(Billet 1099) – Tousse, France…

(Billet 1099) – Tousse, France…

Voici plus de 80 ans, Charles Trenet chantait « Douce France », une comptine qui célébrait une France à l’époque malmenée par les nazis et leurs collaborateurs français, mais une France douce, attachante, en partie résistante, en dépit de l’histoire, des colonies et autres menus travers aujourd’hui (presque) oubliés. Puis la France a connu un cheminement, un rayonnement que nous ne voyons plus aujourd’hui.

Que s’est-il donc passé pour que cette « douce France, berceau de tant d’insouciance » soit devenue ce pays étrange et étranger à tant de celles et ceux qui l’ont aimé, désormais « berceau de tant d’inconscience et d’inconsistance » ? Peut-être la présidence Macron qui a tant maltraité sa population, qui l’a divisée, qui a tant sous-traité à l’Europe et aux Etats-Unis, qui leur a soumis son pays et son grand peuple… Peut-être…

Peut-être aussi ce glissement de la population française vers une xénophobie qui dit de plus en plus son nom, qui se cache de moins en moins… Peut-être… oui, peut-être cette animosité, devenue aversion, qui se transforme en haine pour tout ce qui est islam et musulman… Peut-être aussi un déclassement mal vécu d’une France qui fut si longtemps le phare philosophique, littéraire, artistique du monde et qui, aujourd’hui, ne produit que des ersatz de penseurs, comme Michel Onfray, comme Alain Finkielkraut, que des caricatures de politiques, comme ceux qui viennent d’être nommés au gouvernement, un jour de deuil national… Peut-être aussi un phagocytage d’une classe politique autrefois structurée en droite et en gauche mais qui, aujourd’hui, a laissé émerger des Eric Zemmour, tourmentés, des Marine Le Pen, grande pourfendeuse de la taqiya (dissimulation) tout en étant elle-même adepte de cette technique…

Comme un corps affaibli, un corps jadis beau mais aujourd’hui déformé, la France d’aujourd’hui montre ses travers, jusque-là soigneusement dissimulés. La constitution de 1958, modèle de tant d’autres textes dans le monde et surtout en Afrique, montre désormais ses lacunes, incarnées dans ce parlementarisme rationalisé qui est en fait la marque d’une autocratie déguisée où le président et son gouvernement font tout et où le parlement ne peut rien, ou presque. D’où le chaos actuel où président et gouvernement n’en peuvent mais et où le parlement, dispersé, veut tout et censure à tour de bras cassés.

Aujourd’hui, ce même corps affaibli laisse transparaître ses faiblesses et ses défaillances. Décriée en interne par les Gilets jaunes, rejetée à l’international par ses anciens vassaux africains, méchamment doublée par l’Inde, la Corée du Sud, le Brésil…, tourmentée par les prises de conscience des anciens DOM-TOM devenus DOM-COM (les connaisseurs connaissent la significations de ces acronymes), désormais méprisée par l’Amérique trumpienne, ignorée par l’Europe « VonderLeyenienne », la France n’est plus ce qu’elle fut et même sa francophonie est délaissée par son pouvoir politique. ça fait un mal, quand même, de voir ce gâchis !

Dix jours après le violent cyclone qui s’est abattu sur Mayotte, aucun bilan sérieux n’est donné, comme si Paris appréhendait les réactions du monde et des Africains quand ils verront dans quel état a été abandonnée cette île de l’océan indien, un état de « me..e » comme le reconnaît M. Macron lui-même dans un brutal accès de vérité, souligné par un excès de vulgarité. Le même M. Macron qui, avec un étrange art de l’autodestruction, a dissous l’Assemblée, libérant un acide de rancœur populaire et politique qui aujourd’hui le dissout lui-même, le consume peu à peu, le fait disparaître et réduit le rôle de son pays dans le monde. Arrivé au fond, M. Macron creuse ! Il s’arcboute sur le peu de pouvoirs qui lui restent, décide de nommer un premier ministre très minoritaire, qui tombe, puis consent à voir à Matignon un nouveau premier ministre qui s’est pratiquement nommé lui-même. Et qui tombera aussi.

Une France aujourd’hui déstabilisée en Afrique, instable en interne, exclue de la table des grands ; une France endettée, surendettée, désindustrialisée, qui n’attire plus les jeunes, qui repousse les talents, qui a mal à elle-même et crie sa douleur dans ses rues. La droite est devenue extrême, la gauche est devenue insoumise, la République en marche cahote, trébuche, tombe, le centre perd le nord et l’ensemble de la classe politique est à l’ouest. Une France officielle qui ne parle que d’islam et d’immigration, d'OQTF et d'"islamogauchisme", concepts promus épouvantails et/ou cache-sexes des manquements des politiques.

Non, ce n’est pas cette France-là que nous avons connue, que nous avions appris à respecter, que nous sommes accoutumés à aimer. Une France désormais arrogante, qui affiche cette arrogance des faibles, qui continue à distribuer des leçons à travers ses médias qui ne sont même plus l’ombre d’eux-mêmes, va-t-en-guerre, désinformateurs, appelant en direct à la mort de chefs d’Etat, faisant dans la démesure et le deux poids deux mesures.

Une France qui renie sa propre histoire, pourtant une grande histoire, avec 45.000 monuments historiques dont plus de 80% sont le fait de rois et d’empereurs, sans que les rois et empereurs n’aient le droit et la reconnaissance d’avoir des noms de rues, d’avenues et de boulevards… Montesquieu, Richelieu, Napoléon, Balzac, Talleyrand, Vergennes, Zola, Poincaré, Delacroix, Bizet, de Gaulle… réveillez-vous, vous avez assez dormi, vos descendants accélèrent et ne contrôlent plus leur descente vers l’enfer. Ils ont fait d’une France prisée dans le monde la risée du monde.

Pourquoi dire tout cela ? Parce que près de 2 millions de Marocains, binationaux ou non, vivent en France, parce que nous avons des relations séculaires avec ce pays, parce que la langue française est répandue au Maroc, et la culture qui va avec… parce que nous sommes peu ou prou concernés par ce qui se passe chez ce voisin/partenaire/allié/ami qui fut grand. Et parce que, parfois, de plus en plus souvent, on a mal pour lui.

Aziz Boucetta