(Billet 411) – Au RNI, les certitudes coulent mais la colombe roucoule

(Billet 411) – Au RNI, les certitudes coulent mais la colombe roucoule

Comme les autres partis, le RNI se prépare aux élections 2021, et comme dans les autres partis, les préparatifs se font d’abord dans les appareils internes, et prennent la forme d’échauffement… des esprits. Au RNI, une guerre feutrée est lancée entre les « rebelles » qui s’en prennent au président Aziz Akhannouch et Aziz Akhannouch qui, avec ses amis et son appareil, tacle les « rebelles ». On frémit déjà à la perspective des passionnants débats philosophiques qui s’annoncent…

Cette histoire commence au lendemain des législatives de 2016, quand le RNI, sévèrement battu, tangue. Salaheddine Mezouar, le président sortant, sort dignement et le parti, couvert de bleus électoraux, se trouve promptement un autre président, Aziz Akhannouch. Celui-ci, milliardaire de son état et en même temps grand commis de l’Etat, se fait élire chef le 29 octobre. Akwa bon, disait-on ? Pour remettre le RNI en ordre de marche, et le structurer, et on allait voir ce qu’on allait voir, et on a vu.

Et de fait, sur les quatre années qui suivirent, le parti fut géré comme une entreprise, adoptant les techniques managériales d’une société florissante. Les processus de prise de décisions furent standardisés, les rouages révisés, les instances étroitement supervisées et les « frondeurs » personnellement visés. Le RNI s’est doté de nouvelles armes, certes, mais y a certainement perdu son âme, de récente naissance.

Fondé en 1978 par Ahmed Osman, le parti du « beau-frère » du roi a mis quelques décennies à se défaire (un peu) de cette étiquette qui lui collait comme le sparadrap du capitaine Haddock, celle du « parti de l’administration ». Pour cela, M. Osman a mis le temps, son successeur Mustapha Mansouri a remis un zeste d’autonomie, puis Salaheddine Mezouar s’est permis un peu de politique… et enfin, Aziz Akhannouch est venu, en grand équipage, et a mis l’argent et l’entregent.

En un mot comme en cent, le président actuel a indéniablement des qualités d’organisateur, mais pas de politique. Porté par son « assurance du milliardaire », il ignore les coups portés sur sa personne, et ne comprend pas que cela agit aussi sur l’âme de son parti. Le long blocage politique qui lui avait été, justement, attribué en 2017, puis le rude boycott de son entreprise en 2018, et aujourd’hui encore, l’épée de Damoclès du Conseil de la concurrence… Rien n’y fait, cet homme a une carapace en


kevlar, qui le protège mais, en même temps, empêche un réel contact avec les gens et même du tact avec moult dirigeants. Et c’est là son problème.

On pourrait lui appliquer la formule gaullienne : « son problème, c’est le peuple », et y ajouter « … et les anciens » qui n’ont jamais accepté sa survenue, sentant bien que cela serait un renouveau de soufre que traînerait et entraînerait avec lui le magnat (de la distribution) du pétrole. Eux font de la politique leur affaire et lui vient des affaires pour faire de la politique. Eux veulent sortir leur RNI de toute mainmise et lui, à la tête du parti, resserre son emprise. Eux sont extrêmement loyalistes mais exigent de l’autonomie pour le bas, et lui est plus que royaliste et n’a d’yeux que pour le haut.

Et ce weekend, alors que le parti tient son conseil national, les anciens (opportunistes et caméléons compris) l’accablent, l’accusent de rétention d’information, demandent des comptes sur les dépenses somptuaires ne figurant pas vraiment dans les comptes du parti, ruent dans les brancards et ruminent leurs rancœurs, les esprits rivés sur la posture et les fameuses et sacrosaintes investitures. Mémos, lettres et pétitions pleuvent depuis une semaine à une vitesse qui n’a d’égale que le mépris qu’elles rencontrent au Politburo, tout acquis (pour l’instant encore) à son chef.

Mais si les refuzniks ont raison sur nombre de points, on ne peut s’empêcher de penser à la dernière ligne électorale et aux enjeux qu’ils défendent dans le jeu opaque de la politique locale. M. Akhannouch et les siens, pour leur part, multiplient les annonces pâles et les communiqués fades, les applaudissements béats à toute initiative royale qui n’en a nul besoin. Les ministres font cavaliers seuls, comme Moulay Hafid Elalamy et surtout Mohamed Benchaaboun, il est vrai promptement peints en bleu le jour même de leur nomination au gouvernement. Or, l’attrait et l’intérêt pour le bleu s’arrête à la couleur de ses yeux pour MHE et à celle des billets dont il doit gérer la rareté pour Mohamed Benchaaboun.

Et l’aventure continue… Alors que les refuzniks contestent le Conseil national, celui-ci a annoncé un congrès extraordinaire électif dans les semaines à venir. Coups bas et jolis coups pour les deux camps, sous le regard totalement indifférent de la population, occupée à survivre.

Aziz Boucetta