(Billet 762) – Le Maroc à la recherche de son Histoire…

(Billet 762) – Le Maroc à la recherche de son Histoire…

Et le passé revient, lentement, doucement, à bas bruit, mais irrésistiblement… Alors que l’avenir s’annonce empli d’incertitudes et de périls, que les jeunes générations prennent de plus en plus pied dans les milieux professionnels et s’approprient le pays, dans un monde violent, le retour sur le passé s’affirme progressivement. Les Marocains prennent conscience de ce que leur pays fut, et de qu’il peut être, de ce qu’ils peuvent en faire.

Autour de nous, les grandes puissances d’antan assument leur grande histoire et assurent un retour au sein des nations « d’élite ». Chine et Russie s’affirment, Turquie et Iran s’expriment, et d’autres pays au passé prestigieux tentent à leur tour leur retour. Parmi eux, le Maroc, où un nombre croissant d’initiatives œuvrent à rappeler aux populations ce qu’ont réalisé leurs ancêtres, lointains ou proches.

Lorsqu’on se trouve dans un pays à l’histoire séculaire, et qu’on y fasse retour, c’est le plus souvent pour compenser ce qu’on peut trouver et déceler comme médiocrité actuelle qui ne sied pas à cette histoire. C’est le cas du Maroc…

Voici deux ans environ, un mouvement est apparu sur les réseaux, qui s’était donné comme nom le Mouvement Moorish. Puissamment présent sur les réseaux sociaux et tout aussi puissamment suivi par des dizaines de milliers de personnes, jeunes et moins jeunes, le mouvement s’impose et propose une nouvelle vision de ce pays qui a connu ses heures de gloire et qui gagnerait à les retrouver. Le nombre de personnes qui s’y retrouvent est un indicateur. N'oublions pas non plus l'effort consenti par Reda Allali et sa fameuse Radio Maârif avec ses podcasts historiques aussi remarqués que remarquables.

Puis, depuis quelques temps, des initiatives prennent forme… Ainsi de l’historien Nabil Mouline, qui vient de lancer une série d’histoire avec le jeune et talentueux Mustapha El Fekkak, plus connu par son nom de guerre Swinga. La première capsule, comme toujours avec Swinga, est très bien faite, porte sur les relations entre le Maroc et l’Algérie, et a été visionnée près d’un million de fois en quelques jours. D’autres épisodes sont en préparation et le public s’y prépare…

Et, simultanément, c’est l’écrivaine et essayiste Mouna Hachim qui, avec nos confrères du Le360, se propose de réaliser des capsules vidéos sur ces Marocain(e)s qui ont marqué leur époque, le premier épisode revenant sur la vie du grammairien amazigh Ibn Aguerroum. Le projet est promis à un avenir prometteur, le Maroc ayant produit des personnages aussi hauts en couleurs que peu connus du grand public, lequel grand public est demandeur de telles productions qui l’éclairent sur son histoire.

Revenons aussi sur la fameuse conférence de Noureddine Belheddad, cet universitaire que personne ne connaissait et qui a été suivie par des centaines de milliers de personnes, quand l’universitaire s’est attelé à dire ce que fut l’histoire royale du pays, ce que furent les relations diplomatiques et commerciales avec d’autres grandes puissances de l’époque de la Renaissance, ce qu’est en fait et en réalité le Sahara… Questionnons l’historien Khalid Chegraoui et il prendra trois jours, ou trois semaines, à vous expliquer les relations du Maroc avec son prolongement sahélien, et plus loin encore. Et de son côté, l’intellectuel Samir Bennis, de ses Etats-Unis d’adoption, s’active à réécrire l’histoire récente du Maroc, et ses relations avec l’Espagne et la France post-coloniales… et qui continue de s’y intéresser.

On se plaît à dire, sous nos latitudes, que nous sommes un vieux pays, un pays à grande histoire, et c’est vrai. Regardons la géographie du royaume et nous comprendrons qu’il ne peut ne pas avoir eu de présence, d’importance et de pertinence dans son voisinage méditerranéen et dans sa profondeur africaine. Sauf que si, jusque-là, le Maroc officiel semblait ignorer cette donne, et qu’il l’ignore toujours aujourd’hui, sa population manifeste pour sa part un intérêt certain pour ce que furent et firent ses ancêtres.

Dans le monde, il existe une tendance aux retours historiques. Les Turcs ont produit leur « Siècle magnifique » et ont décrit, de manière romancée la grande épopée ottomane du 16ème siècle. Il y a eu également cette saga historique des Tudors où la vie de ce grand et turbulent roi Henri VIII a été présentée, avec ses hauts, ses bas et ses combats. Nous assistons aussi au succès rencontré par toutes ces séries et films sur la période viking… Inutile de revenir sur ce qu’ont fait et continuent de faire les Américains avec leur Histoire, montrant ses hauts faits, taisant ses effets… ou les Juifs avec la Shoah…

Jusque-là, le Maroc tournait le dos à son Histoire, en avançant lentement et d’un pas incertain vers le futur. Aujourd’hui qu’il paraît avoir décidé d’accélérer sa marche vers son avenir et que sa jeunesse entre de plain-pied dans son histoire, s’y intéresse et suit avec attention ses grandes dates et ses grands personnages, il est temps d’ouvrir les archives, de réclamer celles qui ont été emmenées dans les bagages des Français et des Espagnols ou qui ont été produites par eux ou d’autres dans notre histoire commune… et de traiter cette riche matière.

C’est ainsi que nous apprendrions à nous connaître nous-mêmes et à nous faire connaître.

Aziz Boucetta