(Billet 783) – Afin que l’esprit du Mondial subsiste, au moins deux décisions…
Il n’appartient qu’à nous que le Mondial du Qatar, réellement à plus d’un titre historique et pour le Maroc, soit fini et oublié, ou pas. Onze gars qui ont botté le ballon, marqué des buts, atteint les demi-finales, et puis c’est tout… ou une équipe structurée (Fédération, encadrement technique et médical, joueurs) qui a enchanté le monde par ses valeurs, sa ténacité et son organisation, et dont l’esprit demeure. Soit le Maroc reprend comme si de rien n’était, soit il prend des décisions inhabituelles. Deux peuvent être prises, rapidement, efficacement.
1/ Le football. A quoi cela sert-il d’avoir éveillé le Maroc et émerveillé le monde par notre équipe si les choses doivent en rester là ? A quoi cela sert-il de savoir que des choses malsaines se sont produites au Qatar si personne chez nous ne s’en offusque ? A quoi cela sert-il de lire et relire sur les réseaux sociaux que bien des membres de la Fédération de football n’ont pas été reçus au palais royal, si cela devait être une sanction ou une marque de mauvaise humeur ?
Fouzi Lekjaâ, l’un des architectes de ce succès planétaire que nous avons connu et qui nous a fait connaître, a été décoré de l’un des plus hauts ouissams du pays, ce qui implique des devoirs, des contraintes, en un mot de l’exemplarité. Il ne peut laisser poser tant de questions sans y répondre, sachant qu’aujourd’hui, il est aussi membre du gouvernement et qu’il dispose d’un pouvoir accru.
Que s’est-il passé au Qatar avec les billets ? Y a-t-il eu voracité de certains à la Fédération ? Y a-t-il eu dérapages d’autres ? Le public, ce merveilleux public qui a soutenu sa sélection, du début de la compétition jusque dans les rues de Rabat cette semaine, ne mérite-t-il pas des égards et un droit de regard sur les turpitudes d’une poignée de véreux ? Ces gens qui ont fait le déplacement à Doha et qui sont restés en dehors des stades où évoluaient leurs champions ne devraient-ils pas recevoir des réponses à leurs questions ?
Deux enquêtes devraient être menées, deux enquêtes des deux pouvoirs constitutionnels que sont le législatif et le judiciaire. Fouzi Lekjaâ, fort de son ouissam, devrait y veiller, s’en assurer, user de son téléphone et de son entregent, de son influence au nom de la bonne gouvernance à laquelle il est désormais tenu et que nous autres, Marocains, méritons ! Autrement, cela serait faire injure au public et à sa sélection nationale. Une autosaisine du parquet aurait été effectuée ; espérons qu'elle soit exhaustive et qu'elle aille à son terme, pour la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, et la justice, toute la justice, rien que la justice.
Rappelons juste deux faits : 1/ Nombre de joueurs ont décidé de reverser leurs primes de Mondial à des associations caritatives, ce qui gêne un peu
quand on sait les comportements prêtés à certains des membres de la FRMF et, 2/ Montages ou réalité, le nombre de publications sur les réseaux montre la très forte demande populaire de reddition des comptes. Parlement et justice seraient mal avisés de rester cois. Après tout, ce n’est pas tous les jours que des millions de Marocains descendent dans les rues pour fêter des valeurs, et ce n’est pas tous les jours que le roi sort dans la rue en tenue de foot arborant lui aussi un drapeau, que d’autres auraient souillé par leurs comportements !
2/ La Samir. Les explosions de citernes de gaz à Mohammedia ramènent, ou devrait ramener sur le devant de la scène la question du raffinage de pétrole et du stockage du gaz et du pétrole raffiné. Les grandes incertitudes géopolitiques et géoéconomiques de 2023 placent le Maroc, encore une fois, dans le grand débat sur l’avenir de la Samir à Mohammedia.
Mais de grand débat, point. Deux thèses s’affrontent toujours, ou plutôt continuent de se regarder en chiens de faïence. Le gouvernement, par la voix de la ministre de la Transition énergétique revient sur la question, mais sans grandes déclarations ni décisions. Le Front national pour le sauvetage de la Samir (FNSS) dénonce, les économistes plaident, chacun pour son camp, de même que les juristes restent partagés.
En septembre 2022, le Conseil de la Concurrence disait ceci, dans son avis sur le marché des carburants : « Afin de disposer de données économiques précises et actualisées sur l’industrie de raffinage à l’échelle mondiale pour faire les arbitrages nécessaires pour le maintien et le développement éventuels d’une activité de raffinage au Maroc, le Conseil recommande au Gouvernement de diligenter, en urgence, une étude économique et technique approfondie susceptible d’apporter des éléments de réponse précis en intégrant les évolutions que connait cette activité sur le marché mondial » ?
Et pour une telle étude dont les résultats concernent et impactent l’ensemble de la population, quoi de mieux qu’un grand débat ouvert entre les défenseurs du maintien du statu quo et les partisans d’une réouverture de la Samir. La décision d’initier ce débat appartient au gouvernement, qui devrait la prendre et vite, possiblement dans le bon sens pour créer la dynamique du dialogue, impliquer la société dans une affaire qui la concerne, afin que l’expression « démocratie participative » ne soit plus simplement un slogan pour forte consommation médiatique.
Bien entendu, le Code la famille, le Code pénal, la place de la femme dans la société et de la diaspora pour le pays sont autant de grandes questions nationales, qui devront être traitées en 2023. Mais que les décideurs, Etat ou gouvernement, commencent déjà par la symbolique du football et l’urgence de la Samir car, pour le premier, le monde nous regarde et, pour la seconde, le pouvoir d’achat est bousculé.
Aziz Boucetta