(Billet 723) – Cet insupportable remugle de conflit(s) d’intérêts…

(Billet 723) – Cet insupportable remugle de conflit(s) d’intérêts…

Pour être efficace, la politique a besoin de confiance, ou au moins de la perception d’une certaine dose de confiance placée par la population dans les personnels qui gèrent les affaires de l’Etat. Aujourd’hui, au Maroc, l’opinion publique a plus que jamais besoin de ressentir cette confiance, essentiellement si l’on considère les différents défis et difficultés qui se posent, de la reprise post-Covid (si post-Covid il y a…) à la gestion de la sécheresse, de l’explosion des prix des carburants à celle, attendue, des autres prix, de tous les autres prix. Mais avec les soupçons de conflits d’intérêt qui gonflent et qui enflent, la confiance est plutôt ébranlée, ou le sera.

Il faut le dire, clairement et explicitement, le parti qui dirige le gouvernement est cité dans plusieurs affaires qui mettent à mal la confiance suscitée au départ de la mandature. On savait que le RNI est un parti représentant le capital et bien représenté dans les affaires, mais au vu de la campagne électorale menée avec succès en 2021, des résultats engrangés lors des élections, et de « l’éloignement » acté d’Aziz Akhannouch de la sphère économique, on pensait – on voulait penser – que le risque de collusion entre argent et politique était éloigné.

Mais alors…

1/ Comment expliquer que le gouvernement refuse de faire le moindre effort en direction des ménages pour compenser, ne serait-ce que partiellement, la hausse vertigineuse des prix des carburants ? Comment expliquer que, contrairement à tant d’autres Etats, le Maroc se refuse de plafonner les bénéfices des distributeurs, dont Afriquia, ou de leur appliquer une « taxe de solidarité », bien évidemment provisoire ? Et comment expliquer qu’alors que les cours mondiaux baissent progressivement, les prix des carburants chez nous augmentent tout aussi progressivement ?

2/ Comment justifier que depuis 9 mois que le gouvernement est formé et investi, rien n’ait été entrepris pour faire vraiment évoluer le statut du Conseil de la Concurrence, tel que cela avait été demandé par le chef de l’Etat à l’ancien chef de gouvernement, à la suite des cafouillages constatés dans la gestion de la question de la possible entente entre grands distributeurs de carburant ? (Le projet de réforme a mis six mois pour aller au parlement, où il traîne depuis, malgré la très forte majorité).

3/


Que dire de ces interrogations sur l’attribution du marché du Plan de développement régional de la Région Guelmim Oued Noun, présidée par le RNI, à une entreprise proche d’un ancien membre du même RNI, pour un montant de loin supérieur aux autres PDR, soit 14,5 millions de DH ? On dit que le montant se justifie par l’accompagnement et la mise en œuvre de ce Plan, ce qui n’explique rien, voire même complique la question.

4/ Comment interpréter la présence d’une entreprise appartenant au chef du gouvernement dans les soumissions au marché pour l’attribution de l’usine de dessalement de Casablanca ?

Liste non exhaustive… car d’autres questions, souvent gênantes, interviennent concernant des soupçons de connivence du pouvoir politique avec le monde de l’entreprise. On parle d’e-commerce sur les réseaux et les réseaux poursuivent aussi en évoquant la gestion de la communication autour de programmes gouvernementaux. Les réseaux sociaux ne sont certes pas officiels, mais ils façonnent, puis reflètent l’état de l’opinion publique.

Et tout cela se heurte au monumental silence du principal concerné, en l’occurrence le chef du gouvernement Aziz Akhannouch. Ne rien dire pour le 1er questionnement, puis regarder ailleurs pour le 2nd, et ensuite faire l’autruche pour le 3ème… voilà qui alimente les discussions dans les cafés et anime les débats dans les chaumières, sur cette colombe qui semble s’en battre les ailes !

En règle générale, la charge de la preuve incombe à l’accusateur, mais ici personne n’accuse personne de quoi que ce soit, juste des soupçons... Cependant, et comme nous sommes en politique, les soupçons non levés deviennent des faits, des vérités de plus en plus difficiles à démentir avec le temps qui passe et le silence qui s’installe… C’est à se demander si la Présidence du gouvernement dispose d’une cellule de communication, et si c’est le cas, si elle est véritablement apte à communiquer et si elle est compétente pour cela.

Existe-t-il une institution au Maroc qui puisse dire la vérité, demander à ce qu’on lui dise cette vérité, ou qui sévisse dans le cas contraire ? Les Marocains ont connu bien des vicissitudes de leur scène politique, mais cette fois, il semblerait que des limites soient en train d’être franchies… si ce n’est en turpitudes, du moins en silence confinant à l’indifférence.

Aziz Boucetta