(Billet 685) – Un remaniement en trompe l’œil, en leurre, ou les deux !

(Billet 685) – Un remaniement en trompe l’œil, en leurre, ou les deux !

Ainsi donc, six mois après la formation du gouvernement, voilà qu’on parle déjà de remaniement. Bien évidemment, la question a été soulevée au travers de médias, plus ou moins proches du chef du gouvernement, ou bienveillants à son égard. Pourquoi un remaniement ? Pourquoi si tôt ? Qu’est-ce qui ne marche pas dans cet attelage pourtant truffé de compétences individuelles ?

On parle donc de 6 à 8 ministres éventuellement partants, soit du quart au tiers de l’effectif gouvernemental, on glose sur l’efficacité ou le manque d’efficacité, on suppose que l’affaire serait réglée durant ce mois de ramadan. On dit tellement de choses, et on dément tellement peu. Mais est-ce vraiment surprenant de la part d’un gouvernement qui ne commente rien, et ne dit pas plus ? Déjà, un premier couac était intervenu avec le départ de la ministre de la Santé qui n’était restée en fonction qu’une petite semaine…

Un remaniement alors, après seulement six mois, est-il souhaitable ? La supposition est-elle crédible ? Tout peut arriver certes, mais quand « l’information » arrive de certains organes médiatiques connus pour leur proximité, voire même leur sympathie à l’égard du chef du gouvernement, on peut penser qu’il ne puisse s’agir que, au mieux, d’un ballon d’essai, et au pire, qu’un artifice pour détourner l’attention face aux augmentations des prix et autres préoccupations citoyennes.

Que reproche-t-on, vaguement, à ces 6 à 8 ministres du gouvernement Akhannouch ? Un rendement faible et aussi une lenteur dans la mise en place ou en œuvre de leurs programmes. Cela, on l’avait remarqué… Certains ministres, comme Chakib Benmoussa à l’Education nationale (entre autres) ou Mehdi Bensaïd à la Culture (entre aussi) vont vite et bien, déclinant leurs ambitions et passant immédiatement à leur concrétisation, ou au moins à l’entame de cette concrétisation. Il y a aussi Ryad Mezzour à l’Industrie, où il officiait déjà du temps de Moulay Hafid Elalamy et qui connaît bien son secteur. Nadia Fettah Alaoui, aussi, aux Finances… Plus, bien évidemment, les ministres de souveraineté qui font le job, à leur manière, sans se soucier de médias ou même de leur chef de gouvernement…

Et puis il existe une autre catégorie de ministres, qui fleurissent au sein de ce gouvernement, mais qui sont connu(e)s soit par leur silence et/ou discrétion, soit se sont fait connaître par des polémiques...

concernant des proches, éventuellement, ou une certaine cacophonie dans la mise en place de certaines politiques de relance ou certaines pratiques de gouvernance.

En réalité, ce qui semble gêner le gouvernement et son chef est cet amoncellement de crises ou questionnements auxquels les ministres, et leur chef, ne répondent pas, ou peu, ou mal. Procéder à un remaniement est une solution, mais faire croire qu’on procèderait éventuellement à un remaniement est encore mieux, de nature à doper les « tortues » et/ou les « autruches », à « montrer » qu’on est à la hauteur… et à gagner du temps.

Aujourd’hui, Aziz Akhannouch prend la mesure de la tâche qu’il ambitionnait depuis ces dernières années. Ayant atteint son objectif, il comprend que le plus difficile reste à faire, surtout quand une sécheresse ruine les ambitions céréalières, quand une crise sanitaire a laissé tant de ravages et de dommages, quand une guerre éclate pas très loin et menace de près la sécurité alimentaire et énergétique.

Alors, pour donner des gages à une opinion publique passablement irritée car valablement soumise à une tension de plus en plus forte sur les prix, le chef du gouvernement (toujours anormalement silencieux…) décide, ou laisse planer, la possibilité d’un remaniement, montrant par la même occasion qu’il sait se montrer intraitable lorsqu’il le faut. Mais depuis quand un remaniement contribue-t-il à semer les graines de la confiance au sein d’une population plus qu’inquiète ?

Le silence, jusque-là observé par le chef du gouvernement et les platitudes émises par son porte-parole Mustapha Baitas ont déjà occasionné leurs dégâts, difficilement surmontables à l’aune d’une crise multidimensionnelle qui s’annonce rude. L’amalgame (injustement) fait entre le renchérissement des prix de carburants et l’ancien métier du chef du gouvernement n’arrange pas les choses.

Alors, dans ce cas, occupons l’opinion publique par un possible et trop prématuré remaniement, qui risquerait de créer plus de problèmes qu’il n’en résoudra. Car le problème de ce gouvernement est que, bourré de talents individuels, il manque singulièrement d’intelligence collective, les ministres fonctionnant en silos plus qu’en réseau, dans le cadre d’un silence troublant du ministre Jazouli, en charge de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques !

Et tout cela, en plus d’un manque flagrant de communication et d’explication, compliquera encore plus qu’elle ne l’est la tâche de M. Akhannouch. Remaniement ou pas.

Aziz Boucetta