(Billet 836) – Gouvernement Akhannouch et hausse des prix, incompétence ou connivence ?
Le gouvernement de l’Etat social se trouve actuellement dans un état très spécial. Triomphalement (et un peu trop précipitamment) formé sur un socle restreint de trois partis, RNI, PAM et Istiqlal, le voilà aujourd’hui qui semble tanguer sur ses fondations mal plantées, la solidarité gouvernementale n’étant plus qu’une vue de l’esprit, et le rejet populaire apparaissant de jour en jour marqué.
Il existe en effet une ligne de fracture qui s’élargit de jour en jour entre une population en attente d’une vie meilleure, comme celle qui avait été promise lors du dernier scrutin, et un gouvernement de plus en plus insupportablement technocratique. La préoccupation majeure des gens, aujourd’hui, est celle des prix élevés des denrées alimentaires de base, qui menacent de s’étendre encore au-delà du mois de ramadan si rien n’est fait, et pas grand-chose n’est réellement faite.
En face, une cacophonie gouvernementale, avec des ministres qui jurent que tout est entrepris pour contrôler et sanctionner, un autre qui affirme ne pas identifier les spéculateurs et appelle à la délation, en plus d’admettre le plus clairement du monde que les mesures gouvernementales n’ont pas eu l’effet escompté, et d’autres encore qui expliquent contre toute vraisemblance que le gouvernement gouverne... Pour faire simple et clair, l’inflation explose en février, passant à deux chiffres et ne semble pas prête à revenir à des niveaux acceptables, du moins pas grâce à l’action gouvernementale. Et le porte-parole de ce gouvernement, Mustapha Baitas, n’a rien trouvé de mieux pour se défendre qu’un aveu d’impuissance, reconnaissant que « les mesures que le gouvernement a prises n’ont pas atteint l’objectif que nous ambitionnions ».
Quelles étaient ces mesures ? Principalement la chasse aux spéculateurs et la quasi interdiction d’exporter certains produits agricoles. Et quelles sont les causes de cette hausse des prix des produits alimentaires de base ? Le temps chaud, le grand froid, les spéculateurs, encore une fois, et l’export de produits manquant sur le marché domestique.
Soit, mais ces causes ont toujours existé. Quelle est donc la différence entre la situation des années précédentes et celle d’aujourd’hui ? Abdellatif Ouahbi apporte un début de réponse lorsqu’il exprime son étonnement face « aux pressions exercées par certaines gens
». Qui sont ces gens, quel est leur intérêt à faire pression et quels sont leurs réseaux ? Abdellatif Ouahbi est toujours ministre de la Justice, et il ne se préoccupe pas d’apporter des réponses à ces questions… Il est certes plus facile de s’en prendre à des exportateurs, qui risquent maintenant de perdre leurs marchés, que de s’approcher de spéculateurs autrement mieux introduits…
Donc, au final, si le gouvernement n’a pas atteint et encore moins réalisé ses objectifs de maîtrise des prix, c’est à cause des spéculateurs et des pressions. Le conflit d’intérêt n’est pas loin, et bien évidemment l’impunité aussi, qui lui est consubstantielle.
La question à poser ici est donc de savoir si le niveau élevé des prix des produits alimentaires, durant ce mois de ramadan et après aussi, tient de l’incompétence du gouvernement à contrôler les prix ou, plus grave, à sa connivence avec des spéculateurs et avec « ceux qui exercent des pressions ». De la réponse à cette question et surtout des actions qui s’en suivront, si actions il y a, dépendra l’avenir de ce pays pour les prochaines années.
Mais tout cela, on le sait déjà… Ce qu’on ne sait pas en revanche, c’est quand sera-t-il mis un terme à ce gâchis institutionnel ? On avait compris que le rôle premier et principal de ce gouvernement est de poser les jalons de l’Etat social, santé, éducation, couverture sociale, égalité des chances… Mais, pour autant, un gouvernement, cela sert aussi à gérer le quotidien des populations. Et aujourd’hui, ce quotidien est morose, pour ne pas dire sombre.
Globalement, Aziz Akhannouch patauge et ses alliés le jaugent, Nizar Baraka ne disant rien, et Abdellatif Ouahbi roulant, comme toujours, pour lui-même. Les scandales se multiplient et s’amoncellent, les soupçons de conflits d’intérêts se renforcent, les échecs se confirment, et les réformes tardent… Mais la constitution dit, dans sa grandeur, que quand un chef du gouvernement est nommé par le roi et investi par le parlement, il devient inamovible jusqu’au terme de son mandat. Le Maroc n’a d’autre choix, donc, que celui de continuer d’aller à vau-l’eau et d’attendre, sauf si deus ex machina.
Aziz Boucetta