(Billet 741) – Pour une Haute Autorité de la santé… qui ait de l’autorité !
Faut-il croire finalement que le secteur de la Santé est irréformable, irrécupérable ? Cela semble du moins être le cas, depuis le temps que le roi Mohammed VI appelle à cette réforme, qui doit devenir une refonte, et que personne ne voit rien venir, hormis d’immenses ambitions annoncées par des politiciens dépassés. Les ministres passent, les sinistres continuent et les gens trépassent, souvent bêtement… par manque de soins, par manque d’ambulances, par manque d’infrastructures, par manque de médecins… par manquements divers des responsables politiques.
Sans remonter à très loin, revenons à 2018, quand le souverain avait interpellé en octobre les parlementaires en leur recommandant de « créer les conditions favorables pour amener les compétences marocaines [en matière de santé] à rentrer travailler au pays et y donner le meilleur d’elles-mêmes », avant de faire, en novembre de la même année, le point sur la question de la « refonte en profondeur du système national de santé ». Et en 2022, un conseil des ministres puis le discours du Trône ont rappelé l’urgence de la refonte du secteur de la santé, dans les détails.
Dans l’intervalle, la pandémie de la Covid-19 est passée par là, qui a montré deux choses : la totale incapacité de ce système national de santé à faire face à la propagation du virus et, en second lieu, à l’inverse, la capacité de ce même système à résister quand les choses sont prises au sérieux. Il faut dire que le roi était derrière et qu’il suivait de près les choses. Est-ce à dire que le chef de l’Etat doit toujours se mobiliser pour faire le travail de gens qui sont (plutôt bien) payés pour le faire ? Assurément non.
Alors la pandémie dure deux ans, pendant lesquels le Nouveau modèle de développement est élaboré, rappelant si besoin était (et il faut croire que le besoin est) « l’importance d’un système de santé performant et résilient », sachant que ce qui nous tient lieu de système de santé n’est ni performant ni résilient, mais plutôt défaillant. Pas de gouvernance, pas d’infrastructures, pas d’équité territoriale, et surtout, pas de ressources humaines, que nous en formons insuffisamment pour en exporter une partie vers des pays autrement plus riches que le Maroc.
Il est aujourd’hui temps de regarder
les choses en face, tant il est vrai que la population est en danger, ou du moins en détresse sanitaire, exposée à toutes sortes de maladies par manque de prévention et incapacité d’intervention. Prendre les mêmes, les politiques, et recommencer présente le risque considérable d’aboutir aux mêmes résultats, déjà catastrophiques mais qui risquent de devenir cataclysmiques au vu de la débauche de milliards de dirhams qui sera consacrée à la refonte du système de santé !
Alors que faire ? Accélérer la mise en place de la Haute autorité de santé qui, peut-être, réussira là où les autres ont coupablement failli, par manque de prévisions, par manque d’ambition, peut-être par manque d’intégrité morale, voire d’intégrité tout court… Décidée par le conseil de ministres de juillet dernier, donc en présence du roi, cette Haute autorité n’a pas encore vu le jour… mais on a déjà commencé par lui donner un nom très « com’ », HARIS, Haute autorité de la régulation intégrée de la santé… L’appellation fait sourire des médecins qui disent ne pas comprendre le sens caché de la formule. Mais en lisant « HARIS » en arabe, on comprend… Elle serait donc le gardien de la santé, qui en a bien besoin !
Si elle est confiée aux politiques et si elle n’a qu’un avis consultatif, la HARIS échouera certainement, s’ajoutant aux autres « machins » qui fleurissent sur nos sols pourtant peu fertiles. Mais si elle est confiée à une personnalité indépendante, professionnelle de la santé, entourée de gens ayant prouvé leur intégrité et efficacité, leur engagement et audace, et si ses avis sont contraignants, alors peut-être que ses probabilités de succès seraient améliorées. C’est ce que dit Raja Aghzadi, médecin et ancienne membre de la Commission sur le Nouveau modèle de développement : La Haute autorité de la santé « devra gérer ces partenariats par la délivrance d’accréditations des cliniques et hôpitaux en fonction de normes internationales, faire des recommandations scientifiques pour mutualiser, homogénéiser les prises en charge, avec transparence et responsabilité en évitant les gâchis et retards thérapeutiques ».
Une Haute autorité, donc, avec davantage qu’un simple pouvoir consultatif, mais une vraie autorité, qui émet des avis contraignants, qui soit reliée au roi pour relayer sa politique, que les politiques pourraient ne pas assurer.
Aziz Boucetta