(Billet 291)– Ce Maroc inédit et nouveau que le coronavirus nous montre...

(Billet 291)– Ce Maroc inédit et nouveau que le coronavirus nous montre...

Le Maroc est à l’arrêt, ou presque. Très peu d’activité dans les rues, très peu de mobilité entre les villes, des barrages un peu partout, avec des agents aussi courtois que fermes. Après que le Maroc ait fermé ses frontières, les Marocains se sont enfermés chez eux, avant de donner libre cours à leur humour pour agrémenter leur humeur. Cette funeste période va passer, et avec elle, soyons-en fiers, plusieurs clichés vont trépasser.

Alors, puisque nous sommes confinés et que la vie est à l’arrêt, prenons le temps (nous en avons désormais) de constater certaines choses que nous ne voyions pas, ou que nous refusions de voir…

1/ Politique. Constatons donc que pour la première fois au pays, nous avons un gouvernement qui gouverne. Réellement, effectivement, efficacement… Bien sûr, il prend ses directives du palais, à l’instar des gouvernements en France, aux USA, partout où il y a un chef d’Etat doté d’un pouvoir exécutif réel… mais notre gouvernement agit, et surtout, il est convaincant et suivi. Même les plus grincheux de la Twittoma suivent et appliquent les consignes, après les avoir attendues… et même les plus têtus sur Facebook respectent les ordres, après les avoir guettés.

Marquons une petite pause et méditons… Depuis quand les Marocains étaient-ils rivés à leur télé pour écouter les officiels parler ? Depuis quand les Marocains accordent-ils un quelconque crédit aux directives gouvernementales et même au moindre propos d’un de nos dirigeants politiques ?  Par quel miracle le direct télé de Saâdeddine Elotmani a-t-il été visionné par plusieurs millions de personnes ? La peur explique bien des choses, mais ne justifie pas tout !

Le Maroc, à son insu, semble-t-il donc, a un gouvernement qui agit, qui réagit, ajuste ses politiques et adopte le ton juste pour les annoncer… Cela signifie et implique que ce gouvernement est fait de compétences. Eh oui, on l’a tellement critiqué, vilipendé, chahuté, dédit, voire maudit que nous n’avons jamais vraiment noté la chose… Oh, il existe bien des profils moyens, il y a bien du calcul politique, il en faut bien de temps en temps, il faut bien que l’ego exulte… Mais la masse critique du gouvernement est aujourd’hui faite d’hommes et de femmes dotés de compétences et portés par leur conscience. Cela nous change !

2/ La religion.  Notons aussi, fait important, que les religieux fanas et fadas n’ont plus cette effarante impunité pour leur surprenante stupidité. Non, on ne fait plus désormais tout ce qu’on veut, en brandissant la religion ou le Coran comme rempart. Sortir dans les rues, groupés, se frottant les uns aux autres, par dizaines, la nuit, et hurler des messages qui se veulent religieux et qui ne sont en réalité que des slogans politiques malvenus, ne prémunit plus ses auteurs au nom de la tolérance


publique au fait religieux. Faire cela est un délit, le faire en groupe implique des organisateurs, et ces organisateurs sont pourchassés par la loi et surtout, avant tout, par la vox populi.

Quant au commandeur des croyant, le roi Mohammed VI, il n’aura usé de sa casquette religieuse que pour demander une fatwa de fermeture des mosquées. Pour le reste, c’est le chef d’un Etat civil qui a agi, actionnant les différentes manettes d’un tel Etat : gouvernement, banques, armée, maillage administratif, système de santé, solidarité nationale…

3/ La société solidaire. Pour la première fois de notre histoire récente, relevons que les pauvres ne hurlent pas sur les riches et que les riches raffinés pensent (souvent) aux pauvres confinés. Pour changer un peu des insultes que nous avons l’habitude de nous lancer à la figure, nous prodiguons des conseils, voire de gentilles remontrances. Les réseaux sociaux fourmillent de groupes de discussions spontanés qui échangent des informations et traquent les fake news, dont on aura par ailleurs remarqué le recul.

Les forces de l’ordre, avant d’être présentes en force, sont d’abord et avant tout issues de la société. Après 4 jours de confinement, on aura remarqué leur très courtoise fermeté, tout en comprenant qu’ils soient plus durs avec les têtes dures…

4/ Notre image dans le monde. Notons enfin ce qu’ont vu et voient encore les Etats du monde quant à notre capacité à nous organiser dans cette lutte mondiale contre une pandémie tueuse. Hormis Emmanuel Macron un peu affolé qui ordonne aux Marocains « de réagir au plus vite », les Espagnols affirment à travers el Païs que le Maroc est en tête du peloton de tête des mesures de confinement, malgré quelques hiatus de départ… Les officiels américains et canadiens, sur Twitter, remercient le Maroc… Hormis quelques abrutis bloqués ici et prophétisant en réaction la fin du monde au royaume, les touristes, généralement, ne tarissent pas d’éloges.

Il est vrai que le royaume fut l’un des premiers à rapatrier ses ressortissants de Chine, qu’il a été l’un des premiers à fermer son espace aérien et ses frontières internationales, qu’il a été l’un des tout premiers à ordonner un confinement général… A activer tant de mesures en si peu de temps !

 

On pourrait égrainer bien plus longtemps cet ensemble de petites choses dont l’ensemble fait grand, couvrant notre système éducatif défaillant et notre système de santé effrayant, masquant l’indigence des testes de dépistage, trop peu nombreux, et d’autres erreurs ou dysfonctionnements… Mais cela n’est rien par rapport à cette belle capacité de mobilisation, cette formidable adhésion de chacun aux efforts de tous, cette extraordinaire confiance dans un Etat qui fait ce qu’il peut. Certes il reste tant de choses à faire, mais maintenant nous savons que nous pourrons les faire !

Aziz Boucetta