(Billet 625) - Trois semaines de suspension !... Dura Luxe, Sed Luxe
La HACA a tranché, et elle a tranché à la hache ! Elle a décidé voici quelques jours de suspendre l’émission à succès « Les Matins Luxe » pour une période de trois semaines. 21 jours, 15 émissions ! On ne discute pas les décisions de la HACA, mais on peut au moins dire que la sentence laisse le temps de discuter entre nous…
On attribue à Voltaire cette sentence, qui dit que « je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ». Jusqu’à la mort, peut-être pas non plus, mais au moins jusqu’à prendre le mors aux dents. Que s’est-il donc passé pour faire taire des gens qui discutent tous les matins de sujets et d’autres, d’une manière ou d’une autre, d’ici et d’ailleurs, de bonne ou de mauvaise humeur ?
Le 18 octobre, le gouvernement décide d’instaurer un pass vaccinal pour accéder à à peu près partout. Sans pass, la vie trépasse. Dans son immense mansuétude, le gouvernement accorde deux jours de délai, mais c’est sans doute par distraction qu’il oublie que lesdits deux jours sont fériés. Bien évidemment, les gens ne sont pas contents, et pas seulement les non vaccinés, auxquels se sont ajoutés ceux qui ont reçu leurs deux doses, car ils voient dans cette mesure une velléité liberticide. Jusque-là, les choses coulent normalement, nous avons l’habitude de ce genre de pratiques…
Puis, ce jeudi 21, les Matins Luxe programment un débat sur la question. Liberté ou non ? Vaccination ou pas ? Droit d’imposer ou devoir de proposer ? Le débat entre Rachid Achachi et l’auteur de ces lignes se poursuit, avec un zeste d’énervement de la part du premier qui, dans un excès de langage, laisse sa parole devancer sa pensée et franchit le point Godwin en dressant une comparaison avec les mesures liberticides des nazis en Allemagne, évoque l’étoile jaune de funeste mémoire.
En avait-il le droit ? Oui, car ce n’est pas interdit d’évoquer cette sombre période de l’histoire de l’humanité… mais ce qui n’est pas interdit n’est pas forcément correct car ce qui n’est pas interdit peut être outrancier, ou amoral, ou non éthique et, pour tout dire, inesthétique. La Commission scientifique, se sentant offensée, veut agir, mais la radio a décidé de réagir : quelques jours
après, Rachid Achachi lit un communiqué où il maintient sa pensée opposée à la forme de la mesure gouvernementale, mais retire ses propos polémiques et s’en excuse, une fois, puis deux… Le soir même, la HACA décide de se saisir de l’affaire et une semaine plus tard, la sentence tombe, et le couperet avec. Mais nous ne le discutons pas, la HACA est souveraine et ses décisions sont… ses décisions.
Pour autant, il est normalement permis de poser des questions, de se les poser bien évidemment, en toute prudence, toutes lumières éteintes et tous volets fermés… Face à un gouvernement plutôt muet, doit-on se résigner au Grand Silence ? Suite à une décision prise à l’emporte-pièce, dans la forme, doit-on se résoudre à appliquer sans même envisager de répliquer ? Et, au-dessus de tout, par-dessus tout, cette question existentielle : a-t-on le droit à l’erreur (quand on n’est pas au gouvernement) ? Que valent les excuses ? Que valent des excuses dans un pays où rares sont les personnes qui acceptent d’en présenter ? Des excuses ne valent-elles pas le droit à une sanction « douce » ? Ne dit-on pas qu’une faute avouée est à demi pardonnée ? La Nation n’est-elle pas clémente et miséricordieuse, comme on le dit ?
Et puis, autre question, peut-on légitimement appliquer dans toute sa rigueur la loi contre une radio qui serait chouiya sortie des clous, malgré ses excuses, alors même que dans les réseaux sociaux, le fameux point Godwin est pulvérisé, les médias y étant copieusement traités de « fachos » et leurs collaborateurs de tous les noms d’oiseaux et même de poissons ? En toute impunité.
Comment demander à un chroniqueur, un commentateur, un analyste d’être dans la juste mesure – et quelle est la juste mesure ? – alors que les contrôleurs peuvent dépasser les mesures ? Ai-je le droit d’écrire ces lignes ? A-t-on le droit de constater, puis de bredouiller, que là où la HACA va très vite, ce qui l’honore, d’autres institutions constitutionnelles traînent le pas, à raison ou à tort ?...
C’est avec la liberté de s’exprimer qu’un pays avance et en cas de lutte militante, on ne peut battre les arguments que par des arguments meilleurs, et non en distillant des mesures qui instillent la frayeur. En campagne électorale, le RNI nous avait dit que nous méritions mieux. On attend toujours.
Aziz Boucetta