementaire peut être audible et visible, écoutée et scrutée ; mieux canalisée, plus professionnalisée, solidement orientée, régulièrement informée, résolument soutenue, davantage financée, la diplomatie parlementaire peut éviter au Maroc des attaques comme celles qu’il subit aujourd’hui, si le ministère lève son « monopole ».
Dans l’attente, et bien que la meilleure défense et la meilleure attaque soient dans l’exemplarité, le Maroc, son économie, ses institutions, sa réputation, son histoire et son avenir demeureront exposés au feu médiatique et politique, tantôt constructif, souvent offensif, parfois agressif, de ses compétiteurs et concurrents étrangers. Quand donc comprendra-t-il que le silence est ravageur ?
Aziz Boucetta