(Billet  711) – La 9ème ''circo''. ou le  non-événement  français surmédiatisé au Maroc

(Billet 711) – La 9ème ''circo''. ou le non-événement français surmédiatisé au Maroc

La 9ème circo, pour celles et ceux qui n’y sont pas familiarisés, c’est la 9ème circonscription des Français de l’étranger, zone Afrique de l’Ouest francophone et Maghreb. Une élection s’y tient dans quelques jours, pour désigner le nouveau député, ou la nouvelle députée, qui ira siéger à l’Assemblée nationale à Paris. Le sortant – et percutant – Mjid el Guerrab n’a pas été reconduit.

Il y a un étrange engouement pour cette élection, qui concerne un pays étranger, certes « ami et proche » selon le vocabulaire diplomatique, mais étranger quand même. Les médias marocains (essentiellement francophones) multiplient les entretiens avec les candidats, lesquels nous abreuvent de leurs programmes électoraux. Cela va de la Sécurité sociale à la gratuité de l’enseignement français pour les Français, en passant par d’autres promesses ou engagements qui concernent les citoyens français répartis sur une quinzaine de pays de la région.

Ces citoyens sont au nombre de 177.000, dont 120.000 sont inscrits sur les listes électorales, parmi lesquels seul(e)s 17.700 ont voté, ce qui donne un taux d’abstention de 85%, quand même… Mais au Maroc, dans les médias, sur les réseaux sociaux, dans les chaumières, on parle de cette élection. Oh, pas qu’on s’en passionne, mais on en cause.

Le sortant Mjid el Guerrab a été condamné à trois années de prison, dont un ferme, en plus de deux ans d’inéligibilité… cinq ans après les faits, des faits pourtant établis et reconnus ; mais la sentence est tombée quelques jours avant le premier tour. Il avait frappé, avec son casque, par deux fois, le socialiste Boris Faure. Donc exit M. El Guerrab mais pas de panique, il restait des candidats au 1er tour, entre autres l’homme d’affaires Mehdi Reddad, l’avocat Mohamed Oulkhouir, l’ancienne ministre macroniste Elisabeth Moreno ou encore le diplomate Karim Bencheikh. Ce sont les deux derniers qui sont arrivés premiers, et concourront donc pour le second tour. Mme Moreno est franco-cap-verdienne et M. Bencheikh est franco-tunisien, ce qui arrange bien les choses car si on observe la carte officielle de


la circonscription, le Sahara est séparé du Maroc, et un candidat franco-marocain aurait été passablement gêné par la chose…

Et bien évidemment, la question de l’intégrité territoriale du Maroc avait été posée à tous les candidats, avant le 1er tour… Seul Mehdi Reddad avait été clair, affichant une position ferme sur le « Sahara marocain ». Les autres avaient éludé la question, chacun à sa manière, ce qui est de leur plein droit… comme il est du plein droit des Marocains, binationaux ou pas, de considérer cette question comme fondamentale, et d’attendre beaucoup de la France, partenaire historique et ami traditionnel. Et d’être aujourd’hui un chouiya déçus par la neutralité positive de Paris.

Il reste donc les deux candidats que sont Elisabeth Moreno et Karim Bencheikh… L’élection est française certes, mais implique tant de binationaux franco-marocains (le Maroc est le pays abritant le plus de ressortissants français dans la circonscription). Avec chacun d’eux deux, nous avons eu droit au salmigondis onusien… vous savez, la solution « réaliste », de « bonne foi », « mutuellement acceptable », « onusienne », « durable », etc etc…

Elisabeth Moreno est étiquetée « majorité présidentielle » menée par LREM et Karim Bencheikh est investi par la NUPES, la gauche française conduite par LFI de Jean-Luc Mélenchon. Or, en dépit de la sympathie de ce dernier pour le Maroc, sa politique et ses thèses, la gauche française et LFI restent accrochées aux théories d’antan du référendum d’autodétermination, avec une forte empathie pour les gens du Polisario et leurs commanditaires algériens. Quant à LREM, elle est aussi le parti de Clément Beaune, ministre français de choc qui avait regretté la décision de l’antenne marocaine d’ouvrir en 2021 un bureau à Laâyoune.

Les Français de la 9ème circonscription voteront pour qui ils veulent au second tour, mais les Franco-Marocains pourraient réfléchir avant d’accorder leurs suffrages à l’un ou l’autre des deux candidats restants afin de suggérer à la France, une fois élu(e), de sortir du « flou et de l’ambivalence », et de rejoindre les rangs des Etats-Unis d’abord, de l’Espagne ensuite et de l’Allemagne.

Aziz Boucetta