(Billet 707) – En football, le Maroc grand chez lui et en Afrique, petit ailleurs…
Le Maroc est-il une nation de football ou pas ? Vaste question aux réponses multiples et variées. On peut dire que le Maroc entretient une relation particulière avec son équipe nationale, et aussi, quoique dans une moindre mesure – exception faite de quelques grands clubs –, avec ses équipes locales. Et on peut soutenir également l’idée que le sport au Maroc, à l’instar de plusieurs pays, est devenu un outil de soft power.
A défaut d’être considéré comme un grand pays de football dans le monde, le Maroc l’est du moins en Afrique. Comment cela se peut-il alors même que nos nationaux n’ont remporté qu’une seule Coupe d’Afrique dans leur histoire, en 1976, avec des règles plus souples qu’elles ne le sont aujourd’hui ? Et non seulement on n’a remporté aucune Coupe depuis près d’un demi-siècle, mais nous sommes presque toujours éliminés dans les stades préliminaires, peut-être un huitième de temps en temps, un quart de loin en loin…
C’est plutôt au niveau des clubs, des moyens consentis et du public que le Maroc est tenu pour une grande nation de football. Nos clubs locaux brillent à l’extérieur, Berkane depuis peu mais les deux clubs casablancais que sont le WAC et le Raja plus souvent, presque toujours. On les retrouve invariablement dans les grandes compétitions continentales, où ils remportent souvent des titres. Les rémunérations des joueurs, sans commune mesure avec les sommes faramineuses versées en Europe, sont intéressantes, du moins en comparaison avec le niveau de vie national. Cela n’empêche pas les nôtres de briguer des ailleurs plus rémunérateurs.
Concernant le public, le football national est suivi par des centaines de milliers de spectateurs, les inévitables et incontournables fans certes, mais aussi la foule des « occasionnels » qui suivent leurs équipes (nationales ou locales) avec un sentiment de patriotisme assez haut. Les tifos organisés dans les stades, à l’occasion principalement des matchs où jouent le WAC et le RAJA, sont parmi les meilleurs au monde, rivalisant avec leurs correspondants européens des plus grandes équipes. Un chant a même été créé par le public casablancais, fort contestataire mais exportable et fort exporté aussi (fi bladi delmouni).
Quant aux moyens, ils sont importants, puisque le Maroc dispose d’une fédération qui engloutit chaque année près de 700 ou 800 millions de DH, plus pour les années de grandes compétitions continentales, ou mondiale. Les clubs les plus riches, ou les plus dotés, comme les deux rivaux de Casablanca, gravitent entre 100 et 150 millions de DH. Pas
grand-chose en comparaison à l’Europe certes, mais à l’échelle nationale, c’est considérable. Une économie du football se crée.
Sur le plan politique, force est de constater que l’actuel président de la Fédération fait le job. Certes suffisant et volontiers condescendant, Fouzi Lekjaâ a néanmoins réussi à être élu dans cette incontournable instance continentale qu’est la Confédération africaine de football qui, avec ses 54 Fédérations nationales, est considérée comme une faiseuse de rois à la FIFA. Les Marocains, à force de lobbying, ont ainsi fait élire l’ancien président de la CAF, le Malgache Ahmad Ahmad, puis son successeur, élu à Rabat, le Sud-Africain Patrice Motsepe, actionnaire de l’assureur Sanlam, actionnaire principal du Marocain Saham, et proche parent du chef de l’Etat africain, ce qui en termes d’influence diplomatique n’est pas rien… Fouzi Lekjaâ a même réussi le tour de force d’accéder au gouvernement tout en étant président de la Fédération, une chose supposée être une hérésie au regard de la FIFA. Mais la FIFA de Gianni Infantino n’a plus rien à refuser au bon M. Lekjaâ… sauf le Mondial ! En effet, si le Maroc fait autorité en Afrique, il n’en va pas de même à l’international où une demi-dizaine de candidatures pour l’organisation d’un Mondial ont toutes échoué
Enfin, sur l’organisation, le Maroc se défend bien aussi. Ainsi de la sécurité dans et hors des stades, généralement maîtrisée, sauf parfois des dérapages dus à des erreurs de gestion des flux ou à une excellente organisation des fans turbulents. Souvent, les images de courses-poursuite dans les villes relèvent plus d’une stratégie policière convenue que de débordements, qui ont lieu parfois : l’idée est de « disperser les foules et non encercler une troupe adversaire », déclare un haut responsable de la police nationale.
Le seul hiatus est ce qui ressemble à un manque de confiance des dirigeants marocains pour les nationaux du cru… Une équipe nationale composée en majorité de jeunes évoluant à l’étranger ne signifie pas que ces jeunes ne soient pas marocains, mais veut dire que les locaux ont moins de chances et d’opportunités de briller. Et en 60 ans, nous n’avons toujours pas été en capacité de former des sélectionneurs marocains dignes aux yeux des responsables de prendre en charge l’équipe nationale…
Puisque, de toutes les façons, le Maroc ne brille pas dans les Mondiaux, autant confier notre équipe à des nationaux et à des joueurs locaux. Mais la question fait polémique… ALors, le Maroc, grande nation du football ou non? Polémique.