(Billet 814) – L’inutile attaque d’Aziz Akhannouch contre le PJD
Lors du conseil national du RNI, parti conduisant la majorité et le gouvernement, son président Aziz Akhannouch a prononcé cette phrase : « Dans certains domaines, en particulier sociaux, nous avons fait en un an ce qui n’a pas été réalisé sur les dix dernières années ». L’allusion est claire et l’attaque explicite : le chef du gouvernement cible le PJD, parti désormais moribond mais qui, à la faveur de pareilles banderilles, peut faire un rebond, voire un bond.
M. Akhannouch est chef du gouvernement depuis une quinzaine de mois et avant, il fut ministre de l’Agriculture (et d’autres choses) durant quatorze longues années, sous différents coloris, d’abord vaguement MP, puis opportunément technocrate, avant de devenir résolument RNI, en prenant sabre au clair la présidence de ce parti en 2016. Depuis, il faut reconnaître qu’il a réussi à transformer la formation, réussissant la mue de ses membres bleus en politique en Bleus tout court, et à faire d’un parti d’appoint un parti guerrier, avec un programme qui se tient et un sérieux programme de travail en soutien.
Pendant ces quatorze années au gouvernement, Aziz Akhannouch a su sauter d’une nacelle politique à une autre afin de se maintenir au gouvernement, « survivant » aux secousses politiques, sociales et sociopolitiques. Cela lui a conféré une solide technicité technocratique, mais une expérience politique moins marquée, sauf dans sa solide animosité contre le PJD d’Abdelilah Benkirane dont il fut ministre, de Saadeddine Elotmani dont il fut ministre aussi et du PJD tout court qu’il a réussi à bouter hors du gouvernement et presque hors du parlement aussi.
Cette animosité continue de marquer son parcours de survivant politique, comme on l’a constaté lors de ce dernier conseil national. Pourquoi rappeler, sinon, que son gouvernement a réalisé ce que les deux précédents n’ont pas réussi à faire ? Sauf que, de ces deux derniers gouvernements, il fut également membre et, dans le second, un membre plutôt important, incontournable, omnipotent. De 2017 à 2021, rien de sérieux et d‘important ne se faisait sans lui ou sans son aval. Et comme dans tout gouvernement, il y eut du bon, du très bon, du mauvais et du très mauvais.
Alors quelle est l’utilité de cette attaque contre le PJD, occupé à renaître de ses cendres, sauf de l’y aider ?
Il ne semblerait pas que cette saillie fût bien pertinente car un pays qui se dit et se veut démocratique a besoin de politique, et qu’au Maroc, pays qui se dit et se veut démocratique, la politique, durant « cette dernière année », vient précisément à manquer. Le PAM, englué dans ses contradictions n’a ni bureau ni ligne politiques, encore moins une idéologie identifiée et peine donc à être pris au sérieux. Seuls, dans ses rangs, Mehdi Bensaïd et Fatima Zahra Mansouri restent visibles, devant leur risible Abdellatif Ouahbi qui tient (encore) le rôle de secrétaire général.
Quant à l’Istiqlal, vieux et très légitime parti s’il en est, il perd précisément en légitimité, n’ayant pas tenu son congrès depuis plus de 5 ans, ce qui le place à la lisière de la légalité. En son sein, des conflits de dinosaures, Nizar Baraka, les pro-Nizar et les anti-Nizar, autrement dit le clan Ould Rachid. De cette rivalité entre autres naît l’éternel report du congrès et l’inexorable « hizbiculisation » de l’Istiqlal.
Et ainsi, avec un RNI plus technocrate que jamais et appuyé par deux partis inaudibles, la sortie de M. Akhannouch n’aura comme seul effet que faire sortir le PJD de sa léthargie, tant il est vrai que les anciens cadres de ce parti ont une sainte horreur qu’on leur dise que rien ne s’est passé durant leurs 10 années au gouvernement. Le dire conduit ou conduira à ressouder les rangs autour d’un Abdelilah Benkirane certes fatigué mais qui cherche une fenêtre de tir, que le chef du gouvernement vient très gentiment, et sans doute inconséquemment, de lui offrir.
Or, en ces temps troubles par les esprits troublés face à l’augmentation générale des prix des denrées essentielles, il n’y a rien de plus facile que de faire de l’opposition ; surtout face à un gouvernement atone et à une majorité monotone, tous deux conduits par un homme aussi expérimenté en gestion que désarmé en politique, dans un contexte général où la demande de politique devient de plus en plus forte.
Aziz Boucetta