(Billet 888) – Dans quel état sera la classe politique en 2026 ?
Le gouvernement Akhannouch, et la majorité qui va avec, sont-ils une finalité dans le plutôt poussif cheminement démocratique marocain ? Avec cette configuration politique, la fin de l’Histoire serait-elle décrétée sur nos terres ? Très certainement non. Il ne s’agit que d’une phase technocratique, inodore et incolore, qui produira certainement des résultats, mais qui éloigne d’ores et déjà les populations de la chose politique. Mais alors, avec quelle classe politique seront faites les élections de 2026, si ce n’est avant ?
Même durant les temps glorieux de Driss Basri, quand les partis de la majorité – vous savez, ces partis dits administratifs, nés de rien et valant à peine plus – mangeaient dans la main du puissant vizir, il y avait des débats, des combats et les formations issues du mouvement national étaient toujours sur le pont, plantant des banderilles là où elles pouvaient. Certes, les gouvernements de ces temps-là agissaient comme ils l’entendaient, n’ayant cure des récriminations et autres admonestations des ténors d’alors, mais il y avait des échanges politiques, des luttes d’influence, des joutes verbales, des discussions en coulisses, des arbitrages… Aujourd’hui, rien de tel, ce qui, pour la politique, la confiance et l’avenir, est mortel.
Le gouvernement actuel qui « dirige » l’attelage Maroc ne dit rien ou bien n’importe quoi, à voix inaudible et très peu crédible. En dehors des ministres de souveraineté, institutionnellement muets, seuls deux ou trois ministres parlent, osent aller vers les médias, n’hésitent pas à répondre aux gens qu’ils rencontrent, multiplient les rencontres et n’éludent rien, au risque de prendre des risques. Nizar Baraka s’exprime sans problème, de même que Ryad Mezzour, tous deux produits de l’école istiqlalienne ; Mehdi Bensaïd ne fuit pas plus les médias et les réseaux sociaux, mais lui, avant le PAM, a été éduqué à la politique dans une famille de gauche. Aziz Akhannouch rase les murs et Abdellatif Ouahbi rase les gens. En dehors de ces ministres, les autres, quand ils s’expriment, déroulent des chiffres ad nauseam, comme le ferait tout haut fonctionnaire qui se respecte et qui n’oublie jamais d’exalter « M. le chef du gouvernement ».
Quant aux parlementaires, ne creusons pas trop sur leurs profils et leurs profits…
Pendant ce temps, l’horloge tourne et le temps passe… mais quelqu’un, dans ces partis qui composent la majorité, et ailleurs, a-t-il pensé aux élections de 2026 et à la campagne électorale qui démarrera dès 2025 ? Comment convaincre les populations d’aller voter ? Le
RNI sombre dans sa suffisance de parti qui n’a jamais connu auparavant sa position actuelle et qui agit comme un nouveau riche, pétri de suffisance bien qu’insuffisamment nanti en compétences désintéressées ; le PAM n’en finit pas de ferrailler en interne, n’a toujours pas de bureau politique, encore moins de véritable politique ou de cadres politiques. Quant à l’Istiqlal, seule son histoire prestigieuse le sauve encore.
Au sein de l’opposition, outre le PPS toujours engagé et le PJD invariablement enragé, les autres ne disent rien, lorgnent d’éventuelles miettes de la majorité, leurs chefs attendant leur heure, inchallah.
Alors, en 2025/26 ? Que dira-t-on à une population de plus en plus exigeante, qui aura eu le sentiment de s’être fait berner en 2021, par les promesses, par les chiffres, par un programme type cabinet conseil ? Comment persuadera-t-on les gens d’aller aux urnes, si c’est pour reproduire la même caste politique ? La seule solution est que ce gouvernement puisse réaliser des miracles ce qui, au vu des ambitions et des chantiers pharaoniques qui cognent contre le manque de ressources, relèverait effectivement du… miracle. Et même si, d’aventure, ces grands projets aboutissent, ils demeureront des projets royaux (dessalement, couverture universelle, transition énergétique, éducation…) dans lesquels le gouvernement n’est qu’un simple exécutant qui ne pourra s’en prévaloir.
Sur le terrain politique et partisan, les moyens colossaux mis en œuvre entre 2017 et 2021 (législation, pressions, finances et financement) ne produiront pas indéfiniment les mêmes résultats et l’électorat, déjà désabusé, ne se laissera pas encore une fois abuser.
Alors en 2026, avec cette majorité et essentiellement avec ses deux principaux partis, le Maroc court le danger de perdre ce qui reste de ses corps intermédiaires, face à une population de plus en plus exigeante, active sur les réseaux sociaux, potentiellement explosive. Est-ce pour cette raison que les couteaux sortent, s’aiguisent, qu’Abdelilah Benkirane tire de plus en plus juste, qu’Ilyas El Omary surgit, plus souriant et mystérieux que jamais, que Nabil Benabdallah ratisse plus large, que l’Istiqlal fait le dos rond ?
2026, c’est encore loin, et tout peut se passer dans les quelques années qui viennent. Que les concepteurs, penseurs, organisateurs, et même les marionnettistes pensent qu’après cette phase RNI, quels que soient les résultats obtenus, la population aura besoin d’être convaincue d’accomplir son devoir électoral. Dans le cas inverse, le Maroc aura une classe politique illégitime, avec tous les risques et désagréments que cela peut occasionner.
Aziz Boucetta