(Billet 1086) – Mohammed VI : la question du Sahara avance bien, celle des MRE patauge
Personne ne peut plus contester que les planètes s’alignent, enfin, pour la question de l’intégrité territoriale du Maroc, et que les choses avancent, de plus en plus vite. Nous sommes désormais dans la 50ème année de la Marche verte. Un demi-siècle de perdu pour l’intégration maghrébine, mais bon, l’Algérie a ses raisons que la raison ignore… une raison que l’on retrouve en revanche dans le discours prononcé par le roi Mohammed VI à l’occasion de ce 6 novembre, un discours où, en deux temps, le roi décrit la situation diplomatique du Sahara et annonce l’action en faveur des Marocains du monde (MdM).
1/ La situation du Sahara, sur le plan diplomatique. Le roi met en contraste la réalité sur le terrain, au Sahara et dans le monde, avec ce qu’il appelle élégamment l’ « autre configuration ». Il ne nomme personne mais les descriptions sont tellement claires que tout le monde comprend de qui il parle. Ceux qui insistent sur la tenue d’un référendum sans procéder à l’inévitable recensement, séquestrent des gens à Tindouf, les humilient et les privent de leurs droits sont les Algéro-Polisariens (ou Polisari-Algériens, comme on veut) ; ceux qui n’ont d’yeux que pour l’Atlantique, les Algériens toujours. On se demande d’ailleurs bien ce qu’ils feront de cette ouverture sur le grand large, étant entendu qu’en Méditerranée, ils n’ont pas fait grand-chose… Ces mêmes Algériens, ceux qui qui se servent du Sahara marocain pour dissimuler ou faire paravent de leurs problèmes ; mais cela peut aussi être les lointains Sud-Africains ou les Vénézuéliens. Et il y a, bien évidemment, les juges européens (et leurs éventuels commanditaires, protecteurs, amis, alliés…) qui, sous couvert de droit, se fourvoient dans des calculs politiques évidents… aussi évidents qu’inutiles et inopérationnels.
On remarquera que pour les Algériens, le roi renoue avec un discours martial, celui-là même de 2014, particulièrement offensif. Il faut croire que la main tendue de Mohammed VI ces dernières années n’a pas eu d’écho en Algérie qui a fait passer la question du Sahara marocain de position diplomatique à obsession psychotique.
Le roi ne s’adresse plus aux très irascibles Algériens, mais au monde qu’il prend désormais à témoin. Le monde qui a bien constaté l’acharnement de l’Algérie à gesticuler et son incohérence quand elle affirme qu’elle n’est pas partie du conflit du Sahara en dépit du fait que le seul point à l’ordre du jour de la diplomatie de ce pays est… le Sahara.
2/ Les Marocains du monde. Ils sont plus de 5 millions et, dans l’attente des résultats du recensement, leur effectif continue d’augmenter. Ils sont de plus en plus diplômés, ils comptent de plus en plus de femmes, et ils essaiment dans un nombre de plus en plus grand de régions du monde et de pays. Mais où qu’ils soient et quoi qu’ils fassent, ils demeurent attachés
à leur pays. Il faut donc les prendre en (meilleure) considération et répondre à leurs demandes et besoins.
Les termes employés par le souverain marquent l’échec de la gestion de cette importante catégorie de la population : « nouvelle transformation dans le mode de gestion », « restructuration », « chevauchement d’attributions », « dispersion d’attributions » « éparpillement des intervenants », . En un mot, donc, ou en plusieurs, le constat est le même : fiasco dans la gestion et dans l’accompagnement de notre communauté vivant à l’étranger.
Pour rappel, cette communauté, improprement appelée diaspora, ce sont plus de 5 millions de personnes, dont 1 million est de formation universitaire, disséminés aux quatre coins et sur les cinq continents du monde ; ils soutiennent l’économie avec des transferts dépassant les 110 milliards de DH, soit le tiers du budget général de l’Etat et 10% de son PIB ; ils sont aussi un poste avancé du Maroc dans les pays du monde, défendant pour la plupart leur marocanité et portant haut leur tamgharbiyte.
En 2022, déjà, le roi Mohammed VI avait appelé à la refonte, à la réorganisation des politiques publiques consacrées aux Marocains du monde. Dix jours après, le chef du gouvernement Aziz Akhannouch réunit en grande pompe sa commission ministérielle chargée de la question, puis Nasser Bourita fait de même un mois après, et encore M. Akhannouch ; et ça discute de comités thématiques, de cadre institutionnel, de promotion, de 16 réunions, d’encore des réunions…
Le blabla habituel !
Et comme pour le Code de la famille, le roi relance le gouvernement deux ans après, car deux ans après ce discours de 2022, il faut croire que rien ou presque n’a été fait, déclenchant l’interpellation royale de cette semaine. Le Conseil de la communauté marocaine de l’étranger devra être restructuré, prenant en considération les nombreuses et profondes mutations des MdM, et la Fondation Hassan II pour les MRE sera remplacée par la Fondation Mohammedia des MRE.
La feuille de route royale pour les MdM est claire et précise, et ses objectifs bien définis. Il appartiendra au gouvernement d’en faire une priorité, pour respecter la lettre et l’esprit de la constitution, pour répondre à l’interpellation/injonction royale, pour simplement faire honneur à ses fonctions : nous parlons de 15% de la population, d’une force de frappe nationale à l’étranger, d’une manne financière considérable, d’une somme de compétences et d’expertises que nous envient bien des pays…
Faudra-t-il s’attendre encore à des parachutages partisans dans les nominations qui relèveront du gouvernement (il y a encore beaucoup de gens non casés dans les partis et certaines entreprises) ? Faudra-t-il encore supporter toutes ces ambitions contrariées qui voudront se trouver un point de chute dans ces nouvelles structures ? Faudra-t-il encore attendre des jours meilleurs pour nos MdM ? Ou faudra-t-il attendre une saine colère royale, dont un aperçu a été donné dans ce discours ?
Espérons que non, mais gageons que oui.
Aziz Boucetta