(Billet 715) – La 3ème guerre mondiale ? Elle a déjà commencé !
Depuis le 24 février, le monde craint le spectre d’une 3ème guerre mondiale. L’invasion russe de l’Ukraine a mobilisé le bloc occidental contre Moscou, à travers les aides multiples apportées à Kiev, tant militaires qu’économiques, et aussi humaines, diplomatiques… La Russie se rapproche plus étroitement de la Chine, dans une alliance de fait contre les Etats-Unis et l’Union européenne. Le reste du monde se polarise. La guerre mondiale a commencé, avec des armes différentes que les deux précédentes. Pour l’instant, sauf sursaut de sagesse.
Cela fait maintenant trois mois qu’avec une admirable régularité et une louable ténacité, le président ukrainien Volodymyr Zelensky pousse au durcissement des mesures contre la Russie, face à des leaders européens pris à la gorge par des opinions publiques que surchauffent leurs propres médias et les déclarations publiques de leurs responsables politiques. La haine du Russe, comme le souligne Marek Halter, se crispe et supplante la réflexion objective, alimentant un rejet et une aversion inverses et potentiellement létales.
Quant aux chefs d’Etat et de gouvernement français, allemand et italien, ils voulaient avoir leur photo à Kiev, et ils l’ont eue… Désignés comme « les mauvais élèves » de l’unanimité occidentale face à Moscou par le président Zelensky, celui-ci n’affichait pas sa meilleure humeur lors de la photo avec ses homologues européens. On l’a connu plus souriant, avec les Américains, par exemple, ou Boris Johnson. Les trois responsables semblent avoir battu leur coulpe et bu la coupe jusqu’à la lie, acceptant tout et le reste. Dangereusement.
La prudence affichée jusque-là par Berlin et Paris a volé en éclats, Emmanuel Macron et Olaf Scholz n’osant même plus penser à une quelconque retenue, s’interdisant désormais toute réflexion, sage au demeurant, sur la nécessité de ne pas humilier Vladimir Poutine, sur le besoin de maintenir des canaux de discussion avec lui qui, acculé, cherche et obtient l’alliance avec le Chinois Xi Jinping, lui-même désireux de reprendre Taiwan. Les alliances se mettent place, évoquant de funestes précédents.
Avant la 1ère Guerre mondiale, l’Allemagne était perçue comme l’ennemi de la France, et inversement, suite à la lointaine guerre de 1870. Les alliances avaient fait le reste. En 1939, l’ennemi était Hitler et l’Allemagne nazie, et là aussi, les alliances ont fait le
reste. Aujourd’hui, deux blocs se font face, les armes à la main, ou à portée de main, les ennemis des uns et des autres étant clairement identifiés, et les deux camps cherchant des alliés dans le monde (souvent par la menace et le chantage).
Pendant ce temps-là, l’Allemagne a annoncé son réarmement (100 milliards d’euros d’une traite, et 2% du PIB par an, soit 70 milliards d’euros). En réaction, la France a annoncé à son tour, et par la voix de son président, une politique de renforcement de ses arsenaux. L’Histoire semble se répéter… Les Européens, Russes, Américains sont macabrement prévisibles, leurs dirigeants les ayant conduits dans des conflits qui ne sont pas les leurs, et pour lesquels ils s’exposent aujourd’hui encore à payer le prix fort, entraînant le reste de l’humanité !!
La guerre a donc commencé, mais pas sur le terrain du Vieux Continent, comme de coutume. La guerre est cette fois économique, plongeant des millions de personnes dans l’insécurité alimentaire et la hausse brutale des prix de l’énergie, et donc de tout le reste, avec risque d’affaiblissement des Etats, fortes probabilités de troubles sociaux et sérieuses perspectives de conflits armés qui éclateraient ici et là. Pour l’instant, les morts sont en Ukraine, mais bientôt, à la prochaine saison, ce sera au tour de l’Afrique de compter les siens.
Sur un autre plan économique, la guerre est déjà en œuvre, car l’objectif des sanctions est de « tuer » la Russie sur les plans industriel, agricole, scientifique et technologique. Vladimir Poutine ne cesse de mettre en garde contre le statut de cobelligérance duquel se rapprochent chaque jour les Occidentaux. Une simple étincelle, qui prendrait la forme de « l’acte de trop », de « la livraison d’armes de trop », et c’est l’explosion générale.
La guerre mondiale a donc déjà commencé, tous ses ingrédients sont là, et la haine mutuelle, l’incompréhension réciproque pour les aggraver. Et comme pour les Guerres mondiales du XXe siècle, tout le monde y perdra, les pays du Sud car mal armés pour se prémunir, se défendre et s’approvisionner, et les pays du Nord car la combinaison des idéologies et des egos occasionnera ses ravages habituels.
Le monde est au bord de la bascule, avec ses incendiaires habituels.
Aziz Boucetta