(Billet 193) – Le Maroc, terre d’accueil pour les uns…et d’écueils pour d’autres

(Billet 193) – Le Maroc, terre d’accueil pour les uns…et d’écueils pour d’autres

La géographie a ses règles que la raison ignore, et la misère crée des raisons et des règles que la géographie altère. Ainsi du Maroc, bien involontairement terre de transit, un transit de plus en plus difficile pour les migrants venus du sud et ne demandant qu’à passer, au risque de trépasser, dans ce très hypothétique Eldorado que serait, mais en réalité que fut, l’Union européenne.

Jusque-là, toutes choses étant bien évidemment perfectibles, police, gendarmerie et administration marocaines faisaient le « travail » convenablement, tantôt régularisant, tantôt reconduisant dans les pays d’origine. Mais, forcément, un jour ou l’autre, la faute survient. Ainsi de cette annonce discriminatoire, illégale et amorale que l’on ne peut autrement qualifier que de décision de la honte.

Les faits. Début octobre, le directeur régional du ministère de l’Equipement de Laâyoune préside une réunion avec des transporteurs, et leur enjoint l’ordre de refuser de vendre des tickets à des étrangers en situation irrégulière. Quelques jours après, les voyageurs ont pu voir cette annonce, qui ne fait ni le bonheur des migrants, ni l’honneur du Maroc.

Les effets. Lors de la réunion avec le délégué du ministère, il n’était pas fait mention de l’origine des clandestins, mais voilà que sur l’annonce d’une compagnie de transport, on précise que la mesure s’applique aux « Africains », pas aux Syriens, pas aux Européens, pas aux Asiatiques… seulement aux Africains ! La CTM a démenti, mais le mal est fait et consommé, que ce soit elle ou une autre.

Les méfaits. Ils se réduisent à un seul mot, le racisme ou, pour être gentil, le « délit de faciès ». Comment qualifier autrement cet acte de sélection des Noirs pour leur demander


leurs papiers, de les désigner par « Africains », à l’exclusion des Arabes d’Afrique, et même des Marocains, qui sont aussi africains ?

Le Maroc fut un empire, et ses habitants furent, et demeurent, en partie, racistes et dominateurs. C’est une vérité qu’il ne faut pas ignorer, qu’il faut reconnaître pour pouvoir mieux la combattre. Nous n’en sommes certes pas « au bruit et aux odeurs », mais nous n’en sommes pas loin pour autant. Concernant l’Etat, il est impératif qu’il fasse régner l’ordre public, mais il est tout aussi fondamental que cette action respecte les lois, le droit et les personnes.

La tâche de l’Etat est d’autant plus difficile que le Maroc doit tenir compte de ses contraintes internationales avec l’UE, qui lui demande de contenir, voire de « retenir », les migrants subsahariens, mais aussi de sa politique désormais résolument africaine, qui inclut, ou inclura le principe de la libre circulation des biens et des personnes.

C’est cette double contrainte que le royaume doit affronter, complaire au nord qui bloque sans déplaire au sud qui pousse. Cela passe par une véritable politique de la migration, qui ne soit pas seulement gouvernementale, mais aussi sociale et éducative. Or, déléguer les contrôles au privé, comme vient de le faire indûment le ministère des Transports et de l’Equipement, est de nature à ouvrir la porte à tous les abus.

Si notre passé lointain est africain, notre avenir proche le sera aussi. Il est urgent que le Maroc trouve les mots justes pour corriger les actes frustes et les maux qui en résultent, comme écrire « étranger » avec  « E » majuscule pour les Blancs et « é » minuscule pour les Noirs !

Aziz Boucetta