(Billet 1111) – Où en sommes-nous avec la Palestine sur le Sahara ?
Qui peut dire que le Maroc, sous Hassan II et sous Mohammed VI, a négligé ou ignoré la question palestinienne ? Aucune personne sensée ne saurait ni même pourrait soutenir cette idée. Le Maroc, Etat et peuple, à travers différentes actions et de nombreuses déclinaisons, ont toujours porté la question palestinienne et soutenu leurs intérêts. Parfois même au détriment des intérêts nationaux (comme en 1973). Mais il est des moments où les choses doivent être clarifiées.
A chaque crise qui naît au Proche-Orient autour de la question palestinienne, le Maroc prend position, entreprend des actions, multiplie les interventions, n’hésite devant aucune implication. Et Rabat ne fait pas exception aujourd’hui, face au massacre auquel le monde entier assiste. Mais il se trouvera toujours des Marocains, beaucoup de Marocains, qui penseront que nous n’en faisons pas assez, que nous devons « dénormaliser », que nous devons cesser tout contact avec « l’entité sioniste », appellation en vogue (et juste) d’Israël, …
Que quelqu’un ose penser autre chose et le voilà taxé d’ennemi, de félon, de traître, et parfois même, les exaltés n’hésitent pas à accuser d’apostasie tout individu qui n’insulterait pas Israël. Oui, certes, l’Etat hébreu est aujourd’hui, sous la conduite de Netanyahou et de ses complices, coupable d’assassinats de masse, de destruction de très grande ampleur ; oui certes, l’Etat hébreu dirigé par des meurtriers revendiqués et assumés, est infréquentable. Et le Maroc ne le fréquente pas, ayant signé un Accord tripartite sous l’égide américaine en 2020, qu’il a gelé par la suite, dans l’attente de la clarification des choses et de l’émergence d’un gouvernement moins radical, moins fondamentaliste, moins expansionniste, moins exterminateur.
Personne de sensé ne peut traiter avec Netanyahou, Smotrich, Gallant, Ben Gvir et autres assassins que même l’Europe, pourtant si permissive, refuse de recevoir. Et le Maroc ne fait pas exception. Mais il est de notre intérêt d’affermir nos relations avec le monde entier, Israël compris, quand un changement interviendra au sein de sa direction. La politique, la diplomatie, n’ont jamais été affaires de cœur ou de sentiments, mais d’intérêts et encore d’intérêts. Et le Maroc, là encore, ne fait pas exception.
Mais, chers amis marocains défenseurs de la Palestine, comme tout le monde, que fait-on de cette phrase devenue fameuse : « Le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international. C’est aussi clairement et simplement l’aune qui mesure la sincérité des amitiés et l’efficacité des partenariats qu’il établit » ? Pourquoi ce qui a été valable pour la France, l’Allemagne, l’Espagne et d’autres, avec le résultat qu’on sait, ne s’appliquerait-il pas à la Palestine et à ses dirigeants ?
L’Autorité palestinienne ou le Hamas, qui ont leurs entrées au Maroc, se jouent de cette question, selon qu’ils soient à Alger ou Rabat, selon qu’ils devisent avec des Algériens et affidés ou avec le Maroc et ses alliés. Une fois, le Sahara est marocain, une autre il ne l’est plus, avant de le redevenir, puis de ne plus l’être. La compassion pour un peuple meurtri est une chose, la clarté avec ses dirigeants en est une autre. Comme l’Espagne, comme la France, comme l’Allemagne, comme le Ghana, comme le Panama, il appartient aux Palestiniens officiels de se prononcer, une fois pour toutes, clairement, explicitement, solennellement, définitivement. Au lieu de cela, et face à un Maroc qui se déclare inconditionnellement favorable à l’Etat palestinien, les dirigeants de l’Autorité et du Hamas louvoient et leur peuple, même avant le massacre actuel, est largement indifférent à l’intégrité territoriale du royaume.
Le Maroc a déclaré qu’avec la question du Sahara, la Palestine est l’autre priorité de la diplomatie marocaine. Cela signifie que Rabat se bat pour la création d’un Etat palestinien, mais cela ne signifie aucunement de rompre avec Israël, alors même que les Palestiniens entretiennent des relations et nourrissent des contacts avec l’Etat hébreu.
Alors, quand Abdelilah Benkirane excommunie et qualifie de traîtres ceux qui ne soutiennent pas assez à ses yeux la cause palestinienne, quand les gars d’al Adl wal Ihsane et leurs improbables amis d’Annahj se dressent contre la normalisation et ostracisent à tour de bras ceux qui ne pensent pas comme eux, ils devraient revenir à de meilleurs sentiments en replaçant leur curseur. Oui, le Maroc c’est Taza et Gaza, mais Taza avant Gaza. Et si, pour tous ces gens qui chevauchent cette question palestinienne pour régler des différends intérieurs ou antérieurs, Gaza passe avant Taza, rien ne les empêche d’y aller. Ils seraient conséquents avec eux-mêmes, mais ont-ils ce courage ? Ont-ils même, simplement, cette envie !?
Et même au sein de la classe politique, il ne faut pas oublier le « prisme ». Parmi nos partis, seul le PPS de Nabil Benbadallah a le cran et la sincérité de questionner clairement et par écrit les Palestiniens sur la sinuosité, la volatilité de leur position concernant le Sahara. Les autres partis brillent par leur silence ou leur extrême prudence face à l’inconstance des Palestiniens concernant notre cause à nous. Et les vidéos sur les réseaux se multiplient, de jeunes et moins jeunes Marocains qui annoncent leur colère contre cette Autorité palestinienne qui ne joue pas franc-jeu avec le Maroc et qui déclarent leur stricte priorisation de l’affaire nationale du Sahara.
Nous ne sommes ni Palestiniens, comme le crie tout le monde, ni Israéliens, comme le suggèrent certains, nous sommes Marocains, simplement mais uniquement Marocains, défendant les causes justes certes, mais après notre juste cause. Intaha lkalame !
Aziz Boucetta