(Billet 745) – Nos partis politiques devraient (plus) penser à la question migratoire
L’indifférence de nos partis aux politiques migratoires n’a d’égale que l’obsession de leurs congénères européens pour les mêmes politiques ! Chez eux, ils ne pensent qu’ à « ça », chez nous, les dirigeants des partis n’en parlent jamais. Et pourtant, le roi du Maroc (et donc le Maroc) a été désigné leader de la question migratoire par ses pairs africains, et le royaume est géographiquement et humainement au carrefour de la problématique des migrations. A croire que ce thème est un impensé de la politique marocaine.
Lors des campagnes électorales passées, et essentiellement pendant la dernière, en 2021, les partis ont occulté cette question de la migration, n’en disant rien ou bien n’importe quoi. Le seul aspect qui les intéressait, nos dirigeants politiques (au niveau des partis…) était la communauté des Marocains du monde, parce qu’ils étaient supposés voter. Mais cela ne s’est finalement pas fait, pour d’obscures raisons que l’on peut néanmoins deviner…
Quant à la problématique migratoire dans son ensemble, un grand vide, le Néant, le Zéro idée et l’Infini d’indifférence. Et pourtant, plusieurs angles sont là, qui attendent (et semble-t-il, attendront encore) d’être examinés par nos partis politiques.
1/ La migration subsaharienne vers le Maroc. Seuls, les ministère de l’Intérieur s’en occupe et des Affaires étrangères s’en préoccupe. Or, les problématiques ne manquent pas : Combien d’étrangers arrivent sur notre sol ? Par où entrent-ils ? Comment gérer ces flux, par effectifs, par provenance, par motif de migration… ?
Faut-il ou non lancer une autre procédure de régularisations, après celles de 2014 et de 2016, elles-mêmes décidées sur initiative du CNDH et sur instruction royale ? 50.000 personnes environ venues de notre continent avaient reçu des documents attestant de leur séjour au Maroc, et elles ont majoritairement trouvé des emplois, logements… Nos partis devraient, un jour, réfléchir à leur sort, à leur emploi, à leur logement, à leur intégration…
Comment donc et pourquoi le Maroc, terre d’origine de près de 5 millions de migrants dans le monde, ne reçoit que 1% de cet effectif sur son sol ? Si le Maroc est africain, ainsi qu’il se présente désormais, il doit pouvoir faire plus, accueillir d’autres cultures, encourager le vivre-ensemble, stimuler la solidarité africaine… sachant que tout expatrié légalement installé sur notre sol, d’où qu’il vienne, est source de richesse.
2/ La migration subsaharienne via le Maroc. Nos partis, tous concentrés sur les strapontins ministériels, laissent la diplomatie et l’Intérieur refuser le rôle ingrat de « gendarme » de l’Europe auquel veulent nous réduire nos « amis » européens… le terme « gendarme » étant d’ailleurs impropre car un gendarme est supposé agir dans un cadre éthique et non brutal, exclusif et souvent violent.
Lorsque nos partis rencontrent leurs homologues européens (puisque c’est avec la seule UE et, plus précisément avec l’Espagne, que nous avons ce problème),ils devraient leur expliquer ce qu’est la position marocaine, qui gagnerait à être définie en amont. Ils doivent leur dire et leur redire que le problème du Maroc est de faire respecter l’ordre public dans ses frontières, ce qui revient à suggérer que nos forces de l’ordre pourraient se contenter d’accompagner les migrants désireux de se rendre en Europe jusqu’aux deux villes « européennes » de Sebta et de Melilla, et de les laisser s’y débrouiller.
Mais comme les choses sont plus complexes, alors le Maroc devrait mieux négocier le montant de fonds qui lui sont versés pour aider à gérer la situation. Les 500 millions d’euros « promis » pour la période 2021-2027 est une aimable plaisanterie en comparaison aux 2,4 milliards d’euros alloués à la Turquie entre 2016 et 2019 et près d’un milliard d’euros entre 2020 et 2022. MM. Bourita et Laftit sont d’habiles négociateurs, mais soutenus par la dizaine de chefs de partis qui comptent au Maroc, ils seraient plus efficaces, car plus crédibles et bien plus audibles. Ils pourraient, tous, négocier plus d’argent pour le Maroc mais aussi pour l’Afrique, afin d’endiguer les flux migratoires en procurant des alternatives aux Subsahariens désireux de s’en aller vers des cieux fantasmés meilleurs !
3/ La « question » algérienne. La piste algérienne de l’assaut de juin dernier sur la ville de Nador et la clôture de séparation avec Melilla se confirme et se précise. Une phalange de 2000 personnes est venue du Darfour (contrée passablement violente), et ces gens ont transité par le territoire algérien, y ont semble-t-il (selon des déclarations de certains assaillants) reçu entraînements et armes blanches, avant de franchir la frontière nuitamment et se diriger vers les deux villes de Nador et Melilla, dont vers le Maroc et l’Espagne, les deux ennemis d’Alger (avec une férocité à intensité variable…).
Il est temps et il serait opportun pour nos partis de s’en aller en missi dominici expliquer aux Européens, très sourcilleux et même chatouilleux sur la question migratoire, qu’Alger constitue un péril tant pour le royaume que pour le Vieux Continent.
Ce ne sont là que quelques éléments qui devraient, pourraient même peut-être, inciter les partis politiques et leurs chefs à réfléchir à la question migratoire, aussi centrale pour le pays que le pays est au centre de l’ensemble eurafricain. Y réfléchir sereinement, pacifiquement, humainement, et pas obsessionnellement comme en Europe.
Aziz Boucetta