(Billet 798) – Billetterie au Qatar, examen des avocats… ou l’art de briser un bel élan
Qu’elle était belle cette fin d’année 2022, avec cette bande de jeunes footballeurs souriants, entreprenants, triomphants, qui bousculaient les plus grands avec leur enthousiasme contagieux, que le monde entier suivait, qu’une grosse partie de l’humanité admirait, à laquelle notre jeunesse s’identifiait… Ces jeunes Marocains ont réussi à insuffler de l’optimisme dans tous les cœurs et à injecter l’envie et la volonté de faire bien dans tous les esprits. Mais il aura fallu deux événements pour heurter cette euphorie générale.
Une promesse qui tarde à être remplie et une enquête qui semble ne jamais devoir être lancée… Un quarteron de personnes, voraces et rapaces, ont assombri l’immense joie collective au Qatar, pour avoir voulu grossir leurs fortunes ou en constituer. Et des soupçons de manipulation d’un examen supposé être le plus éthique possible, en l’occurrence celui de l’aptitude à la profession d’avocat.
Le 27 décembre, lors d’une réunion du Bureau directeur de la Fédération royale marocaine de football son président Fouzi Lekjaâ, auréolé du brillant parcours de « ses » poulains de la sélection nationale, un parcours qui lui doit beaucoup, apparaissait furieux, et avait dit ce que tout le monde attendait de lui. Et il avait dit, usant de mots très forts comme « misérables » et « comportements indignes », que le 10 janvier, les responsables de toute malversation ou trafic des billets des matchs allaient être exclus de toutes les instances du football, sans préjudice pour d’éventuelles poursuites judiciaires.
Cela fait 10 jours, aujourd’hui, que cette date est dépassée, et rien n’a été annoncé. On peut espérer que cette affaire ne soit pas finie, mais dans toute société civilisée, et le Maroc voudrait se permettre de penser que tel est le cas de la sienne, les promesses de responsables sont suivies d’effets, surtout lorsqu’ils sont datés. Et si retard il doit y avoir, ce qui est possible, l’opinion publique en est en principe informée. Cela s’appelle du respect.
- Lekjaâ ne devrait pas laisser les choses traîner en longueur, et, en bon communicateur qu’il est, il devrait savoir que les gens attendent, mais qu’ils peuvent également perdre espoir de voir un jour leur pays s’inscrire résolument dans
ce principe tant vanté et si négligé de la reddition des comptes. Et du respect. Cela sert à quoi de s’énerver, de se laisser filmer en s’énervant, de permettre la diffusion des images, si c’est pour ne pas respecter ses engagements ?
Me Abdellatif Ouahbi… Sans revenir sur les faits que toutes et tous connaissent, et sans douter de la parole du ministre de la Justice, supposé dire la vérité, rien que la vérité et toute la vérité, force est de reconnaître que le doute s’est, quand même, introduit dans les esprits au sujet du désormais fameux concours d’accès à la profession d’avocat. Et sans douter encore une fois de Me Ouahbi, on ne peut que faire le constat que ses trois passages à la télévision n’ont pas convaincu.
Le chef du PAM n’a été soutenu ni par le gouvernement, ni par son parti le PAM ni au parlement, en dehors d’un vague communiqué des groupes de la majorité qui ont timidement appelé à la solidarité, et tout cela en dépit de la charte de la majorité qui prévoit bien des instances de coordination et de coopération.
Me Ouahbi serait grandi, et la majorité avec lui, de mettre en place une commission d’enquête, à laquelle le parlement aurait dû penser, s’il pensait… Finalement, quel serait pour Abdellatif Ouahbi le risque de faire investiguer ce concours qu’il dit et assure avoir été conduit dans les meilleurs conditions ? Puisqu’il dit la vérité, dit-il…
Notre gouvernement, dirigé par un homme dont le parti affirmait aux Marocains qu’ils « méritaient mieux », et abritant deux hommes qui assurent vouloir la vérité, MM. Lekjaa et Ouahbi, ne devrait-il pas témoigner à l’opinion publique le respect, l’estime et la considération qu’elle mérite en chassant toute l’opacité de ces deux affaires ? Dans le cas contraire, il s’exposerait au risque désagréable d’annihiler tout cet extraordinaire élan de joie, d’optimisme et d’enthousiasme insufflé impulsé par notre sélection nationale, grâce à laquelle le monde entier nous connaît et nous regarde désormais.
Il ne faut pas prendre le risque de montrer au monde un visage du Maroc moins souriant qu’il ne le fut en décembre…
Aziz Boucetta