Laissez les amoureux s’embrasser, le monde est en train de s’embraser, par Salah El-Ouadie
Je me rappelle avoir pris ma plume, il y a quelques années, pour défendre une femme contre une « agression politique » perpétrée par un membre de sa famille politique. Elle siège aujourd’hui au gouvernement. Aujourd’hui je remonte au créneau pour en défendre une autre, membre du gouvernement actuel également, en ayant à l’esprit que notre culture politique laisse à désirer, et c’est peu dire, quand il s’agit de la dignité des femmes.
Avant d’y aller, je dois préciser ce qui suit : il est de notoriété publique que je ne porte pas ce gouvernement dans mon cœur. Essentiellement à cause des manquements à ses engagements, la situation déplorable dans laquelle se trouvent actuellement les couches les plus défavorisées de notre pays en témoigne ; mais également à cause du dossier des hydrocarbures, où le conflit d’intérêt – concernant son chef - n’est plus à démontrer, surtout après la décision du conseil de la concurrence, même si celle-ci est en demi-teinte.
C’est dire qu’en prenant la plume pour défendre l’une de ses ministres, c’est exclusivement pour une question d’éthique.
La « photo du baiser » présumé de Mme Leila Benali a fait le tour des sites, des groupes d’échanges immédiats, sur les comptes trolls de Facebook, Instagram, x, comme sur les vrais et j’en passe.
La légèreté qui caractérise chez nous, sans retenue, les ragots sur l’intimité des uns et des autres, surtout lorsqu’il s’agit des femmes, ici voyeurisées à travers les trous des serrures, et désignées coupables sans autres formes de procès est tout simplement scandaleux.
Mais outre la chasse à la vertu des autres, acte vulgaire et donc indécent, produit d’un paparazzisme par sous-traitance, ce qui m’intéresse ce n’est nullement ce qui peut se passer dans les venelles entre tourtereaux présumés, ou derrière les portes, closes ou entrebâillées, sachant par ailleurs que chacun a son jardin secret ; ce qui m’intéresse ce sont les questions politiques et le sort de l’argent public.
Si conflit d’intérêt il y a, de quelque nature que ce soit, il n’appartient pas à la justice populaire ou à une presse et à des réseaux sociaux autoproclamés inquisiteurs occasionnels de juger et de condamner, mais à l’Etat, l’Etat de droit, et à ses institutions de procéder aux investigations nécessaires et d’en soumettre les résultats au jugement de qui droit tel que défini par les lois marocaines. Seulement alors, et sur ce seul fait, on condamnera ou on acquittera.
Oui, une enquête doit être diligentée pour faire la lumière sur l’éventualité de conflit d’intérêt, ou de pots de vin, ou de délit d’initié, et la vérité devra être rendue aux marocains, ainsi qu’une reddition de comptes digne de ce nom, de la part des éventuels impliqués…
D’ici là, de grâce, laissez les amoureux, s’il y en existe encore, s’embrasser et nous redonner de l’espoir dans un monde qui s’embrase de partout.
Salah El-Ouadie