(Billet 734) – Femmes, MRE… Gouvernement et parlement seront-ils à la hauteur ?

(Billet 734) – Femmes, MRE… Gouvernement et parlement seront-ils à la hauteur ?

Hors circonstances exceptionnelles, le roi Mohammed VI délivre quatre discours par an, dont deux en plein mois d’été, celui du Trône et celui de la Révolution du roi et du peuple. C’est l’occasion pour le souverain de dresser un état des lieux du pays, mais aussi de brosser les grandes lignes de la politique générale et des politiques publiques de l’Etat. Ce n’est pas la première fois, mais à chaque fois, la pertinence de la classe politique est convoquée.

Ces 30 juillet et 20 août, donc, le roi Mohammed VI a appelé à réviser la Moudawana et à encadrer et harmoniser la très vaste communauté des Marocains du monde.

1/ L’évolution des droits des femmes. En chiffres, cela donne la moitié de la population, dont le roi disait déjà en 1999, à l’aube de son règne : « Comment espérer atteindre le progrès et la prospérité alors que les femmes, qui constituent la moitié de la société, voient leurs intérêts bafoués » ? Dans son discours de juillet 2022, Mohammed VI appelle à une réforme tenant compte des « spécificités marocaines », faisant montre de « modération, d’ouverture d’esprit dans l’interprétation des textes, de volonté de concertation et de dialogue », pour que les femmes « occupent la place qui leur échoit » et sachant que « quand les femmes accèdent pleinement à leurs droits, elles ne portent aucun préjudice aux hommes, pas plus qu’elles ne se font tort ».

Voilà, le cadre est tracé pour la classe politique, aux fins de faire évoluer les droits des femmes et leur permettre d’occuper « la place qui leur échoit ». Or, la classe politique s’arrête à cette phrase du chef de l’Etat : « Je ne peux autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé », oubliant qu’il parle de lui, en sa qualité de Commandeur des croyants. Cette qualité l’empêche certes de prendre des décisions, mais ne l’oblige pas à bloquer une réforme audacieuse de l’institution parlementaire, qu’il semble précisément demander.

Il faudra s’attendre à une grogne dans le camp religieux… Comment donc vaincre cette résistance ? Par l’insistance des politiques. En seront-ils réellement capables ? La question mérite d’être posée, car dans les rangs de nos députés, conseillers et ministres, il y a ceux qui ne mesurent pas l’importance de la réforme, et ils côtoient ceux qui la refusent. La bataille sera longue. Et rien, absolument rien n’indique qu’elle sera gagnée par le camp de réformistes peu audacieux face à des conservateurs déterminés, eux-mêmes d’appuyant sur une société entre peu favorable à un tel changement.

2/ Les Marocains du monde. Le message, là encore, est clair : « La communauté marocaine à l’étranger est notoirement connue pour les profils de classe mondiale qu’elle compte dans différentes filières : scientifiques, économiques, politiques, culturelles, sportives et autres (…). Qu’avons-nous fait pour renforcer le sentiment patriotique de nos immigrés ? Le cadre législatif en place et les politiques publiques tiennent-ils compte de leurs spécificités ? Les procédures administratives sont-elles adaptées à leurs attentes du moment ? (…) Leur avons-nous apporté l’accompagnement requis et les conditions favorables à la réussite de leurs projets d’investissement ? ».

Autrement dit, plus crûment, les Marocains du monde, ce n’est pas seulement de la devise, mais de la représentation, de l’influence et de l’expertise. Le gouvernement s’est bien réuni suite à ce discours, mais cela a été une suite de discours faisant craindre un prolongement des politiques passées, où les uns se félicitent des acquis (très relatifs) et les autres annoncent de grandes ambitions, qui risquent fort de se trouver une place dans les tiroirs.

 

Les discours du chef de l’Etat se fondent sur des visions très précises de la société marocaine et sur des perspectives très prometteuses en matière de politique générale de l’Etat, mais ils doivent être soutenus, renforcés, relayés et implémentés dans les politiques publiques. Or, les grandes réformes ont besoin de personnels politiques imaginatifs, innovants et surtout audacieux, pour affronter des résistances sociétales internes et se confronter aux attentes de Marocains du monde exigeants.

Il est vrai que le gouvernement Akhannouch doit faire face à une multitude de problèmes convergents, liés et budgétairement contraignants. Mais dans ses deux derniers discours, ce que demande le roi ne nécessite pas d’argent mais du courage, de l’altruisme et de la persévérance. Le gouvernement en est-il capable ?

Il est heureusement permis de l’espérer, mais il est bien malheureusement possible aussi d’en douter.

Aziz Boucetta