(Billet 1106) – Le dessalement, boire et possibles déboires…

(Billet 1106) – Le dessalement, boire et possibles déboires…

Et en avant toute pour le dessalement de l’eau de mer au Maroc ! La décision est prise, bruyamment, depuis longtemps mais mise en pratique, sérieusement, depuis peu. La pluviométrie est insuffisante, voire occasionnelle, les nappes souterraines s’assèchent, les barrages se vident et les autoroutes de l’eau sont insuffisantes, alors quoi ? alors, on dessale. Elémentaire, mon cher Watson. Oui, mais le dessalement crée d’autres problèmes et nous devrions en parler aujourd’hui plutôt que demain… Un débat national sur l’eau doit intervenir, ne serait-ce que pour savoir où nous plongeons…

La pénurie hydrique a plusieurs raisons, et essentiellement l’usage agricole de l’eau (pluviale ou souterraine) et le gaspillage. Si pour le second facteur, des mesures sont prises ici et là, tantôt efficaces tantôt vaseuses, progressivement efficaces, pour l’agriculture, aucun débat sérieux ne s’est jusque-là tenu. Le Plan Maroc Vert a-t-il failli ? Il ne s’agit pas de condamner pour le simple fait de condamner, mais pour tirer les leçons d’éventuelles et très probables erreurs passées, pour d’abord les corriger et ensuite ne pas les rééditer. Les cultures dites hydrophages le sont-elles vraiment ou non ? Bien des experts disent que oui, les pouvoirs publics laissent entendre que non, ou ne disent rien… parfois développent des contrefeux, comme cette histoire farfelue de balance hydrique ! Il faut en parler aussi, et prendre les décisions adéquates.

Une fois ces points réglés, ou au moins discutés, analysés, décortiqués, on arrive au dessalement. Il n’est certes pas la panacée mais il participe de la solution. Or la solution, comme toute chose, a des inconvénients : le coût, le risque environnemental et une possible menace sanitaire, à terme. Mais de cela, on ne parle pas, personne ne pipe mot, ou presque.

Il est pourtant facile de s’informer sur les inconvénients du dessalement ; pour cela, il suffit d’aller sur Google et de taper « problèmes de dessalement », et vous verrez. Attention, cela ne signifie pas qu’il ne faut pas dessaler, parce qu’il faut bien arroser pour boire et irriguer pour manger, mais une réflexion, un débat, des garde-fous, ce serait bien pour ne pas se trouver dans quelques années ou décennies, confrontés à un problème environnemental sérieux ou une menace sanitaire globale.

Que dit la science sur le dessalement ? Que si, en effet, le procédé offre une solution à la crise hydrique qui ne cesse de s’approfondir dans le monde en général et au Maroc en particulier, il présente également nombre d’inconvénients pour les écosystèmes marins. Le plus préoccupant est que si ces menaces sont connues et identifiées, elles ne le sont pas toutes et leur ampleur dans le temps reste également indéterminée. Le dessalement est donc une solution, oui, mais dans l’urgence et surtout l’ignorance des lendemains incertains. L’étude des écosystèmes marins doit être soigneusement étudiée afin de parer aux problèmes de disparition d’espèces, de rejets de la saumure dans la mer, de l’altération des littoraux…

Les risques sont largement gérables certes, mais uniquement dans le cadre d’études minutieusement menées et de contrôles ultérieurs sévèrement calibrés, cadrés et menés.

Il faut croire que la crise hydrique a pris le monde et tout le monde au dépourvu. Car en effet, s’il existe une large adhésion à la technique du dessalement pour pallier les insuffisances pluviométriques, et le nombre d’usines le prouve (En 2022, près de 22 800 installations dans le monde, produisant environ 110 millions de m3 d'eau par jour), il y a également un consensus sur le fait qu’en l’état actuel de la recherche, personne ne sait quel impact auront les centaines, les milliers et peut-être les dizaines de milliers d’usines qui tourneront dans les années et décennies à venir.

L’humanité risque de vivre, demain, avec l’eau dessalinisée ce qu’elle subit aujourd’hui avec l’activité industrielle. On sait que l’Homme, quand il s’y met, ne fait pas dans la demi-mesure ; il y va fort au contraire, très fort même, et ce faisant, il bouleverse son propre environnement, se mettant lui-même en danger. C’est l’Homme… et le connaissant, nous devrions nous en préoccuper, ou du moins envisager d’un jour nous inquiéter.

Et la meilleure façon est de voir ce qui se produit, ou s’est produit, dans des pays plus avancés et plus anciens que le Maroc en matière de dessalement. La question du magnésium et de la nécessaire permanente vérification de sa teneur dans l’eau potable produite, l’introduction des particules fines durant le processus (plastiques entre autres…), et d’autres phénomènes aujourd’hui pressentis mais non suffisamment connus, peuvent mettre la santé humaine en danger, comme cela a été relevé en Israël et en Espagne (pays pionniers dans le domaine). Les risques d’incidents cardiaques et de diabète de type 2 sont réels.

S’il est donc indiqué de dessaler pour pallier les insuffisances hydriques, il est hautement recommandé d’établir autour de ces usines de dessalement des procédés et procédures de contrôle stricts. Le problème est que le Maroc que nous connaissons est aussi celui de l’action résolue, parfois sans réflexion approfondie et souvent sans contrôles réguliers et sans évaluations indépendantes. On a vu cela pour le projet Noor, on a vu cela pour le Plan Maroc Vert, on a vu cela pour le Maroc Numérique, on voit cela pour les hiatus de la protection sociale et de l’aide directe, on a vu et on voit encore cela dans bien des domaines.

Il est important d’y veiller et de surveiller ce qui se produit en matière de dessalement de l’eau de mer, surtout quand ce sont de grands et influents opérateurs qui en ont la charge…

Aziz Boucetta