(Billet 1054) – Mohammed VI écrit l’Histoire
Il est des moments dans la vie d’un pays où l’Histoire accélère, des moments qui forment des tournants ou des paliers. Ainsi de ce 25ème anniversaire de l’accession au Trône du roi Mohammed VI. En trois temps, le roi accélère le tempo de la marche du pays, qui avançait déjà assez vite avant.
1/ 29 juillet 2024, discours du Trône, un discours important et très attendu, marquant le jubilé d’argent du règne de Mohammed VI. Mais là où l’on s’attendait à un discours bilan sur les réalisations, comme il aurait été d’usage, le souverain est rapidement revenu sur les succès et les acquis engrangés sur les plans économique, social, culturel et diplomatique ; puis il a délivré un discours pragmatique, revenant sur les deux questions qui impliquent le plus les Marocains aujourd’hui, à savoir leur sécurité alimentaire et la fin des massacres en cours à Gaza.
Pour l’eau, le roi a fixé l’objectif de « garantir l’eau potable à tous les citoyens et couvrir 80% au moins des besoins d’irrigation sur tout le territoire national », faisant de cela « un objectif stratégique [à atteindre], quelles que soient les circonstances ». Quoi qu’il en coûte, pourrait-on dire. En 2030, annonce le souverain, la moitié des besoins nationaux en eau potable devront provenir du dessalement d’eau de mer, lequel dessalement devra se faire au moyen d’énergies propres, venant entre autres du Sud. Le roi Mohammed VI a également appelé à une rationalisation de la consommation, à la création de filières eau (champions nationaux, industries, formations d’ingénieurs…), et il a sévèrement mis en garde le gouvernement contre tout retard dans la mise en place des nouvelles politiques de, sur et pour l’eau. La remarque a son importance si l’on se souvient que dans les deux gouvernements précédents, qui ont pris du retard en matière de gestion hydrique, le RNI représentait une composante majeure…
Pour Gaza, le chef de l’Etat a repris ce qu’il dit depuis des années, en l’occurrence cesser les hostilités à Gaza, reprendre le dialogue politique entre les deux parties, mais en écartant les extrémistes des deux bords et œuvrer dans le cadre de la solution à deux Etats, avec Jérusalem-Est, ou Al-Qods Oriental, comme capitale.
2/ 29 juillet 2024, quelques heures avant le discours royal, une dépêche tombe concernant les grâces accordées par le roi ; classique en pareille occasion, cette liste des graciés revêt cette fois une saveur particulière. Le dernier groupe de prisonniers, journalistes condamnés ou poursuivis pour des affaires de droit commun, est gracié, libéré. Les juges avaient condamné Taoufiq Bouachrine, Omar Radi, Slimane Raissouni et d’autres pour des affaires de mœurs, de détournement ou de diffamation, et eux clamaient leur innocence et criaient au coup monté.
Chacun avait son avis sur la question mais les années passaient et cette affaire faisait tache dans la marche résolue du Maroc vers son avenir, dans ce monde devenu tumultueux et dangereux. Grâces sollicitées, grâces accordées, on tourne la page et, sans rancunes mutuelles, on avance, dans le présent et l’avenir.
3/ 30 juillet 2024, et pour rester sur les « on avance » et « dans le présent et l’avenir », le roi Mohammed VI annonce avoir reçu une lettre d’Emmanuel Macron, dans laquelle le président français dit « [considérer] que le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine. Aussi, je vous affirme l’intangibilité de la position française sur cet enjeu de sécurité nationale pour votre royaume. La France entend agir en cohérence avec cette position à titre national et au niveau international. Pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue ». Tout est dit, la chose est désormais actée, sans victoire ou défaite de quiconque (puisse Alger le comprendre), sereinement, définitivement en ce qui concerne la France ; une position d’Etat, très largement partagée par la classe politique française, de tous les bords, qui ouvre la voie vers d’autres perspectives de partenariats.
Ainsi, la question de l’eau rejoint les autres domaines prioritaires du royaume, la France rejoint les Etats-Unis, l’Espagne, les Emirats Arabes Unis et d’autres pays dans la reconnaissance de l’intégrité territoriale du Maroc, et nos amis journalistes rejoignent leurs familles.
Notre confrère, et ami, Naïm Kamal, a dernièrement publié une chronique où il cherchait, dans son esprit et celui de plusieurs personnalités, le mot ou l’expression qui définirait au mieux le roi Mohammed VI. Solitaire, Artiste, Bâtisseur, Modernisateur, etc… On pourrait y ajouter « silence » et « maîtrise du temps », le silence dans l’activité normale du roi Mohammed VI qui ne s’exprime dans un discours officiel que trois fois par an (quatre, jusqu’en 2022) et qui, le reste du temps, publie des communiqués, prend des décisions, procède à des nominations ou adopte des attitudes qui en disent plus long que les plus grands discours et les meilleurs punchlines. Et la maîtrise du temps dans les grandes questions internationales ou pour certaines affaires nationales ; globalement, il est rarement là où on l’attend et il intervient là où personne ne l’attend.
Et ainsi donc, entendre de la bouche même du roi la stricte et absolue priorisation de l’eau, apprendre la libération de toutes ces personnes, les journalistes et les autres, et recevoir la déclaration d’Emmanuel Macron sur le Sahara… trois faits qui font de cette fête du Trône, la 25ème, un évènement heureux.
Alors bon 25ème à tous.
Aziz Boucetta