(Billet 710) – Le « mériter mieux » électoral s’est transformé en « payer plus » gouvernemental
Tout le monde, ou presque, a mémoire de ce slogan du RNI durant la campagne électorale de 2021 : « Tu mérites mieux ». Certains y ont cru et voté, d’autres n’ont pas voté pour ne pas y avoir cru, mais personne en réalité ne devait y donner crédit ou suite car tout le monde, aujourd’hui, a vu. Des prix en hausse vertigineuse, sans que le RNI ne fasse mieux que son prédécesseur à la tête du gouvernement. Il fait même pire.
Mais d’abord, une mise au point : les prix augmentent en raison des turbulences que connaît le marché énergétique, du fait de la guerre en Ukraine qui dure et qui s’allonge. Cela, les gens l’ont compris… mais pourquoi, alors que les prix internationaux jouent au yoyo, les prix à la pompe sur nos terres ne suivent pas, gardant toujours le nez pointé vers le haut ? Le « super » à un très ennuyeux 16 DH, avec rien qui permette d’espérer un retour vers des prix « normaux », qui reflètent la réalité des cours à l’international.
Evitons d’être nihilistes et gageons que ce gouvernement fait ce qu’il peut, avec ses nombreuses compétences, même individuelles, même fonctionnant en silo. Des projets sont mis sur les rails, d’autres sont activement préparés… des aides et subventions sont versées à moult secteurs sinistrés par la pandémie passée (on l’espère) dans le monde ou par la guerre actuelle en Europe. Des milliards qui pleuvent ici et là… Mais pour autant, tout cela ne parle pas aux consommateurs, qui n’ont légitimement des pensées que pour leur pouvoir d’achat qui fond et leur mental qui touche le fond.
Et les nouvelles ne sont pas bonnes… Tout porte à croire, en effet, selon plusieurs experts cités par les médias, que le prix du gasoil atteindra 20 DH/litre incessamment ! Encore une fois, la combinaison des conséquences de la guerre, de la politique de l’OPEP+ et de la parité dollar/dirham portent les prix vers le haut.
Ce qui dérange, perturbe et même irrite est cette sorte de tétanisation qui semble frapper le gouvernement. Et ce qui fait gratter la tête est le silence du chef du gouvernement qui devrait, en professionnel du secteur, se présenter devant l’opinion publique et lui expliquer ce qui se produit et
les perspectives à venir. Il serait même nettement meilleur que le chef du gouvernement soit interrogé par des journalistes spécialisés dans le sujet. Mais osera-t-il, causera-t-il ?..
Aziz Akhannouch pourrait ainsi exposer les raisons pour lesquelles il refuse de baisser les taxes entrant dans la composition des prix à la pompe… Il pourrait également répondre une fois pour toutes sur la question de la raffinerie La Samir, condamnée à rouiller au soleil levant et couchant… Il pourrait, pourquoi pas, proposer ou récuser une aide directe aux consommateurs… il pourrait expliquer si oui ou non il appliquera une taxe exceptionnelle sur les grands distributeurs de carburants… il pourrait, enfin, aborder la question de sa préférence des équilibres financiers publics au détriment des équilibres financiers, et mentaux, des particuliers.
L’opinion publique marocaine a montré qu’elle peut accepter des sacrifices, ainsi qu’elle l’a fait durant la crise Covid. Elle a consenti des efforts, entériné les décisions de confinement puis de reconfinement dans les chaumières, de fermeture puis de refermeture des frontières… Il faudrait seulement lui parler, lui expliquer, tenter de la convaincre de politiques à venir ou même se présenter devant elle pour un sonore « Allah Ghaleb ! »…
Mais reprocher au PJD sa politique de décompensation de 2015 relève d’une préoccupante immaturité politique, surtout que le RNI était aux affaires en 2015 et tenait même bien en main les départements économiques du gouvernement. Se taire et faire comme l’autruche est décidément un exercice politiquement hasardeux et socialement périlleux car les commentateurs et les consommateurs – qui aujourd’hui se confondent – se rappellent alors de l’ancien métier exercé par le chef du gouvernement… Pire, le Conseil de la Concurrence attend toujours la copie dudit chef, telle qu’elle a été demandée par le chef de l’Etat à son prédécesseur…
Résumé : les prix des carburants (et donc du reste) montent sans que le gouvernement ne plafonne les prix, ni ne verse de subventions directes aux consommateurs, ni ne s’exprime sur les perspectives à venir, ni ne s’explique sur le cas La Samir, ni n’envisage de taxer provisoirement et exceptionnellement les distributeurs, ni que son chef n’ait le courage et la courtoisie de venir expliquer sa politique en la matière.
Ce n’est pas cela, « mériter mieux » ! Absolument et définitivement pas.
Aziz Boucetta