On en a marre..., par Abdallah Damoune

On en a marre..., par Abdallah Damoune

En ce début de l’An de grâce 2016, un séisme a frappé en même temps l’Espagne et le Maroc... Personne ne connaît vraiment la puissance de ce tremblement de terre sur l’échelle de Richter mais tout le monde sait que sa force sera grande dans et pour l’avenir, ici et là.

Le séisme a frappé simultanément les deux nations mais sa nature diffère totalement et radicalement de l’une à l’autre car le Maroc affiche et se montre fier de sa particularité, comme s’il venait de Mars, alors que l’Espagne a, réellement, une spécificité qui ne lui est pas du tout venue de Mars ni d’ailleurs mais bel et bien de sa propre réalité.

Le séisme au Maroc a pris la forme de cette « raclée » subie par les enseignants stagiaires ce fameux « jeudi noir »,  comme s’ils étaient sortis manifester leur hérésie alors qu’ils n’étaient là que pour exprimer de légitimes revendications. Avant eux, les étudiants en médecine avaient pu avoir gain de cause contre le ministre de la Santé, mais il semblerait que ce qui est possible pour les étudiants ne l’est pas nécessairement pour les enseignants... Voilà donc une particularité bien de chez nous que personne ne comprend ni ne comprendra jamais.

Quel est ce séisme qui a secoué l’Espagne en ce début d’année ? Il s’agit de la comparution devant ses juges de la princesse Cristina de Bourbon, la propre sœur de son frère le Roi, pour fraude fiscale et détournements de fonds. Il s’agit de la première fois en Espagne, au sein des familles régnantes européennes, voire dans le monde entier, qu’une princesse de sang va devant la justice et s’entend égrener  les chefs d’accusation et les peines de prison qui vont avec et qui, dans le cas de Cristina, peuvent aller jusqu’à 4 ans.

Aux côtés de la princesse se tenait une cohorte de co-inculpés venus d’horizons divers mais appartenant tous à la même classe sociale, la haute... et à la tête de cette légion, le propre époux de Cristina qui, lui, encourt jusqu’à 20 années de réclusion et des amendes tellement énormes que la sœur du roi Felipe a d’ores et déjà commencé à vendre des biens immobiliers qui lui appartiennent.

Et donc, au tribunal, face à la princesse, les juges sont venus, imperturbables, droits comme un glaive, et ont donné lecture de la longue liste de crimes, délits et infractions reprochés aux inculpés. Le président de la cour est un homme réputé entrer chaque jour au tribunal, un casque à la main. Cet accessoire ne lui sert aucunement, comme on pourrait le penser, à avancer masqué, de peur de rencontrer des manifestants qu’il aurait un jour injustement accablés. Non, le juge porte un casque parce que, tous simplement, il circule à moto. Vous ne le croirez sans doute pas, mais allez vous renseigner sur le juge José Castro Aragon, enfant de Cordoue, et vous comprendrez qu’il est d’une autre trempe que ces juges que l’on connaît bien et qui n’osent passer un peigne dans leurs cheveux avant de recevoir le « coup de fil » qui leur indiquerait la coupe à retenir ce jour-là.

Personne n’envisage vraiment que la princesse Cristina ira croupir dans une


cellule durant quelques années car on finira bien par trouver une issue à cette affaire et surtout que les juges espagnols n’aiment pas particulièrement envoyer les accusés en prison, mais d’abord et surtout resituer l’argent volé à ceux auxquels il l’a été, en plus d’amendes astronomiques qui font réfléchir les indélicats plus d’une fois avant de faire main basse sur l’argent du peuple.

La justice, finalement, en Espagne est bien plus préoccupée à protéger le peuple contre les voleurs qu’elle n’est occupée à se venger. C’est ainsi que le royaume va vers l’avenir. Les voleurs sont là, mais la loi est au-dessus de tous ; que l’indélicat soit larron ou aristocrate, la loi est la même et la justice frappe sans distinction de classe. C’est comme cela que le citoyen sait ses droits protégés et que le contribuable sent ses deniers à l’abri... et le pays avance, avance...

Ainsi, on voit les différences entre les séismes marocain et espagnol. Au Maroc, le « makhzen » flanque une dérouillée historique aux enfants du peuple sortis dans quelques villes pour réclamer un de leurs droits, alors même qu’on détourne les yeux, pudiquement, prudemment, de tous ces nantis et/ou chanceux qui occupent des fonctions fort bien rémunérées sans qu’ils n’en détiennent les compétences, de ces autres fonctionnaires qui n’ont jamais mis les pieds dans leurs bureaux ni même jeté un œil à leurs administrations, ou de ces enfants nés une cuillère d’argent dans la bouche et destinés aux meilleurs emplois avant même leur naissance... et, d’une manière générale, ces veinards qui n’abandonnent une sinécure que pour aller vers une autre, encore meilleure, papillonnant de fonction en fonction comme les ivrognes passent de bar en bar avant la levée du jour...

Quand la princesse Cristina a comparu devant le juge, personne ne broncha, ni n’intervint surtout. Le roi a suivi la séance de loin, le chef du gouvernement a rappelé sa confiance dans la justice, les médias ont rapporté les faits tels qu’ils se sont produits, et les analystes ont analysé comme ils le voulaient sans que nul ne le leur reproche.

Sur nos terres, quand les matraques se sont abattues sur les têtes des jeunes, le chef du gouvernement a vite couru aux abris dont il semble que nous l’ayons extrait pour venir nous « gouverner ». Oh, nous savons bien qu’il ne détient pas de pouvoir mais alors, pourquoi nous rappelle-t-il à chaque occasion que c’est lui le chef ? Et si tel était le cas et que ce soit lui qui gouverne en effet, pourquoi alors toute cette violence contre des manifestants pacifiques, la dernière n’étant pas celle des enseignants stagiaires et la première n’étant pas celle de ceux qui étaient sortis manifester contre l’incurie des Saoudiens à La Mecque quand des centaines de personnes avaient péri en accomplissant le pèlerinage ?

Mais par malheur pour Benkirane et pour notre malheur à nous, nous nous souvenons encore de Mohamed Hassad, l’actuel ministre de l’Intérieur, quand il officiait encore à Tanger comme wali et qu’il avait interdit au chef du gouvernement de participer à une activité de la jeunesse de son parti dans la ville du Détroit. Et on continue, malgré cela, à nous vendre l’idée que le Maroc a changé...

Cette fois, nous ne nous contenterons pas de nous en remettre à Dieu, mais nous dirons, douloureusement : « Nous sommes fatigués »...

Al Massae