Les différents fronts ouverts par Benkirane, par Ahmed Amchakah

Les différents fronts ouverts par Benkirane, par Ahmed Amchakah

Tous les classiques des guerres et des conflits vous le diront… on n’ouvre jamais deux ou plusieurs fronts en même temps, au risque d’être défait. Mais avec le gouvernement actuel, on note que Benkirane s’évertue à lancer des conflits ici et là, partout et contre tous. On a même dit, avec raison, que l’homme est chef du gouvernement en semaine, et opposant les weekends.

Au début de son mandat, il avait déclenché les hostilités contre ceux qu’il avait nommés « les démons et les crocodiles » qui se dressaient contre ses projets de réforme et les entravaient, selon lui. Puis il avait ensuite ouvert un conflit avec l’opposition dont il avait dit pis que pendre. Mais son grand combat, son plus grand et le plus durable, est celui mené contre son ennemi personnel et traditionnel, le PAM, qu’il qualifie de parti hégémoniste.

Et quand ce n’est pas dans la sphère politique qu’il ferraille, Benkirane se lance dans des guerres sur les fronts sociaux… une fois contre ceux qui contestent l’augmentation des prix, une autre fois contre les enseignants stagiaires avec lesquels il a tout essayé, jusques-y compris la trique et la matraque, sans réussir à les calmer… Demain, il prévoit, et nous avec lui, qu’il entamera son grand duel avec les syndicats au sujet de la réforme des retraites, de leurs caisses et de leurs régimes.

D’où la grande question : D’où vient à Benkirane cette force surhumaine qui le conduit à se  lancer dans plusieurs conflits, simultanément, et plus particulièrement sur le front social ? Une fois c’est la Caisse de compensation, qui rendra l’âme prochainement, quand la levée de la subvention du prix du sucre sera décrétée pour ce nutriment primordial dans l’alimentation des Marocains… Une autre fois, c’est avec les prix des hydrocarbures qui, décompensés, permettront aux grandes compagnies pétrolières de se faire de l’argent directement ponctionné dans la poche des consommateurs… Et une autre fois, c’est avec ces merveilleuses caisses que Benkirane et ses commensaux ont décidé de réformer, en prélevant ce qu’ils doivent dans les pouvoirs d’achat des populations au lieu de faire participer l’Etat qui est responsable de la faillite de ces caisses.

Concernant l’affaire des enseignants stagiaires, nous ne devons pas, ou plus, penser que les deux décrets, le premier dissociant formation et recrutement et le second réduisant de moitié les bourses, sont un Coran immuable et intouchable. Les choses sont plus simples : il s’agit d’une décision ou d’interprétation du gouvernement, qui s’y


est trompé. Et donc, il n’est nul besoin d’entamer un rapport de forces avec cette catégorie sociale dont on attend l’implication dans la mise en œuvre du programme éducatif à venir, élaboré par le Conseil de l’éducation, avec la participation de deux ministères.

Benkirane a-t-il pensé un seul instant à la situation psychologique des professeurs de demain quand ils seront en classe,  après avoir été exposés aujourd’hui  à la brutalité policière, giflés, bottés, piétinés ? Peut-on, dans ces conditions, attendre quelque chose de positif ou la qualité requise dans l’école publique ?

Mais le plus intéressant dans ce chef de gouvernement est qu’il n’a jamais cessé de dire que, contrairement aux autres gouvernements, le sien a su et pu circonscrire les mouvements sociaux qui entravent le développement, selon son propos habituel… Une fois, du haut de sa tribune au parlement, l’homme n’a pas hésité à dire que c’est là l’une de ses grandes réalisations, à lui et à son cabinet, la paix sociale… sauf qu’il n’a jamais expliqué aux parlementaires la manière qu’il privilégie pour stopper les manifestations, d’hier à aujourd’hui… Est-ce par le dialogue, suspendu depuis un temps déjà, ou par le bâton et la bastonnade, copieusement distribués depuis longtemps ?

Plus remarquable encore sont toutes ces voix qui ont été dans l’urne le 4 septembre dernier, en faveur du gouvernement. Est-ce parce que Benkirane a su user d’un discours trompeur, ou alors est-ce plutôt parce que les mécontents de sa politique ont préféré rester chez eux ce fameux vendredi électoral, désertant les bureaux de vote, en faveur des partisans du chef du gouvernement ? C’est là la question primordiale dont la réponse sera apportée en octobre 2016, lors du scrutin législatif à venir et pour lequel Benkirane pourra montrer les photos des gourdins qui se sont abattus sur les têtes des enseignants de demain, et avant eux sur les crânes des médecins de demain aussi…

Rappelons donc que nous sommes en période pré-électorale, maintenant qu’on sait que le gouvernement a arrêté la date du 7 octobre pour le scrutin. Lors de cette année qui commence, les partis de la majorité devront préparer leur bilan, qu’ils soumettront aux électeurs le moment venu. Mais le grand problème et la plus grande supercherie est que ce gouvernement comptant des ministres politiques et d’autres technocratiques, on trouvera toujours des ministres qui opteront pour la fuite en avant en affirmant que le cabinet Benkirane n’a jamais été à 100% politique…

Al Massae