(Billet 763) - Et Nabil Benabdallah fut, encore, réélu…
Le parti du Progrès et du Socialisme, connu sous le sigle PPS, a tenu sa grand-messe. Réflexion, discussion, concertations et enfin, élection, et c’est en fait et en réalité la seule chose qui comptait, l’élection. L’élection du nouveau chef, qui est en fait une reconduction de l’ancien, de fait devenu l’unique chef. Nabil Benabdallah. Il était le secrétaire général sortant, qui n’avait en réalité nulle envie de sortir, et qui n’est pas sorti, ou plutôt est sorti grand vainqueur d’une élection sans enjeu.
Nabil Benabdallah est donc devenu, plus encore que le secrétaire général élu, le secrétaire général éternel. Il est là depuis 2010, depuis avant les printemps arabes, avant la nouvelle constitution, avant la régionalisation classique ou avancée, avant la décennie PJD, avant la litanie des crises, avant tout. Nabil avant tout et devant tous les camarades. En 2010, puis en 2014, naturellement… la malédiction du 3ème mandat en 2018 et l’incrustation au 4ème…
En 2018, à sa précédente élection, qui était déjà une réélection, une deuxième réélection, soit une 3ème élection, il avait dit, et les autres à l’unisson avec lui, qu’il rempilait car « il n’y avait personne qui pouvait prendre le leadership », une formule ciselée main. Quatre années ont passé, une élection aussi, une crise sanitaire ensuite, une guerre en prime, un gouvernement qui ne veut rien dire et un chef de gouvernement qui fait rire, à défaut de pleurer, est arrivé, s’est installé… et « il n’y a toujours personne pour prendre le leadership » chez les anciens communistes et actuels progressistes (il faut leur reconnaître cela).
Nabil Benabdallah s’est encore plus ajusté à son siège, confirmant cette malédiction des partis en terres peu développées, qui veut qu’un chef ne quitte son siège que pour pointer à un cimetière ou meubler un hôpital pour grands malades. Nabil est désormais un dinosaure, que seul dépasse l’autre dinosaure, Mohand Laenser, indétrônable, l’un des plus vieux chefs de partis en fonction dans le monde.
Mais le rituel a été respecté, cette fois encore... un chef ne se représente jamais pour la énième fois, mais ses camarades, ses amis, ses co-militants, ses congénères, l’appellent à rester, ne sachant ce qu’ils deviendraient sans lui, et lui, lui… il acquiesce. Forcément, par grandeur d’âme. A vaincre sans péril…
Et tout cela est bien dommage pour le PPS et bien plus dommageable pour notre démocratie en éternelle transition. Tout
cela est regrettable pour l’image de Nabil Benabdallah lui-même car, pour être juste, il faut lui reconnaître qu’il est le seul politique à avoir le courage de (presque toutes) ses opinions, n’hésitant pas à dire un peu haut ce que les autres, tous les autres, pensent tout bas, voire n’osent pas penser, et ne s’y autorisent même pas. S’ils pensent…
Il a eu le cran de dire les choses par leur nom et de nommer leurs causes, même de renom. Était-ce de l’intrépidité, de l’audace, ou simplement de l’inconscience, ou des coups mal calculés ? Nul ne le saura jamais, mais il a eu le mérite de le faire, de dire, sans se dédire, même quand il est rabroué, et qu'il réussit à survivre... Pour le gouvernement actuel, et alors qu’il était encore en financière gestation, à coups de joutes et de Joud, Nabil Benabdallah a dénoncé, chiffres à l’appui, l’immense gâchis politique que cela donnerait, et que cela a donné... et il a également le courage (l'intrépidité ?) de faire de l'opposition en allant à contresens de la doxa un peu conservatrice, comme par exemple pour les droits des femmes, à l'égalité en héritage par exemple... Un tel homme, homo politicus qui ose et qui glose, qui cause et même qui propose, est plutôt rare sous nos cieux, voire introuvable à l’ère bleue du RNI qui a troqué les passionnants débats philosophiques pour de moins excitantes litanies de milliards introuvables.
Un tel homme ne devrait pas s’accrocher à un fauteuil, même prestigieux. Oh certes, il a perdu son fauteuil parlementaire, il a donc tout fait pour garder son fauteuil ppsien, même s’il en défend, défendant à s’en user les cordes que « il n’y avait personne qui pouvait… ». On connaît la suite.
Ssi Nabil aurait dû choisir, au lieu du réceptacle, d’être éminemment respectable, comme d’autres l’ont fait avant lui, peu nombreux certes... Avec son expérience politique et son audace médiatique, son bagout et sa maîtrise du marigot, il aurait pu sortir du monde de la politique pour entrer dans celui de la réflexion. Mais ce qui est fait est fait et, puisque c’est fait, disons-le, il n’y a plus que lui sur la scène politique pour dire encore plus haut, même imprudemment, ce que les autres s’interdisent de penser et donc de dire. Dans l'attente, félicitations quand même, Ssi Nabil.
Aziz Boucetta