Siloonce ! Benkirane accipte le froonçais…, par Hicham Rouzzak

Siloonce ! Benkirane accipte le froonçais…, par Hicham Rouzzak

« Et c’est pour cela que je dis à M. le ministre, éloigne-toi des choses difficiles et dangereuses… Occupe-toi de la discipline et de l’ordre, comme le réclament les enseignants et les parents d’élèves… Romps avec l’ancien système, supprime ce clientélisme et ce favoritisme, il faut cesser de se taire sur les dysfonctionnements que connaît l’éducation nationale, et alors, on pourra discuter du reste, que l’on soit d’accord ou non »…

«  Et d’abord, c’est quoi la politique, c’est quoi ??!! »… « Je lui ai dit, au ministre de l’Education, que le français d’une seule année, de ces trucs techniques, c’est pas un problème, une année de technique, mais… » …  « Tu t’es attelé à l’introduction du français (!!!!), mais alors tu vas mettre le feu ! Cela, c’est le chef du gouvernement qui l’estime et l’évalue…  C’est pour cela que quand Sa Majesté le roi a décidé un jour de choisir un chef du gouvernement, il n’a pas désigné Belmokhtar, il a choisi Benkirane… S’il voulait Belmokhtar, il l’aurait pris, il le connaît avant moi.  Il m’a désigné moi pour que ce soit moi qui décide… et c’est pour cela que  je lui ai adressé une lettre, au ministre, pour lui dire que cette décision d’arabiser, de franciser durant cette année (!!!!), il faut qu’il l’ajourne afin que nous réfléchissions à tout ça, parce que moi je n’étais pas au courant et que je n’y ai pas accordé d’importance ».

Ces propos,  en toute simplicité, c’est le « laïus » qu’a lancé le chef du gouvernement, à la Chambre des conseillers, à son « collaborateur » le ministre de l’Education nationale Rachid Belmokhtar. Le lecteur remarquera les points d’exclamation, pour indiquer que le chef du gouvernement « ne sait pas de quoi il parle ni ne le comprend »… Il parle d’arabiser, puis de franciser, dans la même phrase…  Il parle « de tout ça », « des techniques », il demande ce qu’est « la politique »… et puis il répond par monosyllabes…  et dit encore « cette décision d’arabiser, de franciser durant cette année »… et bonne année, M. le chef du gouvernement !!

Bref… quand la question de franciser l’enseignement de certaines matières scientifiques a été prise, ils ont été très nombreux, et à leur tête le chef du gouvernement et son parti, à aller dans une autre discussion théorique, où trop de théorie tue la théorie, et où quand on veut théoriser la richesse, on finit sur le carreau.

Quand le sujet avait été  abordé, nous nous étions retrouvés, une fois de plus, devant ces levées de boucliers douteuses sur l’identité, devant une question dont certaines personnes voulaient arbitrairement faire un problème d’appartenance et de confession. Nous avions alors commencé à parler de la langue, non plus comme d’un outil de communication, de connaissance et d’apprentissage, mais comme un fondement existentiel.

Et donc, comme toujours, le débat avait glissé vers l’antagonisme arabe/français…exactement dans le sillage de ceux qui opposent l’arabe à l’amazigh.

Et dans ce tumulte et ce vacarme que le chef du gouvernement a lui-même qualifié de « tentative de mettre le feu », rares sont ceux qui ont voulu discuter avec raison de cette problématique de langue, d’apprentissage de  certaines matières dans certaines langues… nous n’avons causé, en effet, que de l’aspect idéologique de l’arabe comme identité et appartenance, figée, non appelée à changer un jour… sauf que nous vivons dans un monde et à une époque où la production scientifique se fait dans d’autres langues que l’arabe… dans un monde où de nombreux pays arabes décident de renoncer à l’une de leur plus importantes inventions, les nombres, et  de les écrire en caractères indiens dans des disciplines comme les maths et l’arithmétique … et autant pour l’arabité, l’arabisme et l’appartenance.

Le plus important dans cette histoire est que Benkirane et son parti faisaient partie de  ceux qui pensent, en permanence, que  la langue arabe et l’islam


sont les seuls éléments constitutifs de l’identité marocaine, et le plus important aussi est qu’ils ont été les plus virulents et les plus fermes à affronter le « collaborateur » du chef du gouvernement quand il a décidé d’introduire le français dans l’apprentissage de certaines matières scientifiques.

Le Moqriî Abou Zaïd avait été encore plus parlant et plus clair que Benkirane lorsqu’il avait jugé la circulaire de Belmokhtar comme étant mal inspirée du fait que « ce qui concerne les orientations démocratiques et idéologiques ne peut ni ne saurait être discuté ou débattu ». Le même Moqriî (interdit d’entrée dans plusieurs pays européens pour cause d’incitation à la haine raciale, et qui avait sorti son fameux credo de «  l’avarice des Soussi ») était en effet on ne peut plus clair.

Pour cet individu, le fait d’enseigner des matières scientifiques en français n’est pas une question à discuter ni n’est de nature à relier l’enseignement à son environnement… pas plus qu’il ne s’agit d’un débat pédagogique consistant à faciliter son apprentissage de ces matières à un étudiant appelé à les apprendre plus tard dans une langue autre que l’arabe…

Pour le Moqriî, la question est idéologique, et rien que cela !

C’est comme cela… et pas autrement. Après que ces gens-là eurent idéologisé la religion, voilà qu’ils veulent le faire même avec la langue… Ils enferment dans l’idéologie tout ce qui est, qui était et qui sera appelé à être une richesse, une diversité, pour en faire des choses froides, ternes, fades, en un mot… pauvres et mortes.

Mais bien évidemment, il y a les autres, l’autre versant de cette histoire, les autres extrémistes, aussi rudes et aussi durs… ces ignorants qui considèrent la langue arabe comme étant celle de l’arriérisme et du sous-développement, certains qui sont fiers de leur francophonie, riches de leur français sans prendre garde à leur indigence crade en arabe… Ces personnes qui toisent les autres par leur connaissance d’une autre langue alors même qu’ils sont encore plus pauvres qu’ils ne le pensent… pauvres de leur méconnaissance de la langue qu’ils parlent ou qu’ils pensent parler, le français, et pauvres de leur ignorance de cette autre langue, l’arabe, qui leur est totalement inaccessible… mais….

Le débat sur l’enseignement de quelques matières scientifiques en français ne doit pas buter sur cette stupide guerre des langues. Il ne doit pas verser dans la lutte pour l’appartenance et pour l’identité. Il ne peut être impliqué dans une bataille idéologique car il serait alors plus idiot qu’idéologique (en français dans le texte).

Mais, finalement… le chef de l’Etat, lors du Conseil de ministres tenu la semaine dernière à Laâyoune, a tranché. Le roi a indiqué que « l’ouverture et la communication ne signifient nullement l’aliénation ou le suivisme, comme elles ne doivent pas être un prétexte pour l’isolement et le repli sur soi ».

Et Benkirane ? Oh, bien évidemment, il ne déroule plus son laïus sur le fait que le roi l’a choisi lui et non Belmokhtar, pas plus que nous n’entendons le Moqriî Abou Zaïd pérorer sur les orientations idéologiques qui doivent être indiscutables, par nature.

Nous ne lisons plus dans certains médias cette humiliation infligée par le chef du gouvernement à son ministre de l’Education ; de même, nous n’entendons plus parler de triomphe de Benkirane sur Belmokhtar.

Nous n’entendons plus que le silence et nous ne voyons plus que le néant… Le roi a parlé, et les autres se sont tus… exactement comme ce qui s’était passé à cette époque lointaine du programme national d’intégration de la femme dans le développement, quand un mouvement religieux s’était érigé en MUR et quand son aile politique, le PJD, avait jeté des millions de personnes dans les rues, les boulevards et les quartiers pour protester, contester, fulminer, enrager… avant de se taire, tous, après le discours du roi.

Et, comme d’habitude, quand la parole est d’or… Benkirane et les siens préfèrent un silence de mort.

Al Ayyam