(Billet 717) – A l’Istiqlal, la Baraka du gendre changera-t-elle de camp ?

(Billet 717) – A l’Istiqlal, la Baraka du gendre changera-t-elle de camp ?

Nizar Baraka affronte une passe difficile en ce moment. Cette passe a un nom : le clan Ould Rachid, du nom de lhaj Hamdi et ses amis, cousins, neveux, frères, et toute la parentèle connue ou moins connue. Le maire de Laâyoune veut devenir secrétaire général à la place du secrétaire général, et si la chose s’avère difficile, alors il se sacrifiera au profit d’un membre de sa famille !

L’Istiqlal, on ne le dira jamais assez, est l’un des plus vieux partis au monde ; rien d’anormal qu’il connaisse des travers humains vieux comme le monde, en l’occurrence les légitimes ambitions des uns et des autres. Mais quand même, il y a la manière… Et en termes de manière, le clan sahraoui a encore à apprendre.

Dans la très longue histoire du parti, créé en 1944 (pour certains en 1934), le prestige a pris fin en 1998, quand Mhammed Boucetta est parti, cédant son fauteuil à Abbas el Fassi. L’ancien premier ministre est un homme de l’appareil, un apparatchik biberonné à la culture istiqlalienne dès sa plus rose enfance mais, sous son règne de 14 ans, il a laissé le ver entrer dans le fruit. Un ver qui s’appelle Hamid Chabat et, avec lui, un ensemble de personnages étranges aux mœurs qui dérangent…

Signalons qu’au sein de l’Istiqlal, et en dehors de la longue parenthèse Boucetta (24 ans, de 1974 à 1998) et de la brève dérive Chabat (5 ans, de 2012 à 2017), le secrétariat général du parti s’est transmis, indirectement, de gendre en gendre. L’affaire reste en quelque sorte familiale, et rien de surprenant à ce que les Ould Rachid attaquent en meute… familiale, à coups de gendres. Et, coïncidence amusante, qui est le gendre de Hamdi Ould Rachid ? Naam Miyara, le gendre de Hamdi Ould Rachid…

En décembre 2021, Naam Miyara, qui cumule les fonctions (moralement) incumulables de chef du syndicat istiqlalien UGTM et de président de la Chambre des conseillers, avait dit ceci, l’œil humide et le trémolo dans la voix : « Le seul clan qui existe, c’est celui de l’unité des rangs, du rassemblement et de l’action commune autour de Nizar Baraka ». C’est beau comme une élection non truquée, mais c’est surtout évolutif, car aujourd’hui, M. Miyara en veut plus, et plus, c’est le fauteuil de « Nizar », comme les Istiqlaliens appellent affectueusement leur patron. Il n’y pense peut-être pas tous les matins en se rasant, mais il y songe sans doute tous les soirs en se couchant, animé par son ambition et l’esprit clanique qui la porte.

Que reproche-ton à Nizar Baraka ? Sa mollesse lors de la formation du gouvernement, quand il avait accepté au nom de l’Istiqlal des gens très certainement talentueux (quoique…) mais n’ayant du parti qu’une connaissance théorique et littéraire, voire virtuelle. Il faut savoir qu’à l’Istiqlal (et ailleurs aussi), la « ministrabilité » est une vocation, voire une passion, et...

on passe toute une carrière à gravir lentement les échelons pour siéger, un jour, au gouvernement. Ce n’est pas pour se faire doubler dans la dernière ligne droite par de quelconques impétrants qui ne savent même pas chanter avec force et recueillement « Maghribouna watanouna ».

Modus operandi des frondeurs des sables ? Changer les statuts pour dégraisser le Conseil national, « parlement » du parti, en privant des centaines de gens de leur « droit ès-qualité » d’y figurer (mot apparenté à « figurant »). Députés, conseillers, inspecteurs (ah, les inspecteurs…), responsables locaux et régionaux, chefs des organisations parallèles… Tout ce monde, affirme le clan Ould Rachid avec une mauvaise foi d’archevêque, ne doit pas siéger au Conseil national. Cela tombe bien, ces gens sont tous fidèles et ou presque loyaux à Nizar Baraka. Une fois évacués, à l’issue d’un amendement des statuts qui devrait être entériné lors du Congrès extraordinaire du 6 août, si tout se passe bien pour Lhaj Hamdi, et si tout se passe mal pour M. Baraka, il restera les autres… et là, pour eux, on agitera la carotte et, le cas échéant, on brandira le bâton.

Le pouvoir du clan Ould Rachid se fonde sur l’argent du patriarche Lhaj Hamdi, sur la soudure clanique et sur la force physique, dit-on… C’est avec ces atouts sonnants que Lhaj Hamdi avait pu désarçonné Hamid Chabat de la tête de l’UGTM, puis de celle de l’Istiqlal. Et c’est avec ces mêmes atouts que ledit et sa famille veulent rééditer l’exploit contre cette fois l’intellectuel Nizar Baraka, peu rompu aux tractations financières et aux opérations coups de poing.

Mais notre intellectuel a péché par manque de réflexion, quand il avait laissé entrer le ver dans le fruit, dans le sillage de Hamid Chabat. Le fruit, c’est le Comité exécutif (photo), le sacrosaint Politburo de l’Istiqlal, et le ver, ce sont les véreux qui l’ont investi, puis infesté. Des types condamnés ou condamnables, des gens de peu, peu scrupuleux, le tout dénotant singulièrement avec ces Comités exécutifs de naguère, abritant des gens aussi illustres que les Kadiri, Aouad, Louafa, Ghellab, Filali, Bennani Smirès, Khalifa et d’autres encore que les moins de trente ans ne peuvent bien malheureusement pas connaître.

Nizar Baraka se trouve donc aujourd’hui dans la très peu enviable situation de celui qui non seulement est lâché par son plus fort soutien, mais est en plus menacé par ce même soutien, fort et fort riche, renforcé par sa légitimité historique de Sahraoui, dont il use et abuse pour maintenir sa position de surplomb.

Rendez-vous donc est pris pour le 6 août, le jour qui évoque ailleurs une explosion atomique. Ce jour-là, le 6 août prochain, les partisans de M. Baraka risquent d’être atomisés, dans une explosion statutaire qui mettrait un terme aux souffrances du Zaïm. Pour le plus grand mal de l’Istiqlal, cette (quand même) valeur sûre de la politique nationale.

Aziz Boucetta