(Billet 609) – L’Etat RNI

(Billet 609) – L’Etat RNI

Finalement, nous y sommes… Avec l'élection des 120 conseillers de la Chambre du même nom, l’ensemble des institutions représentatives de l’Etat sont désormais soit RNI, soit largement dominées par le RNI. Le parti présidé depuis 2016 par Aziz Akhannouch devance largement ses adversaires et aussi ses alliés, ce qui lui accorde la pleine latitude sur ses futures politiques. Cela lui créera néanmoins des contraintes car il n’aura aucune excuse en cas d’échec.

Lorsque, durant la campagne électorale et même avant, on interrogeait un responsable du RNI sur la raison de ne pas avoir fait ce qu’il propose pour 2021 et après, alors qu’il siège au gouvernement pratiquement sans discontinuer depuis un demi-siècle, la réponse était invariable : « Nous n’étions pas seuls aux commandes ». Soit, maintenant, ils le sont. Largement et incontestablement.

L’électorat a fait confiance au RNI et le chef de l’Etat a accordé la sienne à son président. Et la proximité personnelle que l’on prête au nouveau chef du gouvernement avec le Roi lui créera des obligations, dont celle du résultat et de la probité.

C’est de fait la première fois dans l’histoire politique récente du royaume qu’un parti détient un tel pouvoir. L’Etat RNI, pourrait-on dire… Durant la décennie écoulée, nous aurions pu en dire autant pour le PJD, mais ce serait inexact, car cette formation avait pu former des majorités avec des partis qui ne lui étaient pas forcément loyaux, qui lui étaient même hostiles. L’Istiqlal avait quitté l’attelage gouvernemental en 2013 et depuis, avec le RNI, il y avait toujours et invariablement des sources de discorde, des heurts, des conflits et de très sérieux antagonismes. De plus, en 2011, le PJD ne présidait aucune commune d’importance et en 2015, il n'avait pu conquérir que deux présidences de région et ne disposait pas de majorité à la Deuxième Chambre.

En outre, le PJD et ses chefs et autres cadres n’ont jamais vraiment été acceptés par la classe politique qui ne voyait pas d’un bon œil ce parti sorti de nulle part rafler la mise et dominer les autres. Les chefs politiques refusaient de croire en le leadership d’Abdelilah Benkirane puis, après, en celui


de Saâdeddine Elotmani. Politologues et historiens se pencheront plus tard sur cette question, et surtout sur les réponses…

Aujourd’hui, Istiqlal et PAM semblent follement heureux de rejoindre M. Akhannouch au sein de sa majorité et comme le hasard fait bien les choses, et pour que l’ordre règne, l’ordre de classement est partout respecté… A la Chambre des représentants, à celle des Conseillers, dans les régions et les communes, c’est toujours le même podium : le RNI loin devant, suivi par le tandem du PAM et de l’Istiqlal.

La majorité formée par le RNI est très solide car les deux autres partis qui la composent, PAM et PI, ne sont pas nécessairement « amis » et que si l’un devait avoir une divergence avec M. Akhannouch, ce dernier n’aurait aucun mal à le remplacer en le plongeant dans les limbes anonymes d’une terne opposition, et de le remplacer par un autre. Et personne n’aime les ténèbres…

Alors, quoi faire maintenant ? Il serait erroné de penser que la seule tâche du RNI imperator serait d’assurer la croissance, de rosir les performances et d’embellir les chiffres... Car pour assurer des résultats économiques probants qui s’inscrivent dans la durée et soient irréversibles, c’est toute la société qui devra changer, accordant plus de droits aux femmes et respectant davantage les droits, tout court, bannissant les rentes et promouvant l’effort, assurant une éducation égalitaire et de bonne facture et une santé publique sans fractures. Le parti libéral qu’est le RNI doit asseoir les libertés publiques et les libertés individuelles, sans lesquelles une population ne peut véritablement s’émanciper.

Et c’est là que la question de l’idéologie devra se poser pour le RNI, tôt ou tard, et plus tôt que tard car il faut penser la société et non seulement créer et faire prospérer des entreprises. Une prospérité collective ne saurait se créer hors de la richesse mentale et morale de ses membres.

Le RNI dispose aujourd’hui de tous les leviers et de pratiquement aucune opposition. Les Marocains, tous les Marocains, absolument tous, d’ici ou d’ailleurs, d’en haut et d’en bas, l’attendent au tournant qu’il devra convenablement négocier pour parer à tout risque de dérapage...

Aziz Boucetta