(Billet 136) – Maroc/Immigration : les fausses larmes d’un vrai gendarme
Dans sa grand bienveillance, l’Europe a promu le Maroc, qui accepte, au rang de gendarme, mais sans grade significatif. L’Europe a peur, alors elle nous abreuve de mots gentils de crainte que les migrants ne pleuvent sur elle. Aussi, après avoir coupé les routes turque et libyenne, la voilà qui veut renforcer la Muraille de Gibraltar. A vil prix.
La Turquie, en 2015, avait bien su gérer la crise des migrants transitant par son territoire pour se déverser en Europe. Le président Erdogan, connu pour ne servir que lui-même et sévir contre les autres, y était allé au couteau, exigeant et obtenant 3 milliards d’euros, plus d’autres menus avantages… En Libye, l’absence d’Etat et l’état de non-droit avait ouvert une route aux migrants moyen-orientaux et subsahariens qui traversaient cet immense désert jusqu’aux rivages méditerranéens et, de là, faisaient le saut vers la petite île italienne de Lampedusa. Là aussi, les choses se sont arrêtées, en même temps que le respect du droit des gens à la vie, que le respect de la vie tout court.
Reste le Maroc, devenu en 2018 la principale route d’entrée en Europe et qui, contrairement à la Turquie ou à la Libye, a un chef d’Etat très poli et un gouvernement trop policé. Le royaume rechigne à parler argent, hésite à se montrer dur, ignore ou feint d’ignorer la position de force qui est la sienne ; il agrée alors une obole de 150 millions d’euros pour la lutte anti-migration, accepte de récupérer des migrants ayant réussi le passage vers l’Espagne, détourne les yeux face aux humiliations
de ses citoyens dans les consulats Schengen… En un mot, il a un comportement de « اولاد الناس ».
Et pourtant, si les migrations via la Turquie se tariront avec le règlement des conflits et guerres au Moyen-Orient, les migrations africaines sont durables, car d’origine économique. En outre, ce rôle de gendarme tenu par le Maroc a un coût moral et politique, le royaume étant africain et souhaitant tenir un rôle sur son continent. La lutte anti-migratoire ternit singulièrement son image en Afrique, en dépit des 50.000 régularisations effectuées.
Rabat devrait sécher ses larmes car il joue effectivement au gendarme, malgré les laborieuses et poussives dénégations de MM. el Khalfi et Bourita. L’UE compte sur le Maroc, mais le Maroc devrait savoir que les comptes sont faits pour être réglés. Il devrait donc mieux négocier, plus fermement, abruptement au besoin, trois points : 1/ La reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara, clairement et sans savante sémantique juridique comme dans les accords agricole et halieutique, 2/ La négociation de montants plus importants que cette indigente enveloppe de 150 millions d’euros et 3/ L’assouplissement des procédures imposées à ses citoyens pour les visas Schengen, voire leur suppression !
Sinon, on peut simplement faire respecter notre ordre public, en encadrant les migrants désireux de se rendre en Europe, et de laisser les Salvini, le parti Vox, les gardes de Visegrad et autres extrémistes européens les gérer. Les relations internationales sont aujourd’hui un rapport de force, et notre incontestable et en apparence intraitable chef de la diplomatie Bourita le sait pertinemment, mais avec l’UE, le montre insuffisamment…
Aziz Boucetta