(Billet 917) – Maroc-France, et si c’était une affaire personnelle d’Emmanuel Macron ?

(Billet 917) – Maroc-France, et si c’était une affaire personnelle d’Emmanuel Macron ?

Les relations entre Etats sont tellement complexes et leurs ressorts si tortueux que pour les comprendre convenablement ou les analyser correctement, il importe d’en considérer tous les aspects. Mais il arrive que ces relations soient tributaires de sentiments personnels, avoués ou non, assumés ou pas. Il en va ainsi, sans doute, de la relation glaciale entre Paris et Rabat, dont tant de choses ont été dites, sauf peut-être la composante personnelle.

Pourquoi penser à la composante personnelle dans cette relation ? Pour la raison que la plupart des attaques menées dans les médias français depuis quelques jours, quelques semaines et même quelques mois sont dirigées contre la personne du roi du Maroc. Et encore une fois, opposer à cette idée celle de la très survendue indépendance des médias français est superflu. Les titres britanniques ou américains qui ont récemment publié des articles sur le roi Mohammed VI en sont restés là, ils n’ont pas attaqué en meute et après leurs articles, ils sont passés à autre chose. D’où les interrogations que suscitent les médias de France.

Car, en effet, comment expliquer ce soudain engouement de Libération, le Monde, LCI, BFMTV, CNews, l’Express, Marianne,le Point, France24 et d’autres pour le Maroc ? Comment expliquer qu’au début du premier mandat d’Emmanuel Macron, les relations France-Maroc étaient habituelles et même promises à un avenir riant, avant de brusquement tourner à l’aigre ? Comment expliquer que dans les quelques heures ayant suivi le séisme d’al Haouz, les médias français aient ignoré l’étendue du désastre pour se concentrer uniquement sur l’ « absence » du roi, l’ « indifférence » du roi, « les vacances » du roi, « les biens » du roi alors même que le monde entier faisait montre de compassion et exprimait ses amitiés, au Maroc et… au roi ?

Il semblerait que dans cette tension de plus en plus épaisse qui entoure les relations entre les deux pays, il faille chercher dans les affaires personnelles, puisque le président français a placé cette relation sur ce plan. Ainsi en témoigne le Canard Enchaîné de cette semaine qui écrit que « Macron n’a toujours pas digéré que le Maroc ait cherché à écouter sa ligne téléphonique grâce au logiciel Pegasus. ‘Je ne le pardonnerai jamais’, confiait-il même il y a quelques mois à un sénateur ». Mais tout le monde écoute tout le monde, M. le Président, vos services en premier ! Pourquoi vous offusquer de cette chose qu’on impute, sans preuve, au Maroc.  

Le chef de l’Etat français aurait-il quelque chose à cacher, lui qui est habituellement si discret, tellement secret, sur sa vie personnelle, mais lui dont la presse fait des choux gras de...

celle de Mohammed VI (hebdomadaires, télé, reportages divers, « fuites » savamment orchestrées) ? Aurait-il une appréhension à l’égard des services marocains de renseignement, que son ancien directeur de la sécurité Alexandre Benalla a longuement loué lors d’une intervention publique au Maroc ? Aurait-il quelque chose à craindre du tropisme de M. Benalla pour son pays d’origine, où il a implanté sa société, selon ses propres déclarations ? S’alarmerait-il de ce que pourrait dire aux Marocains un Alexandre Benalla qui fut – on ne le dit pas assez mais y revenir serait intéressant et instructif – l’intime du couple Macron ?

Les médias français, qui « enquêtent » sur le roi, sa famille, ses biens et ses liens, son fils et ses services, observent cependant un étrange silence sur une vie privée élyséenne, sur une intimité présidentielle que le couple Macron s’évertue à verrouiller, comme ils ont vite passé sous silence l’information apportée par la presse US selon laquelle le FBI aurait trouvé au domicile de l’ancien président Trump des informations et des photos secrètes sur la vie privée d’Emmanuel Macron.

Cette volonté, voire obsession, de cacher sa vie privée dès 2017, conduit le nouveau chef de l’Etat à soustraire la sécurité présidentielle de la tutelle du ministère de l’Intérieur, officiellement, dit le Monde sans vraisemblance aucune, pour parer à tout litige entre ce ministère et la présidence... Il en confie les rênes à M. Benalla qui devient donc le dépositaire des secrets du couple Macron, ce qui lui confère une importance montrée par la très légère sanction infligée par l’Elysée au nouveau gardien du temple présidentiel suite au scandale de 2018 qui a secoué la France quand Alexandre Benalla avait usurpé l’identité de policier pour molester un manifestant à Paris. 15 jours de suspension, alors que la justice l’a plus tard condamné à trois ans de prison dont un ferme.

Aujourd’hui, l’homme qui a dans l’intervalle écrit un livre au nom inquiétant (pour l’Elysée et la Macronie) de « ce qu’ils ne veulent pas que je dise », a été vite oublié en France. Trop vite même, peut-être… Sans doute en savait-il trop. Et, dans le monde politique, quand quelqu’un en sait trop sur les secrets d’Etat et qu’il chante les louanges des services d’un autre pays, l’Etat en question s’inquiète, s’énerve, attaque et traque le pays loué.

Elle sont peut-être là, les raisons cachées de cette étrange inimitié de M. Macron pour le Maroc… dans une crainte que le Maroc ait écouté, via Pegasus, ses conversations privées, ce que Rabat a démenti, mais aussi dans la hantise qu’Alexandre Benalla ne dise « ce qu’ils ne veulent pas [qu’il] dise » aux Marocains.

Aziz Boucetta