(Billet 765) – Partisaneries…
A défaut d’être véritablement ancrés dans la vie politique du pays, au sens classique du terme, celui de la noblesse de l’engagement et de la finesse du verbe, nos partis politiques ont au moins cette singulière élégance de nous faire rire, à défaut de nous faire pleurer, à force de comportements ubuesques… Partisaneries, partis-âneries.
Rien de solide, rien de sordide non plus, mais beaucoup de loufoquerie. Et pourtant, un parti politique, c’est supposé être éminemment sérieux, comme le dit désespérément la constitution… « encadrement », « accompagnement », « formation », « démocratie »… Mais nous sommes au Maroc, n’est-ce pas…
Commençons par un revenant, Ssi Hamid Chabat… Ce Monsieur fut patron du puissant (enfin, puissant…) syndicat du parti de l’Istiqlal des années durant, la fameuse UGTM, pièce maîtresse de l’histoire de cet étrange royaume. Puis, l’homme eut l’ambition d’aller plus haut, et il conquit le secrétariat général du grand parti de l’Istiqlal, ce qui le plaçait à une position privilégiée sur la scène politique. Il occupa également les éminentes fonctions de député, puis de maire de la mythique ville de Fès, sous l’étiquette istiqlalienne. Détrôné en 2017, il disparut de ladite scène politique, et du pays, quelques années, avant de resurgir pour « solliciter les suffrages du bon peuple de Fès », comme on dit… mais sous la bannière d’un parti anonyme dont le nom importe peu. Et les Fassis, boudeurs, l’ont ignoré. Et le voilà qui reparaît cette semaine comme invité d’une émission radio phare, « sans langue de bois », où il est venu dire tout le mal qu’il pense de Hamdi Ould Rachid, ténor futurement déchu de l’Istiqlal, qui fut à l’origine de sa défaire contre Nizar Baraka…
Passons au PPS… le parti qui n’arrive toujours pas à trouver un successeur à son éternel et néanmoins talentueux secrétaire général. Mais il a en revanche trouvé un nouveau membre, en la personne du fils de… Ilyas el Omari, ancien patron malchanceux du PAM. Ledit fils, porteur d’un nom qui fut célèbre, semble être à la recherche d’un prénom et, dans cet objectif, s’est laissé prendre en photo lors du dernier congrès du PPS en compagnie de Nabil Benabdallah. El Omari Jr n’ayant pas vraiment percé au PAM, il ne reste plus qu’à espérer qu’il connaisse la gloire au sein du PPS, à la recherche désespérée de cadres.
Plus sérieusement, et plus funestement, ce qui se produit au PAM est plus révélateur de la triste réalité de notre classe politique. Voilà donc un député de ce parti, très connu par les connaisseurs de la politique locale, répondant au
nom de Hicham Mhajri, membre du Politburo du PAM, qui vient d’être suspendu des instances dirigeantes de son parti pour avoir… fait son job et exprimé son opinion au parlement. Qu’a-t-il dit pour déclencher l’ire de ses pairs ? Ce que l’opinion publique, les experts, les économistes, les professions libérales et certains médias (trop peu d’ailleurs) dénoncent depuis que le PLF est discuté au parlement en l’occurrence, dans le fond, l’iniquité des mesures fiscales et la non imposition des grandes entreprises (pétrolières) et, dans la forme, l’absence du chef du gouvernement aux débats.
Plus grave est la réaction du ministre délégué au Budget Fouzi Lekjaâ qui prend la parole – et son souffle –, commence par dire ne pas avoir compris le sens de cette intervention du député, avant de souhaiter, d’espérer que cette sortie de M. Mhajri soit due à des convictions personnelles et non « dictée » par un mystérieux ailleurs, ce qui indique que le ministre a bien compris le sens du propos du député !... Sans revenir sur l’extrême gravité de l’accusation de M. Lekjaâ contre ce qui est somme toute une banale intervention grandiloquente d’un député connu pour ses sorties étonnantes et détonantes, ce qui est regrettable est la décision du PAM de suspendre son dirigeant de ses activités partisanes. Au PAM, les clans et les factions, on connaît pas, et les frondeurs, on les lapide.
Enfin, on peut reprocher ce qu’on veut au PPS, mais lui tient ses congrès en temps et en heure. Ce qui n’est pas le cas de… l’Istiqlal, par exemple. Dont le dernier congrès remonte à octobre 2017. Oh, les Istiqlaliens s’amusent bien, entre Hamid Chabat qui voudrait bien revenir et Hamdi Ould Rachid qui refuse de partir. Hamid et Hamdi, ce sont des anagrammes aussi, on s’amuse bien à l’Istiqlal, mais on ne tient pas de congrès, en dépit de l’article 49 de la loi organique sur les partis politiques qui dit que quatre ans est un délai raisonnable, et des statuts du parti qui confirment ce délai de 4 ans, avec possibilité de rallonge de 6 mois (article 100). Le dernier congrès s’est tenu donc, avec bagarres et assiettes qui volent, gourdins et grand énervement général, en octobre 2017…
Enfin… nous avons la classe politique qu’on mérite, en attendant un intrépide ou, plus dramatiquement, un funeste populiste qui vienne et rafle la mise… Dans l’attente, ce sont des technocrates diversement colorés qui « gouvernent » au nom des partis PAM, Istiqlal et les inénarrables bleus du RNI.
Aziz Boucetta