(Billet 1081) – Un remaniement qui mérite explication(s)
Il y eut Benkirane I et Benkirane II, puis Elotmani I et Elotmani II (vous savez, le gouvernement des compétences…), et avant, El Fassi I puis II, Jettou I et II… et aujourd’hui, nous avons enfin le gouvernement Akhannouch II ; mais si pour les I et II passés, les changements étaient réels, politiques ou techniques, on ne voit pas vraiment à quoi sert ce remaniement, sauf à faire passer le chef du gouvernement et le RNI d’une position de puissance à celle de superpuissance.
Ainsi, sur le plan structurel, politique, la majorité ne change pas, elle tient. Et elle tient bien. RNI, PAM et Istiqlal il y avait, RNI, PAM et Istiqlal il y a toujours. Les secrétaires généraux collégiaux (Mehdi Bensaïd et Fatima Zahra Mansouri) ou individuels (Nizar Baraka) se sont maintenus, et même l’ancien patron du PAM Abdellatif Ouahbi qu’on donnait pourtant partant n’est pas parti (ce qui est par ailleurs heureux car il est l’un des rares à pouvoir conduire les réformes en cours, n’ayant plus rien à risquer…).
Même sur le plan des départements ministériels, rien n’a changé. Les longues dénominations sont restées longues, et les courtes le sont également demeurées. L’ajout de secrétaires d’Etat pour les queues de titres forme néanmoins un changement, mais leur nomination relève-t-elle vraiment d’une volonté de renforcement de l’équipe gouvernementale ou simplement de réponse à la nécessité d’équilibres partisans internes ou aussi de récompense des loyautés ici et là ? La question est posée et la réponse est dans la question.
Si on scrute les départements touchés par le remaniement, on pourrait croire que de grandes choses ont bougé. En effet, l’Education nationale, l’Enseignement supérieur, la Santé, l’Agriculture, l’Investissement, le Transport ont changé de titulaires, mais on constatera que les anciens titulaires des deux premiers ministères étaient membres, et l’un d’eux président même, de la commission sur le Modèle de développement. Seule Leila Benali est rescapée de la CSMD et se maintient au gouvernement ; est-ce à dire qu’on oublie le NMD ? Tout porte à le croire, et cela ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui.
Maintenant, ces nouveaux ministres, tous novices en politique ou à tout le moins modérément aguerris, auront-ils le temps de connaître leurs imposants départements, de se familiariser avec leur fonctionnement complexe, d’en maîtriser les immenses enjeux (ce sont
les ministères les plus dynamiques en matière de réformes) ? S’il faut environ une année pour qu’un ministre prenne en main son département, cela placera ces nouveaux promus à un an des élections, et là la donne et la logique auront changé. Tout porte à croire en effet que le RNI et son président se préparent pour les élections de 2026. Se préparent activement.
A l’Education nationale, à l’Agriculture et à la Santé essentiellement, ce sont des hommes du chef de gouvernement qui arrivent, et donc on peut penser que M. Akhannouch entreprendra d’endosser et de s’approprier les mérites des réformes déjà entreprises par les partants, si bien évidemment elles sont réussies.
C’est certes de bonne guerre mais, ce faisant, le Maroc va, se projette, se précipite vers l’Etat RNI (à ne pas confondre, Dieu merci, avec l’Etat profond). Dans un nombre sans cesse croissant de ministères stratégiques (hors les régaliens, bien entendu et bien heureusement), d’institutions constitutionnelles, de territoires, le RNI ou plutôt son chef tisse sa toile, étend son emprise, pousse encore plus les limites de son empire, multiplie les vassaux.
Certains commentateurs disent déjà – et avec une certaine justesse – que le gouvernement englobe désormais plusieurs anciens cadres de l’entreprise dont le chef du gouvernement détient une partie considérable des parts, que certains ministres istiqlaliens doivent leur admirable promotion à leur soutien à Nizar Baraka dans sa lutte homérique pour s’imposer au sein de son parti, que d’autres ont été estampillés PAM pour le simple besoin de l’équilibre arithmétique.
Ce nouveau gouvernement, remanié, reste incompréhensible. Pourquoi les ministres partants sont-ils partis ? Ont-ils démérité ? Qu’apporteront les nouveaux, que n’avaient pas les anciens ? Pour contrer les attaques personnelles et quelque peu condescendantes lancées contre de nouveaux ministres que personne ne connaît encore et que personne ne devrait donc déjà attaquer (MM. Berrada et Saâdi essentiellement), une prise de parole de M. Akhannouch s’impose désormais.
Le chef du RNI, devenu chef de gouvernement, a choisi d’être en politique, et la politique en ce pays, depuis la nouvelle constitution, fait du chef du gouvernement le second et véritablement second personnage de l’Etat. Il doit donc en accepter les contraintes et parmi elles la communication et l’explication.
L’opinion publique apprécierait grandement et, dans l’attente, félicitations à toutes et tous et bon courage !
Aziz Boucetta