(Billet 884) – Mondial 2030, les principes de Lekjaâ et le principe de Peter

(Billet 884) – Mondial 2030, les principes de Lekjaâ et le principe de Peter

Fouzi Lekjaâ est nommé président du Comité chargé de la candidature du Maroc au Mondial 2030, avec comme chacun sait l’Espagne et le Portugal. Cette mission viendra s’ajouter à ses autres fonctions, en l’occurrence et entre autres président de la Fédération royale marocaine de football et ministre délégué au Budget. M. Lekjaâ est un homme dont la compétence n’est plus à prouver, puisqu’elle l’a régulièrement été à maintes occasions et comme la haine que lui porte l’Algérie officielle le confirme aussi. Mais trop de fonctions, cela peut tuer un fonctionnement.

Lors de la précédente candidature du Maroc à l’organisation d’un Mondial, c’était en 2018 en Russie, le comité marocain était présidé par un autre ministre, celui de l’Industrie et du Commerce, Moulay Hafid Elalamy, et Fouzi Lekjaâ était bien évidemment dans le tour de table. Bien évidemment car il était déjà président de la FRMF, et donc agissait ès-qualité.

Faisons maintenant un saut outre-Atlantique et allons rencontrer un homme, Laurence Peter, qui a donné son nom au principe éponyme. Selon le principe de Peter, donc, dans une organisation ou système donné, tout cadre tend à s’élever et à gagner en importance, multipliant et complexifiant ses tâches, jusqu’à fatalement arriver à son seuil d’incompétence, c’est-à-dire une mission où le succès fait défaut. Cela ne signifie une incompétence par le manque ou l’insuffisance de connaissances ou d’expérience, mais une incompétence par le cumul de fonctions et le manque de temps pour faire face à tout cela, sauf épuisement précoce et préjudiciable pour l’ensemble.

M. Lekjaâ, en sa qualité de ministre au Budget (en plus des fonctions accolées à cette dernière) doit gérer le maigre budget d’un royaume aux mille ambitions, fort onéreuses. Il doit donc trouver de l’argent… là où il n’y en a pas, ou de moins en moins, dans les trésoreries d’entreprises et les poches des contribuables. Il doit en conséquence manager une sévère rareté. M. Lekjaâ est aussi président de la fédé de foot, avec une équipe qui a tout donné et dont en conséquence tout le monde attend tout. Et ainsi donc, de comité en commission, de rencontre en colloque, de réunions avec ses équipes aux sorties sur le(s) terrain(s), le ministre-président devra prendre sur le peu de temps libre qu’il lui reste pour rencontrer les Espagnols et les Portugais. On lui souhaite bon courage, avec une pointe d’inquiétude car les postes qu’il occupe ne peuvent ni ne doivent connaître l’échec.

Pourquoi dire cela ? Parce que depuis qu’il avait commencé à se faire connaître du grand public, M. Lekjaâ aligne les succès, rassure car il assure, avec une disponibilité à la communication et un franc-parler assez singulier pour le pays ; franc-parler prudent certes, mais franc-parler quand même. Or, le trop peu de temps ou le trop-plein de pression lui ont fait commettre des erreurs. Ainsi en octobre


2022 et alors que, lancé à toute vapeur, il défendait le projet de loi de finances, il avait annoncé àciel ouvert la décompensation du gaz pour 2023. Cela avait déclenché un grand « quoi ? » national, un très énervé « ça va pas, non ? » populaire, puis une tornade de commentaires, un concert de protestations, une grosse polémique qui n’avait été éteinte que par la survenue quelques jours plus tard à la télé de la ministre des Finances qui avait tout nié et affirmé haut et fort qu’il n’y aurait pas de décompensation de gaz en 2023. Même le très rugueux M. Lekjaâ, toujours aussi rugueux qu’une Lada communiste, avait dû précipitamment rétropédaler suite à cette grosse erreur de jugement, de communication et de sens politique.

Puis, en décembre 2022, un mois plus tard, à la suite du scandale des billets du Qatar, M. Lekjaâ était venu à la fédération la mine sombre et le regard mauvais, y avait réuni son comité directeur pour lui tenir les propos les plus fermes du monde sur les turpitudes de certains « misérables », qui seraient interdits de foot, tout le temps, toujours, et que le droit allait primer sur tous ces indélicats, quels que soient leur rang ou leur fonction ; on allait voir ce qu'on allait voir. Hourra. Puis, plus rien, sauf quelques mois plus tard, les noms de deux lampistes, certes connus dans leurs milieux et même au plan national, mais lampistes quand même par rapport au(x) nom(s) qui étaient sur toutes les lèvres et dans tous les esprits. M. Lekjaâ a bien voulu communiquer, mais comme il n’y avait rien à dire… erreur, donc. Pas par manque de temps, pas par manque de connaissances, mais sans doute par insuffisance de concertation, ou d’orientation(s), peut-être d’instructions aussi.

Aujourd’hui, un nouveau challenge attend Fouzi Lekjaâ, connu et réputé pour ses talents de négociateur sportif d’un niveau certain, à la CAF dont il membre influent et même faiseur de roi, et à la FIFA, où il nourrit de fortes ambitions. Ces talents lui seront d’une grande utilité avec les Espagnols et les Portugais, avec des Européens souvent animés par d’autres considérations que le foot, avec des Africains et des Latino-Américains, vigoureusement travaillés à la poche par nos « amis » Algériens, avec des Saoudiens peut-être mus par leur propre candidature et qui ne comptent pas...

Et en ferraillant ainsi, M. Lekjaâ est toujours ministre à temps plein et président à plein temps de la Fédération, en plus de la CAF et du reste, tout le reste. A la manœuvre et toujours sur le pont, il devra mettre en œuvre ses principes en évitant de confirmer le principe de Peter, ou alors le plus tard possible. Dans l'intervalle, félicitations à Fouzi Lekjaâ pour sa nouvelle fonction et bonne chance.

Aziz Boucetta