(Billet 889) – Festival Gnaoua Musiques du Monde, une puissante 24ème édition !

(Billet 889) – Festival Gnaoua Musiques du Monde, une puissante 24ème édition !

On dit que ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort, et c’est vérifié entre autres à Essaouira, avec le festival Gnaoua Musiques du Monde. La pandémie Covid est derrière nous mais l’avenir de ce festival est maintenant devant lui. Après deux années d’interruption, en 2020 et 2021, et un redémarrage en 2022, le festival revient en force, plus coloré, plus chaleureux, plus animé. Résilient, comme on aime dire dans cette savoureuse novlangue du 21ème

Comme chaque année, donc, Essaouira, ses habitants et ses visiteurs attendent cette période particulière, qui marque la fin d’une saison et marque le début d’une autre. Comme chaque année, la ville vit et vibre au son des Gnaoua, à la magie enchanteresse des fusions, sous les pas des centaines de milliers de personnes qui arpentent les rues, locaux ou visiteurs, locaux ravis et visiteurs enchantés. Ce n’est pas du lyrisme, mais la réalité, la vraie vie. Il faut aller à Essaouira, durant ce festival Gnaoua Musiques du Monde, pour prendre la mesure de ce qui s’y produit et de comment cela s’y produit.

Le festival a 26 ans, et cette semaine dernière, il en était à sa 24ème édition, pour cause de pandémie, avec l’annulation de l’édition de 2020 et la non-programmation de celle de 2021. L’édition 2022 était une reprise, conviviale certes mais convalescente certainement. Cette année, promoteurs/organisatreurs/fondatrice de l’une des plus importantes manifestations culturelles du pays, en l’occurrence A3 Communication et Neila Tazi, en partenariat avec Yerma Gnaoua depuis quelques années, ont vu les choses en grand et donc sorti un grand festival. Les sponsors et partenaires publics étaient là pour les soutenir, car ils y ont cru encore plus que d’habitude, malgré les inévitables problèmes et quelques tentatives de récupération…

Le succès était palpable dès les premières heures du festival, avec les personnes qui défilaient, André Azoulay fier de sa ville, le président de la Chambre des Conseillers Naam Miyara, deux ou trois ministres ravis, celui de la Culture Mehdi Bensaïd, très ravi, et Chakib Benmoussa, détendu, trois autres présidents de région (Marrakech-Safi, Casablanca-Settat et Rabat-Salé), des ambassadeurs (les Etats-Unis avec l’actuel et l’ancien Dwight Bush, l’UE, l’Espagne, la Belgique), des artistes, des intellectuels de tous bords, des politiques de différents bords, des influenceurs (voir ci-dessous)… et tout ce monde riait, regardait, esquissait des pas de danse, chantonnait discrètement, enchanté, parfois à tue-tête, sans prises de têtes.

Deux autres personnages étaient là, se fondant avec les autres, sans aucune différence à l’exception de la différence qu’ils ont apportée. Le patron de la Société financière internationale Makhtar Diop, l’homme que le monde courtise et en particulier les grands de ce monde, et Bill Whitaker, présentateur vedette de l’immense émission de CBS, « 60 minutes », venu s’imprégner, puis raconter, et donc célébrer l’histoire musicale africaine, portée par la tradition syncrétique marocaine, que des dizaines de millions d’Américains pourront certainement bientôt admirer sur leur petit écran.

Cette année encore le festival a raconté une histoire de Noirs, Africains et Afro-Américains, rappelant Jimmy Hendrix, Randy Weston, Archie Shep, Wayne Shorter, Marcus Miller et d’autres, soulignant l’africanité du Maroc et son ancrage dans la civilisation de son continent ; ne disait-on pas, des siècles durant, qu’Essaouira était « le port de Tombouctou » ? Aujourd’hui, elle sublime l’apport de l’Afrique entière à la culture universelle et CBS en sera le relais dans ce monde occidental trop souvent négateur de l’africanité, de l’apport de la civilisation noire à l’humanité.

A Essaouira, cette fin de semaine, on déambulait, on gambadait, on flânait, on draguait, et même cette scène furtive où deux amoureux s'bécotaient sur un banc public ; on ignore s’ils s'disaient des "je t'aime" pathétiques, mais les agents de police avaient des petites gueules bien sympathiques et détournaient pudiquement les yeux pour regarder ailleurs…

Une immersion totale dans une ville en fête, passant de scène en scène, de fusion en concert, de Hmadcha à l’afrocubisme d’Eliades Ochoa, des Maâlems...

Baqbou ou Hamid el Kasri à Gnawa Diffusion, de l’acteur chanteur Fehd Benchemsi et ses Lallas au chanteur auteur Reda Allali et ses Hoba Hoba Spirit... et d’autres, tant d’autres, tellement, tellement… Une mention particulière pour les trois frères palestiniens, le Trio Joubran, leurs ouds envoûtants et leur public envoûté. Sons et musiques s’entremêlaient, danses et transes se télescopaient, tenues osées et coupes de cheveux bariolées se croisaient, sans protocole, sans formalisme, sans gêne dans le bon sens de l’expression…

Le festival Gnaoua Musiques du Monde, c’est aussi de la réflexion, à travers les débats organisés dans le cadre du Forum des droits de l’Homme. Cette année, invités et public ont apporté une résonnance particulière, avec Hisham Aïdi et Ali Benmakhlouf, Aomar Boum et Yasmine Chami, Mohamed Sghir Janjar et Nadia Bouras, Patrick Boucheron et Ilham Kadri, entre autres grands penseurs, importants opérateurs et non moins grands chercheurs. Les grands thèmes de notre humanité chancelante ont été visités, discutés, débattus, par moments disputés, comme les questions d’identités et de mobilités, de fraternité universaliste et de crispations d’enfermement. Des heures de débats, de passions, d’humour et de mauvaises humeurs. C’est aussi cela, le festival Gnaoua Musiques du monde.

La fondatrice et cheville ouvrière du festival Neila Tazi, qui avait œuvré dans le cadre de l’association Yerma Gnaoua à faire inscrire la culture gnaouia au patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'UNESCO en 2019, est aussi présidente de la Fédération des industries culturelles et créatives. Il n’est donc certainement pas fortuit qu’en marge du festival, une convention ait été signée par l’Union européenne et le gouvernement marocain, c’est-à-dire par le ministre Mehdi Bensaïd et l’ambassadrice Patricia Lombart Cussac, pour soutenir, porter, supporter, accompagner et financer la promotion de la culture comme vecteur de développement et d’emploi pour les jeunes. Les jeunes, c’est le Maroc de demain, la culture, c’est l’âme du Maroc éternel ; la combinaison des deux renforce l’ensemble de la société, pour aujourd’hui et pour après.

C’est donc tout cela, le festival Gnaoua Musiques du monde, la musique et la joie, le Forum et les idées, la culture et le rapprochement des civilisations, l’altérité et le lien entre les uns et les autres. Trois jours où chacun, chacune se retrouve et découvre, oublie les soucis du quotidien avant de le reprendre, retapés, heureux, sereins.

Merci aux organisateurs, à Neila Tazi, à ses équipes, aux Gnaoua, à Yerma Gnaoua, aux artistes venus se produire et s’amuser, aux penseurs présents pour échanger et s’amuser aussi, aux autorités pour la qualité de l’accueil et pour la sécurité de l’ensemble, aux officiels qui accourent pour moult raisons, entre autres s’amuser, aux stars internationales (médias, arts, finance…) qui apprennent le Maroc, le découvrent… et comme tout le monde, s’amusent. En attendant la prochaine édition, en juin 2024, avec impatience !

Aziz Boucetta

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En plus des 300.000 festivaliers, et comme pour tout festival, des personnages publics ont fait le déplacement et se sont plongés dans cette ambiance très particulière d'Essaouira en fête, en festival. Liste non exhaustive : Driss Yazami (CCME, ex-CNDH), Ahmed Rahou (Conseil de la concurrence), Bachir Rachdi (Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption), Amina Bouayach (CNDH) , Ahmed Chami (CESE), Samir Goudar (Marrakech-Safi), Rachid El Abdi (Rabat-Salé-Kenitra), Abdellatif Maâzouz (Casablanca-Settat), Nadia Bouaida (présidente commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants), Mohamed Zidouh (PI président du groupe d’amitié Maroc France), Noureddine Souleik (président du groupe UMT à la Chambre des conseillers), Aziz Lebbar (député PAM), Lahcen Haddad (ancien ministre, président de la commission parlementaire Maroc-UE), Farida Amrani (députée de la France Insoumise), Youssef Alaoui (président groupe CGEM à la Chambre des conseillers), Nabil Benabdallah (PPS), Ilyas Omari (ex-PAM), Nabila Mounib (PSU), Fode Sylla (Sénégal), Christophe Lecourtier (France), Khalid Safir (CDG), Hassan Boulaknadel (Office des changes), Fouad Arif (MAP), Hassan Boubrik (CNSS), Ilham Kadri, Diana Zniber, Nadia Larguet, Laila Hadioui, ...