(Billet 703) – Ces mesures demandées par le roi, et qui attendent toujours !
A lire la constitution et à convoquer nos traditions, on sait que le roi dispose d’un pouvoir exécutif considérable et qu’il décide des grandes orientations de la politique générale et de la conception et l’application de certaines politiques publiques. Et quand il donne ses instructions pour telle ou telle mesure, elle est généralement mise en œuvre par le gouvernement, à travers tous les canaux réglementaires et législatifs que prévoient les textes.
Or, il se trouve que plusieurs de ces instructions sont restées lettre morte à ce jour, en raison semblerait-il de négligences ou antagonismes, tergiversations ou procrastinations gouvernementales. Et voici un aperçu de décisions/recommandations royales, qui attendent toujours de trouver leur chemin vers la concrétisation et qui changeraient radicalement, une fois appliquées, la vie des Marocains.
1/ L’avortement. Le 15 mai 2015 (sept années, donc…), le roi Mohammed VI recevait les anciens ministre Mostafa Ramid et président du CNDH Driss el Yazami avec le toujours ministre Ahmed Taoufiq, et leur demandait de mettre en place des dispositions juridiques pour faire avancer la question de l’avortement. Le roi a certes prévu des limites à ces dispositions à venir (respect de la religion, prise en compte de l’Ijtihad et considération des évolutions de la société), mais toujours rien, alors que trois chefs de gouvernement se sont succédé depuis, Ssis Benkirane, Elotmani et Akhannouch.
L’actuel ministre de la justice Abdellatif Ouahbi en a bien parlé, un jour de novembre 2021, le Code pénal a bien été retiré du circuit parlementaire, mais aucun débat de société connu n’a été mené, ou autre action du même type…
2/ La spoliation des biens fonciers. Début 2016, le ci-devant ministre de la Justice, toujours Mostafa Ramid, rappelle la lettre royale qui lui a été adressée, concernant la spoliation immobilière. En voici un extrait : « (Ce) phénomène dangereux sévit de façon spectaculaire et nécessite une réponse rapide et ferme afin d’éviter ses répercussions négatives sur l’état et l’efficacité de la loi dans le maintien des droits », ainsi que sur le droit de propriété garanti par la Constitution. Globalement, il s’agit de ce qu’on peut aisément appeler une « mafia » dont les prédateurs de membres se jettent sur des biens immobiliers appartenant à des héritiers ou à des personnes vulnérables.
Le roi avait demandé en 2016 une « réponse rapide »… Il semblerait
que le gouvernement ne se complique pas trop le concept de rapidité, bien qu’il s’agisse de questions existentielles pour tant de nos concitoyens (et parfois aussi des étrangers).
3/ La réforme du Conseil de la Concurrence. Le 22 mars 2021, le roi avait nommé Driss Rahhou à la tête de ce Conseil, lui demandant de transmettre au chef du gouvernement les recommandations de la commission ad hoc que le chef de l’Etat avait chargé de l’investigation sur les confusions du Conseil dans l’affaire des ententes présumées entre distributeurs d’hydrocarbures. Le chef du gouvernement devait remédier aux imprécisions du cadre légal actuel du Conseil, aux fins de renforcer l’impartialité et les capacités de cette institution, conforter sa vocation d’instance indépendante pour améliorer la protection du consommateur.
On ne sait si c’est le président du Conseil qui a tardé à saisir le chef du gouvernement ou si c’est celui-ci qui, avec sa confortable majorité, gagne du temps (ou en perd). Mais on sait que les prix des hydrocarbures ont explosé et que les gens s’interrogent, s’impatientent, et parfois même s’énervent… Le retard est inexplicable et, au vu de l’ancien métier du chef du gouvernement (qui faisait partie de l’ancien Exécutif), il peut aussi être préjudiciable quant à la confiance du consommateur.
4/ La souveraineté et la sécurité stratégique. Lors de son discours d’ouverture de la session parlementaire en octobre 2021, le roi avait eu une prémonition. Quatre mois avant la guerre en Ukraine, il avait appelé à créer, en priorité, « un dispositif national intégré ayant pour objet la réserve stratégique de produits de première nécessité, notamment alimentaires, sanitaires et énergétiques et à la mise à jour continue des besoins nationaux en la matière ». C’était là le premier volet sur les trois développés par le roi, d’où la priorité. Aujourd’hui, les stocks sont rachitiques, l’insécurité pour les céréales et les hydrocarbures s’aggrave et, à moins que cela ne soit tenu coupablement secret, la réserve stratégique ne fait pas partie des priorités du gouvernement.
Nous serions légitimes de nous interroger sur le rôle du ministre de la Convergence et de l'évaluation des Politiques publiques... Neuf millions d’électeurs s’étaient déplacés aux urnes ce 8 septembre 2021, ayant entendu et peut-être même cru, qu’ils méritaient mieux. Ils voudraient, nous voudrions, tant y croire…
Aziz Boucetta