(Billet 673) – RNI, à peu près un congrès…

(Billet 673) – RNI, à peu près un congrès…

Le RNI compte désormais… Il est en effet le premier parti du royaume, loin devant ses compétiteurs, si l’on s’en tient évidemment aux résultats électoraux, et il est aussi conséquemment le chef de la majorité resserrée qu’il a réunie autour de lui. Ce week-end, le parti dont le chef est aussi le chef du gouvernement, tenait congrès… qui souligne l’avènement du parti mais qui se trouve être un non-événement.

Être le premier parti d’un pays qui se veut démocratique et fondé sur ses institutions crée des droits, comme celui de diriger le gouvernement, mais des devoirs, comme celui de participer à la vie politique du pays et d’en être la locomotive, et pas seulement un cumul de diapositives, ce que semble avoir été ce congrès.

La preuve ? Interrogez quelqu’un parmi les rares populations qui s’intéressent (encore) à la politique dans le pays… interrogez-le sur ce qui s’est passé lors de ce congrès, s’il en a suivi les péripéties (si péripéties il y eut, bien évidemment…), s’il peut rapporter un échange, une idée, une position, voire même une opposition… Les plus perspicaces et les plus curieux vous répondront qu’Aziz Akhannouch a été reconduit à la tête du parti, et c’est tout même si c’est normal ! Demandez la même chose à un cadre du RNI, qui soit véritablement militant… Il vous répondra, heureux, la main sur le cœur puis les mains en cœur que « nous avons tenu le congrès dans les temps légaux », ce qui est heureux pour le parti du chef du gouvernement, et il ajoutera aussi, l’œil brillant et un petit trémolo forcé dans la voix que « nous avons reconduit notre président », ce qui ne saurait émouvoir le plus bienveillant des observateurs…

Le temps fort du congrès d’un parti qui dirige le gouvernement, et donc en principe le pays (hormis la défense, la diplomatie, la sécurité, les affaires religieuses…), est le discours de son président. Et ce temps fort s’est avéré être un temps mort. Un autosatisfecit récurent, une énumération chiffrée (plutôt courte) de l’action gouvernementale, une réponse il est vrai courtoise aux attaques, le sempiternel « on cause pas beaucoup parce qu’on travaille beaucoup »… mais rien de solide de ce que l’on pourrait attendre d’un chef de gouvernement confronté à une sécheresse ravageuse, à une effroyable et effrayante flambée


de prix, de tous les prix, à la singulière difficulté de sortie d’une crise sanitaire, au dangereux risque d’une déflagration militaire à côté de nous…

M. Akhannouch a dit ce qu’il pensait devoir dire, et répété ce qu’il a coutume de répéter, mais il n’a pas été convaincant… Il a martelé que son parti a basculé de la « voie de la confiance » à la « voie du développement », ce qui est certes joli, mais il n’a pas compris que son parti, désormais premier, est sous les feux de rampe et qu’il doit basculer du « parti de l’administration » qu’il est réputé être à un véritable parti politique qu’il doit devenir.

Et pour cela, le chef du gouvernement doit aller au contact, lui-même, et ne pas envoyer au charbon ses militants à qui il a enjoint d’aller vers les citoyens plutôt inquiets, possiblement énervés. Aziz Akhannouch lit ce qu’il a à dire, prépare soigneusement (et fort prudemment) ses sorties médiatiques, ou publie des communiqués sur ce qu’il fait ou aspire à faire ; ce n’est pas suffisant. Un exemple est apporté par son (court) passage sur les femmes, à l’occasion du 8 mars… Il a ronronné sur les effectifs des femmes élues ou ministres au nom du RNI, comme si c’était cela, la parité ! Rien donc sur cette parité ou sur l’Autorité de la parité, rien sur l’égalité de traitement hommes/femmes, rien sur la problématique de l’héritage ou des retraites, rien sur le taux d’activité des femmes…

En ces temps troubles et difficiles, Ssi Akhannouch doit débattre, se confronter à ses opposants, accepter les questions dérangeantes, spontanément et publiquement, et ne plus se suffire de ses vérités assénées et si peu convaincantes. Il doit donner le sentiment réel aux Marocains qu’ils ont un gouvernement qui gouverne, qui décide, qui ose et propose. Il est tenu de changer la perception de l’opinion publique sur sa personne et son gouvernement. Il gagnerait à ne pas se contenter de la méthode Coué et de l’autocongratulation, et serait grandi en renonçant aux propos aussi pontifiants que lénifiants.

Le chef du gouvernement doit comprendre que ne rien dire, dire des évidences ou mal dire le reste est susceptible d’ajouter aux grands problèmes déjà énumérés celui de l’insatisfaction populaire, voire du rejet.

Aziz Boucetta