(Billet 1108) – Elections 2026, les échauffements des partis commencent !

(Billet 1108) – Elections 2026, les échauffements des partis commencent !

Au Maroc, les élections se suivent et se ressemblent, même si elles ne rassemblent pas beaucoup. Depuis un quart de siècle maintenant, les scrutins se tiennent régulièrement, à leur date (à l’exception, exceptionnelle, de 2011). Les majorités se font et se défont, se refondent et parfois même se refont. Et à l’approche des élections, les grandes manœuvres commencent. Et comme les élections approchent, ces manœuvres ont commencé.

Etat des lieux. La majorité actuelle, « regroupée » autour du RNI, ne ressemble à rien de politiquement connu, c’est une sorte d’OVNI, Ordre Volatile Normalement Inimaginable. Au RNI promptement classé, voire placé, en tête suite à la sonnante et trébuchante opération électorale de septembre 2021, le PAM et l’Istiqlal ont accepté de s’arrimer. C’était facile et tellement plus simple… Le premier parti, celui arrivé en tête, a conclu une alliance contre nature, pour ne pas dire dénaturée, et les trois ont œuvré à gérer le pays tant bien que mal. En face, une opposition émiettée, dispersée, éclatée, avec des petits partis qui font de grands moulinets.

Résultat ? Une cacophonie silencieuse ! Il faut être marocain et intéressé par la chose politique pour saisir cet oxymore… Pourquoi cacophonie ? Parce que les ministres parlent, soliloquent, expliquent, déroulent les millions et les milliards et promènent leurs mines satisfaites dans les rédactions et sur les réseaux sociaux. Pourquoi silencieuse ? Car rien d’important n’est révélé et aucune vraie réponse aux vrais problèmes n’est vraiment apportée. Exemples non exhaustifs : Pourquoi la protection sociale ne démarre-t-elle pas réellement, pourquoi a-t-on autant tardé pour la mise en œuvre de la stratégie hydrique, pourquoi le chômage non seulement ne recule pas mais prospère, pourquoi importe-t-on des viandes rouges et qui les importe, pourquoi Akwa dans le gouvernement, pourquoi les prix des hydrocarbures ne suivent-ils pas les cours internationaux, pourquoi la réforme agricole (ou même agraire) n’est-elle pas entamée, pourquoi un si grand nombre de victimes du séisme de septembre 2023 vivent-ils (si on peut appeler cela vivre) toujours sous les tentes, pourquoi M. Ouahbi et M. Akhannouch refusent-ils de légiférer sur l’enrichissement illicite…

En matière de communication, les choses sont simples. Trois partis au gouvernement, et leurs trois chefs aussi. Abdelatif Ouahbi, puis Mehdi Bensaïd, parlent beaucoup, Nizar Baraka parle bien, Aziz Akhannouch ne parle ni beaucoup ni bien. Pas de solidarité gouvernementale, pas de charisme politique, ce gouvernement n’a pas d’âme et, dans le cas (tristement) probable où M. Akhannouch finisse son mandat, il doit changer.

Et les grandes manœuvres ont commencé…

Dans l’opposition, Mohamed Ouzzine du MP a contracté une alliance avec le PML et le PND (nul besoin de définir les sigles, cela n’a aucune importance). Le MP et les deux autres machins aspirent à apporter du changement. Mohamed Ouzzine, un politique aguerri, veut donc faire de grandes manœuvres avec de petits partis. C’est son droit et on ne peut que lui souhaiter bon courage.

Le PJD, quant à lui, avec son tonitruant secrétaire général Abdelilah Benkirane multiplie les coups et les uppercuts, percute, assène, malmène le gouvernement et maltraite son chef. La tâche est facile et M. Benkirane ne se prive pas de ce plaisir. De programme, rien, d’idées de développement ou de solutionnement des crises, pas grand-chose… mais des coups, des coups, encore des coups, beaucoup ! L’ancien chef du gouvernement défend la Palestine, traite de « traîtres » ceux qui ne sont pas de son avis, enfourche son Bouraq et s’envole pour défendre la foi, la place au-dessus de la loi, et parfois, avant de s’excuser, verse dans l’insulte. Pas de quoi faire un programme électoral ou politique qui fasse sens.

Le PPS de Nabil Benabdallah demeure égal à lui-même, contestataire et contestant, critiquant, dénonçant, tenant le juste équilibre des choses. En un mot, ou deux, M. Benabdallah est convaincant, et inaudible.

Plus sérieusement, la majorité se craquèle, se fissure, se fracture. La semaine dernière, Nizar Baraka, qui s’est tu trois années et demi durant, se libère. La semaine dernière donc, à Casablanca, pour célébrer le Manifeste de l’indépendance, M. Baraka attaque le gouvernement. Gentiment, à sa manière, mais fermement. Il fait de l’istiqlalien, un pied dehors, un pied dedans, la posture dans laquelle le parti excelle. Il a dénoncé en vrac le chômage qui monte, l’inflation qui explose, la confiance qui se réduit, les jeunes qui désespèrent, la fracture numérique, plein de choses. Mais il est resté prudent, très prudent, sur la réforme de la Moudawana, pour laquelle son parti hésite, tangue, lambine, tergiverse, botte en touche. Mais, globalement, on peut dire que l’Istiqlal s’ébroue, sort de sa torpeur politique et s’apprête à croiser le fer avec le RNI.

Le PAM, toujours étrange, avance. Il a changé son secrétaire général en le remplaçant par une direction collégiale, puis il a changé cette direction collégiale par une autre, et sur le reste, il n’a pas changé. Il essaie d’exister depuis qu’il existe, et aujourd’hui, il continue. Un de ses anciens patrons, Hassan Benaddi, estime que le PAM devrait prendre du champ et s’écarter de ce gouvernement qui, selon lui, multiplie les revers et l’actuelle « co-dirigeante » du parti, Fatima Zahra Mansouri, est sortie de son mutisme pour annoncer haut et fort que le PAM aspire à la pole position aux élections de 2026.

Cela ne devrait pas enchanter le RNI dont le chef Akhannouch exhorte ses militants lors d’un Conseil national passé inaperçu à aller sur le terrain pour accompagner l’action gouvernementale. Lui, Ssi Akhannouch, personnellement mis en cause dans de sombres histoires de conflits d’intérêt, est toujours dans le déni, égrenant les richesses et les réalisations en milliards mais ignorant les pauvres qui se comptent par millions.

Et ainsi donc va la politique dans le royaume, avec des partis de la majorité qui fourbissent leurs armes pour en découdre entre eux, des formations de l’opposition qui cherchent un moyen de ne pas y rester. Et tout cela, dans une indifférence totale et une totale désaffection de la population (photo). Le problème est que le gouvernement qui sortira des urnes en 2026, c’est-à-dire dans un peu plus d’un an, aura la tâche de nous faire honneur pour le Mondial 2030, quand les yeux du monde seront braqués sur nous et qu’il ne s’agira plus de… « faire semblant » mais d'être véritablement ce que nous disons être.

Il serait tellement salvateur que le Maroc puisse avoir une équipe convaincante, avec des programmes convaincants et un personnel convaincant pour ne pas faire de cette échéance à venir un calvaire et ne pas faire du royaume la risée du monde. Le Maroc a besoin d’un vrai gouvernement et d’un vrai chef du gouvernement, ce qu’il n’a pas aujourd’hui.

Aziz Boucetta