(Billet 646) – A Casablanca, ces horodateurs qui « sabotent » les automobilistes

(Billet 646) – A Casablanca, ces horodateurs qui « sabotent » les automobilistes

Nous connaissons tous cette ferraille jaune bloquant les roues de nos véhicules, les empêchant de rouler… Cela s’appelle un sabot. Vous ne payez pas votre stationnement ? Sabot ! Vous payez mais la durée réglée est dépassée ? Sabot ! Est-ce légal ou non ? Difficile de savoir, les esprits sont divisés et les juristes écartelés… mais ce que l’on sait, en revanche, c’est que si le sabot est légal dans certaines villes, il est illégal dans d’autres. Serions-nous donc devenus secrètement une confédération où ce qui est légal ici ne l’est pas, là ?

A Rabat, la pose du sabot n’est plus permise du tout, et à Marrakech remise sine die. A Agadir, le nouveau maire Aziz Akhannouch a déclaré que le stationnement serait désormais gratuit, dans les parkings publics et ailleurs. Mais à Tanger et à Casablanca, le calvaire continue.

Comment est-il donc possible que dans un pays qui se déclare Etat de droit, le droit soit appliqué ici mais pas là, au profit de telle population urbaine mais dans l’ignorance de telle autre ? Comment et pourquoi l’amende doit-elle être réglée directement entre les mains d’une entreprise privée qui se fait ainsi elle-même  justice? Cela est en principe illégal, sous peine de chaos prévisible, et le tribunal administratif de Rabat l’a bien relevé. Ce n’est plus une amende forfaitaire, c’est une forfaiture... ce n'est plus un sabot, c'est du sabotage ! Un autre argument pour l’illégalité du sabot a été apporté par un tribunal de Tanger qui a argué de l’illégalité de la limitation de la mobilité, un principe constitutionnel pourtant.

Et même sur le plan purement politique, les choses sont illisibles. En effet, le maire d’Agadir est Aziz Akhannouch, chef comme on sait du RNI, et à Rabat, c’est une mairesse RNI qui préside désormais aux destinées de la capitale et, répondant au nom d’Asmaa Rhlalou, elle n’a pas d’horodateurs dans sa ville. Comment expliquer alors que la mairesse de la Casablanca, Nabila Rmili, n’ait cure de la situation de ses administrés ?

Et à supposer même que ces engins et cette pratique soient légaux, ce qui resterait à prouver juridiquement et mériterait de l’être judiciairement, les anomalies se multiplient : Zone bleue mal tracée, peu visible, peinture écaillée,… et donc les automobilistes ne prêtent pas


attention et se retrouvent immobilisés ; certaines machines sont en panne et il faut alors aller en chercher une autre, dans une forme de double peine ; les appareils demandent l’appoint et ne rendent pas la monnaie, qu’il faut soit avoir sur soi ou aller chercher, avec les difficultés qu’on sait.

Il est certes compréhensible de vouloir réguler les stationnements dans une ville qui en manque, bien que plusieurs parkings aient vu le jour sous terre à Casablanca dans les dernières années mais pour autant, le droit doit primer et les gens ne doivent pas être opprimés. Alors que et comment faire ?

La solution passerait par des communes qui font leur travail et procurent des places de stationnement à leur population ; cela s’appelle des parkings. A défaut, il serait envisageable de revenir à l’ancien système des gardiens de voitures, les fameux gilets jaunes décriés par les automobilistes car s’ils aident effectivement à ranger les voitures, ils dérangent souvent leurs conducteurs, ce qui est normal car ces fonctions de « gardiens » sont spontanées et donc « sauvages ». Engager (et non recruter) des jeunes pour faire ce travail, avec des caméras comme pour les gendarmes, serait une piste de réflexion, afin d’éviter les harcèlements et les incivilités.

Quant aux comportements consistant à laisser sa voiture garée plusieurs heures, personne n’y peut rien, les gens étant comme chacun sait et pour la plupart résolument inciviques. Une dernière solution serait de réglementer ces parkings avec horodateurs, directement gérés par les communes, qui détiendraient alors le pouvoir de verbaliser… La digitalisation ferait le reste, avec inscription d’une amende sur le numéro minéralogique du véhicule, que son propriétaire paierait à sa convenance ou, au plus tard, au moment du règlement de sa « vignette » automobile.

En tout état de cause, il appartient aux communes, voire aux régions, d’apporter un cadre juridique, légal et légitime, car la procédure du sabot met aux prises des privés, monte les uns contre les autres, et crée de l’insécurité. Et si les maires ne sont pas conscients du problème, ou inaptes à le gérer, la Direction générale des collectivités territoriales au ministère de l’Intérieur dispose d’assez de matière grise et de compétences pour mettre au point une solution. Car le sabot n’en est pas une !

Aziz Boucetta