(Billet 619) – Sahara-ONU : Bourita OK, Laamamra KO
Un petit suspense, tout de même, pour pimenter la chose… L’adoption de la résolution 2602 ce vendredi 29 octobre par le Conseil de sécurité, par 13 voix pour et l’abstention des Russes et des Tunisiens, est l’aboutissement de 48 heures de fines tractations, de petites pressions et de quelques autres menues manipulations. Puis le texte a finalement été voté, sans modification par rapport à la mouture proposée l’avant-veille. Depuis, les Marocains sont vent debout contre les dirigeants algériens qui, eux, sont KO debout !
Désormais coutumier de petites phrases percutantes, Nasser Bourita vient d’en produire une autre : « Le problème n’est pas entre l’Algérie et le Maroc, le problème est entre l’Algérie et la communauté internationale » ! Et c’est vrai. En effet, avant le vote du Conseil de sécurité, la diplomatie algérienne avait cru pertinent de signifier par écrit au président du Conseil et au patron de l’ONU son refus du format tables rondes. Et après l’adoption du texte qui a tout simplement ignoré les protestations algériennes en retenant ledit format, la diplomatie algérienne s’est fendue d’un communiqué où elle rejette la résolution, la considère déséquilibrée, revient aux termes d’une résolution trentenaire, se fait plaisir en qualifiant copieusement le Maroc de puissance occupante, enjoint au nouvel Envoyé de faire ce qu’elle veut, comme elle veut et comme elle l’entend, et menace la communauté internationale d’une déstabilisation de la région !!
Nous sommes vendredi, donc, et en Algérie, Alger pleure. Le mythe d’invincibilité de Ramtane Laamamra a volé en éclats, ce même M. Laamamra revenu aux affaires en juillet pour en découdre avec Nasser Bourita, au point que cette réunion du Conseil de sécurité et la résolution qui en était attendue étaient devenues une sorte de confrontation directe entre le Marocain et l’Algérien, deux hommes aux styles si différents…
Là où Nasser Bourita argumente, droit en bandoulière, Ramtane Laamara éructe, la lippe mauvaise et la langue acérée… Quand Nasser Bourita cajole ses contacts, Ramtane Laamara insulte et manque de tact. Au Maroc, l’armée obéit aux ordres alors qu’en Algérie, l’armée en donne. Lorsque M. Bourita cause clarté, principes et pragmatisme, M. Laamamra glose sur les crimes du colonialisme et les ratages de la décolonisation ; l’un se projette dans le futur, l’autre se fige dans le passé, l’un essaie de convaincre, l’autre ne voit pas d’autre solution que celle de vaincre…
Assommée par le contenu
de la résolution 2602, la diplomatie algérienne a publié 36 heures après son adoption un communiqué hallucinant… hallucinant car rejetant en bloc, et en colère, le texte de la résolution, tout en brandissant ce qu’elle appelle sa neutralité ! Ramtane Laamamra dit, dans sa réaction, que le nouvel Envoyé personnel Staffan Di Mistura doit revenir aux termes de la résolution 690 de… 1991 ! Les Algériens montrent ainsi leur difficulté à appréhender le monde d’aujourd’hui pour et dans ce qu’il est, souhaitant ramener ce même monde à ce qu’il était quand l’URSS existait toujours, quand Emmanuel Macron et Pedro Sanchez étaient encore adolescents, quand Boris Johnson achevait à peine ses études, quand MBS avait 6 ans, quand Windows était inconnu, que le web était encore confidentiel, que Google n’existait pas encore et que seules 100 personnes dans le monde avaient un téléphone portable…
Dans leur communiqué, les Algériens menacent le monde de la déstabilisation d’une des régions les plus remuantes au monde, le Sahel ! Comment une diplomatie responsable peut-elle donc rejeter en bloc une décision collective, contre laquelle même ses propres alliés ne se sont pas opposés, sinon du bout des lèvres ? Comment peut-elle donc menacer de guerre le Conseil de sécurité de l’ONU ?
Les dirigeants algériens accusent le Maroc de tout et de rien, de tous leurs malheurs et revers de fortune. Les dirigeants algériens ne distinguent plus l’argument du boniment, le ridicule du burlesque, et le grotesque de la haine… Cette haine qui les a éloignés de Paris pour l’éternelle et très mal gérée question mémorielle, cette haine qui inquiète tant les Espagnols après la décision d’Abdelmajid Tebboune de couper le transit de gaz vers l’Espagne via le Maroc, cette haine qui a énervé le pourtant très placide Vladimir Poutine, cette haine qui, finalement, leur a valu le terrible coup de massue d’une communauté internationale passablement excédée.
La résolution 2602 ne consacre pas une quelconque victoire du Maroc, qui n’en cherche pas ; elle lui permet juste d’affirmer la légitimité de sa thèse et de confirmer la pertinence de son argumentaire. Le tumulte névrotique venant de l’est ne saurait l’éloigner de sa voie… et comme le dit un diplomate averti et avisé, le Covid algérien montre qu’il peut entraîner de profondes lésions cérébrales chez ceux qui l’ont contracté, en dépit des soins en Allemagne ou en Espagne.
Aziz Boucetta